Toute la première quinzaine de février, le thermomètre est descendu très bas dans les vignobles. « Nous avons eu jusqu'à -15,5°C sous abri et, un jour, nous avons frôlé les -20°C dans les bas-fonds », rapporte Nicolas Besset, du Comité de développement du Beaujolais. En Touraine, « les températures sont descendues jusqu'à -22°C sur la zone de Cheverny », constate Michel Badier, de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher. Ce dernier craint que des plantations de 2011 réalisées avec des plants en pot ou des complantations de cet automne aient gelé.
Quelques craintes de gel
En Côte-d'Or, la question se pose pour les parcelles les plus précoces et pour celles qui ont été taillées juste avant le coup de froid. Du fait des températures douces de décembre et janvier, elles avaient commencé à pleurer. Ont-elles supporté le brusque refroidissement ? Verdict au débourrement. En Alsace, il ne devrait pas y avoir d'incidence, « sauf dans des parcelles qui avaient peu de réserves », indique Frédéric Schwaerzler, de la chambre d'agriculture du Haut-Rhin.
La vague de froid a duré entre dix jours et trois semaines selon les régions. Elle a perturbé le déroulement des chantiers de taille. « Pendant au moins deux semaines, nous avons vu peu de monde dans les vignes », remarque Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Les viticulteurs en ont profité pour assister aux réunions techniques ou pour faire de la « paperasse ». Pour autant, ils ne sont pas en retard car, en décembre et janvier, ils avaient pris de l'avance.
Ce froid a fait ponctuellement quelques dégâts dans les caves. Certains groupes de froid ont gelé, les mettant hors service. Quelques canalisations ont éclaté, mais les assurances ont généralement couvert les dégâts. Durant la vague de froid, les vins ne se goûtaient pas bien. Les viticulteurs n'ont pas pu les travailler, ni les mettre en bouteille. « Dans les cuves extérieures, une partie du vin a gelé. Mais je ne pense pas que cela aura une incidence sur la qualité », rapporte Emmanuel Rouchaud, de la chambre d'agriculture de l'Aude. Enfin, quelques vignerons se demandent s'ils n'auront pas des soucis au moment de la remise en route de leur pulvérisateur.
Effets positifs
Mais le froid a aussi eu des effets positifs. « En janvier, des vignes pleuraient, ce qui est exceptionnel. Si la douceur avait duré, la végétation aurait démarré très tôt. Le froid a calmé les choses », explique Pierre Petitot. « Les plantes vivaces présentes dans les vignes ont gelé. Nous avons eu droit à un désherbage naturel. Le froid a aussi permis de faire le ménage chez les parasites », poursuit Emmanuel Rouchaud.
Après la mi-février, les températures sont remontées, parfois brutalement. Dans le Loir-et-Cher, le 29 février, le thermomètre indiquait 17 à 18°C l'après-midi et les vignes pleuraient. « Si cela continue ainsi, la végétation redémarrera rapidement », rapporte Michel Badier. Partout les travaux ont repris. Comme le signale François Dal, de la Sicavac, à Sancerre, « la taille avance vite car, du fait de la sécheresse du printemps dernier, la quantité de bois est faible ». Et dans l'Aude, un autre problème inquiète actuellement les vignerons : le manque d'eau. Affaire à suivre.
Le Point de vue de
Jean-Noël Barrau, directeur technique de la cave de Rabastens (Tarn)
« Nous avons pris quinze jours de retard »
« Le travail en cave a complètement cessé entre le 6 et le 15 février. Des tuyaux reliant un chai à un autre avaient gelé au niveau des points bas et nous ne pouvions plus faire nos assemblages. En extérieur, les pompes ne fonctionnaient plus et nous n'avions plus d'eau pour laver les cuves. Seules nos équipes chargées de la mise en bouteilles ont travaillé comme d'habitude. Nous avons ensuite pu reprendre à 60-70 % mais, les nuits restant très froides, nous devions attendre que certaines conduites dégèlent le matin. À cela se sont ajoutées les barrières de dégel qui ont ralenti les transports routiers. Fin février, nous avions pris quinze jours de retard sur nos livraisons. Quand la vague de froid a cessé, nous avons planifié deux semaines de 45 heures pour rattraper. Nous avons chargé sept à huit citernes par jour, au lieu d'une à trois habituellement. Côté qualité, il y aura forcément des précipitations tartriques, peut-être une perte d'acidité et de couleur. Mais le froid ne devrait pas être préjudiciable. »