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DOSSIER - Recensement agricole : Le nouveau visage de la viticulture

PROVENCE Tout n'est pas si rose

Chantal Sarrazin - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 40

Grâce au rosé, le vignoble provençal ne s'est pas trop réduit ces dix dernières années. Les exploitations se spécialisent et s'agrandissent. Mais les coûts de production restent élevés du fait de petits rendements. Et le prix du foncier décourage les jeunes.
La viticulture dans le Var et les Bouches-du-Rhône

La viticulture dans le Var et les Bouches-du-Rhône

C'est un portrait plutôt positif que livre le RGA dans le Var et les Bouches-du-Rhône, principaux producteurs du bassin provençal. Dans ces deux départements, la superficie en vignes affiche en effet un recul mesuré par rapport à l'an 2000 : 7,5 % dans le Var, avec 29 400 ha en 2010, et 9 % dans les Bouches-du-Rhône, avec 10 200 ha, selon le service régional de l'information statistique et économique en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Une petite déprise qui tient en quatre lettres : le rosé !

« C'est le moteur de la viticulture provençale ! » affirme Olivier Lesthevenon, directeur du Centre d'études et de gestion du Var. Dans les deux départements, la couleur domine : 85 % de la production dans le Var et presque autant chez son voisin.

Prix rémunérateurs

Franck Fourment, le chef du service viticole de la chambre d'agriculture du Var, précise : « Le rosé est porteur depuis 2005, où le cours du vrac s'est renchéri. » Il se maintient depuis trois à quatre ans à un niveau relativement élevé. Le côtes-de-provence frôle ainsi les 140 €/hl et le coteaux d'Aixen-Provence les 115 €/hl.

Attirés par ces prix rémunérateurs, les vignerons se sont davantage orientés vers les AOC, délaissant les vins de table. Dans les Bouches-du-Rhône, 95 % des vignes sont sous signe de qualité (AOC ou IGP) contre 91 % en 2000. Dans le Var, cette proportion atteint 96 %, contre 85 % il y a dix ans. En son sein, la production en AOP est majoritaire avec 23 300 ha et s'est étendue au détriment de la production en IGP.

Toujours dans ce département, le taux de spécialisation des exploitations en viticulture atteint le niveau record de 93 %, en hausse de quatre points par rapport à 2000. Les Bouches-du-Rhône suivent une tendance similaire : 73 %, en augmentation de sept points.

La professionnalisation fait également un bond impressionnant. Dans le Var, près de 60 % des exploitations viticoles sont grandes ou moyennes contre 45 % en 2000. Même chose dans les Bouches-du-Rhône : 62 % contre 53 % en 2000. La superficie moyenne des exploitations cultivant de la vigne passe de 19 à 25 ha dans les Bouches-du-Rhône et de 9 à 12 ha dans le Var. Dans ce dernier département, selon Franck Fourment, elle avoisine les 18 ha si l'on met de côté les pluriactifs nombreux au sein des coopératives et propriétaires de petites surfaces. Corollaire de ces agrandissements, la mécanisation s'est accentuée.

L'emploi s'y est aussi mieux maintenu qu'ailleurs : seulement 11 % d'UTA en moins. Dans le même temps, la présence de salariés permanents a augmenté d'environ 20 % quand celle des effectifs à temps partiel a diminué. Idem dans les Bouches-du-Rhône.

« Spécialisation, professionnalisation, concentration… Ces mouvements débouchent généralement sur une diminution du nombre d'exploitations », constate Laura Brondino, chargée d'études technicoéconomiques à la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône. Elle voit juste. Dans son fief, le nombre d'exploitations spécialisées en vigne a baissé de 30 % pour s'établir à 650. Dans le Var, les exploitations sont au nombre de 2 735, en baisse de 32 %.

Autres révélations du recensement, l'importance de la vente en circuit court : 25 % des exploitations la pratiquent dans les Bouches-du-Rhône et 23 % dans le Var. Les vignerons indépendants choisissent de plus en plus cette orientation commerciale pour profiter de la manne touristique. Elle n'est peut-être pas aussi lucrative que cela. « Autrefois, il suffisait de vendre 30 % de sa production au caveau et le reste en vrac pour être rentable, commente Franck Fourment. Aujourd'hui, ce n'est plus suffisant à cause des rendements agronomiques qui ont fortement diminué au cours de ces dernières années. Selon nos calculs, le coût de production en caves particulières dans les Côtes-de-Provence revient actuellement à 220 €/hl, alors que le cours du vrac se situe aux environs de 140 €/hl. »

Pression foncière

Un autre signe inquiète les experts : le renouvellement de la population viticole. La part des moins de 40 ans, 15 % dans les deux départements, se situe dans la moyenne régionale. Idem pour les plus de 60 ans, dont la part s'élève à 42 %. Ils semblent nombreux à ne pas savoir qui va leur succéder. Dans le Var, la pression foncière devient une barrière à l'installation des jeunes. « Le prix de la vigne oscille entre 35 000 et 100 000 €/ha, selon les zones, remarque Olivier Lesthevenon. Un jeune seul peut difficilement se porter acquéreur.»

Le Point de vue de

Richard Martel, domaine de la Garnaude, à Gonfaron (Var). 18 ha en 2000, 15 ha en 2010

« J'ai saisi la balle du rosé au bond »

Richard Martel et sa femme. © J. NICOLAS

Richard Martel et sa femme. © J. NICOLAS

« Jusqu'en 2005-2006, nous produisions 80 % de rouge et 20 % de blanc et de rosé. Les ventes de rouge ont commencé à ralentir à cette époque. Aussi, nous avons inversé la tendance en faveur du rosé, dont les ventes décollaient. Aujourd'hui, il constitue 80 % des 55 000 à 60 000 cols que nous produisons. En 2006 et 2007, nous avons arraché 3 ha de vignes en gobelet sur les 18 ha que nous cultivons en côtes-de-provence. Ils sont en cours de replantation.

Nous allons les remplacer par des vignes palissées. Et nous allons planter du rolle et du cinsault, deux cépages adaptés à la production de rosé. Ce changement de cap nous a obligés à retrouver une nouvelle clientèle. Avec mon épouse, nous avons démarché les cavistes de la région pour leur présenter nos rosés.

Nous les avons convaincus. Aujourd'hui, ils représentent 40 % de notre chiffre d'affaires, autant que le caveau. Nous accueillons surtout des touristes l'été. Ils commandent ensuite tout au long de l'année. Le reste de nos ventes s'opère dans la grande distribution locale, amatrice de rosés de propriétaires récoltants. Nous faisons désormais appel à des prestataires extérieurs pour réaliser des travaux ponctuels dans nos vignes. Nous ne pouvons pas être partout à la fois ! Il y a un an, j'ai pris ma retraite. Mon épouse gère désormais l'exploitation. Notre fille devait prendre notre succession, mais elle a finalement choisi une autre orientation professionnelle. Nous vendons donc notre domaine. Problème, les acheteurs ne sont pas légion. La cherté du foncier décourage les jeunes. Ces dernières années, j'ai vu de nombreux domaines à la vente dans le Var. Beaucoup ont été rachetés par des investisseurs étrangers qui emploient des salariés pour s'en occuper. Si cela continue ainsi, le vigneron risque de devenir une espèce en voie de disparition. »

L'essentiel de l'offre

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