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DOSSIER - Recensement agricole : Le nouveau visage de la viticulture

ALSACE Crémant et bio ramassent la mise

Christophe Reibel - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 26

Les viticulteurs alsaciens ont réduit leurs rendements. Ils s'adaptent au marché en jouant la carte du crémant et du bio.
La viticulture en Alsace

La viticulture en Alsace

Le vignoble alsacien produit moins, mais mieux. En dix ans, la récolte moyenne est passée de 1,2 million d'hectolitres (Mhl), voire légèrement plus, à 1,1 Mhl, parfois un peu moins. Le tout sur une surface stable selon les premières données du RGA 2010.

Ces chiffres s'expliquent par des choix qualitatifs. Les rendements ont diminué avec l'abandon des 10 % de plafond limite de classement à partir de la récolte 2005. Depuis lors, ils ne dépassent plus 80 hl/ha. De plus, les professionnels ont voulu obtenir la reconnaissance d'appellations communales et de lieux-dits. Ils ont donc mis en place des cahiers des charges plus restrictifs dans les communes et zones concernées.

Léger recul du poids des vignerons indépendants

Cette évolution a été voulue par la profession. Mais pour Christian Rellé, conseiller au centre de gestion et de comptabilité du Haut-Rhin, elle est aussi une conséquence de la crise de 2005. À l'époque, après une récolte 2004 de 1 270 000 hl, les ventes et les prix du vrac dévissent. « Les viticulteurs ont mesuré l'effort à faire en qualité et en marketing pour sortir de cette mauvaise passe, analyse-t-il. Un certain nombre d'entre eux se sont demandés s'ils devaient continuer ou arrêter la bouteille. »

Quelques metteurs en marché ont franchi le pas en devenant totalement ou partiellement vendeurs de raisins. « C'est la voie choisie par les domaines qui vendaient moins de 20 000 cols par an avec une clientèle particulière vieillissante. À l'inverse, ceux qui sont au-dessus de 30 000 cols ont fait preuve de dynamisme commercial », constate Christian Rellé.

Les statistiques du Conseil interprofessionnel des vins d'Alsace (Civa) permettent de suivre cette évolution. En dix ans, la part des vignerons indépendants recule de 22 à 20 % des volumes de vins d'Alsace commercialisés. Dans le même temps, la coopération passe de 37 à 39 % et le négoce reste stable à 41 %. Aujourd'hui, 705 exploitations pratiquent la vente directe, soit 16 % d'entre elles.

La crise a aussi amplifié des tendances plus anciennes. À commencer par le penchant à produire du crémant. L'effervescent a l'avantage de bien valoriser le pinot blanc et l'auxerrois, deux cépages qui savent coller au rendement autorisé de 80 hl/ha. Dans les années 2000, le vignoble en récoltait entre 155 000 et 170 000 hl par an. Dix ans après, le marché s'élève à 239 000 hl.

Le bio a également fait son trou. En 2000, il part de loin. Ce mode de production est alors pratiqué dans 40 exploitations qui cultivent 391 ha. En 2010, elles sont 231 à travailler 1 752 ha en bio, soit 11 % du vignoble. Plusieurs caves coopératives s'y sont mises depuis deux à trois ans. « Le rythme actuel s'élève à environ 200 ha convertis par an. Les motivations sont très diverses : mise en valeur des terroirs, volonté d'abandonner la manipulation des produits de synthèse, demande des marchés », détaille Christophe Ringeisen, de l'Organisation professionnelle de l'agriculture biologique en Alsace (OPABA).

Globalement, l'environnement n'est plus un parent pauvre de la conduite d'exploitation. La nouvelle génération qui reprend les exploitations évalue précisément l'impact de ses pratiques sur l'environnement.

Le BTS est devenu le niveau standard

Son niveau de formation a augmenté. « Le BTS est devenu le standard pour 80 % des jeunes qui s'installent, même s'ils ne sont que vendeurs de raisin. 20 % sont diplômés d'une école d'ingénieurs. Et les vignerons indépendants rallongent fréquemment leur cursus par une année d'études commerciales », affirme Jean-Michel Speich, œnologue à la chambre d'agriculture du Bas-Rhin.

Les chefs d'exploitation ayant besoin de main-d'œuvre compétente, les salariés sont eux aussi de plus en plus nombreux à s'inscrire aux formations qui leur sont proposées. À l'autre extrémité de la pyramide des âges, les plus anciens jettent l'éponge sous la pression environnementale. Ce phénomène s'observe surtout depuis 2008.

« Beaucoup sont écœurés par l'interdiction des produits de traitement qu'ils avaient l'habitude d'utiliser et par l'obligation de faire contrôler leur pulvérisateur, raconte un notaire haut-rhinois. Ils se sentent un peu largués, alors ils louent leurs vignes. Mais ils ne les vendent pas ou alors peu. Ils ont trop de mal à se défaire de leur propriété. » Le vignoble devient aussi de plus en plus employeur de main-d'œuvre. Pour deux raisons : les exploitations s'agrandissent et les nouveaux retraités de la viticulture entendent mieux profiter de leur statut que leurs prédécesseurs. Ils n'aident plus forcément leurs enfants à plein temps. L'époque où la retraite se passait sur l'exploitation semble en partie révolue.

Le Point de vue de

Christophe Koenig, viticulteur à Goxwiller (Bas-Rhin), 7,2 ha en 2000 et 9 ha en 2010

« J'ai diversifié ma gamme »

Christophe Koenig, viticulteur à Goxwiller (Bas-Rhin), 7,2 ha en 2000 et 9 ha en 2010 © C. REIBEL

Christophe Koenig, viticulteur à Goxwiller (Bas-Rhin), 7,2 ha en 2000 et 9 ha en 2010 © C. REIBEL

« J'ai succédé à mon père en 1999. À l'époque, le domaine vendait 35 000 à 40 000 bouteilles par an, du raisin et du vrac. J'ai arrêté le vrac, car j'ai récupéré des marchés de vins kascher. Je vends actuellement 70 000 bouteilles par an. Je ne cède plus que 60 ares en raisin. J'ai réduit la surface de sylvaner de 2,5 à 1 ha. Pour mieux coller à la demande, j'ai planté 70 ares de gewurztraminer et 80 de pinot auxerrois. Avec ce dernier, j'ai élaboré mes 5 000 premières bouteilles de crémant en 2005.

J'en élabore 13 000 cette année. Globalement, j'ai diversifié ma gamme avec des cuvées de veilles vignes, des vendanges tardives et du pinot noir en barrique. J'ai mécanisé pour pouvoir suivre à la vigne et investi pour traiter plus de volume : j'ai acheté une effeuilleuse en 2009, changé mon pressoir ainsi que mon groupe d'embouteillage et me suis équipé en froid et en cuverie inox. J'ai doublé mon stockage pour le porter à 90 000 cols. Je n'ai plus de salarié à temps partiel mais une personne à temps complet.

J'ai organisé l'exploitation en deux sociétés : une EARL qui cultive les vignes et produit les raisins et une SARL qui les vinifie et qui commercialise les vins. Dans le syndicat du village, nous ne sommes plus qu'une vingtaine. Les double-actifs sont plus nombreux et cinq d'entre nous font de la bouteille. Nous étions deux de plus en 2000. Il y a moins de gens qui vivent de la vigne dans le village et il n'y a plus de fête du vin. Le syndicat l'a arrêtée en 2005, faute de rentabilité et de monde pour l'organiser.»

L'essentiel de l'offre

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