Le mois écoulé a été marqué par plusieurs épisodes gélifs. Le 5 avril, le fléau frappe les vignes du pays de Retz, en Loire-Atlantique, un secteur proche de la mer, habituellement non gélif. Il touche près de 200 ha, détruisant 50 % des bourgeons en moyenne et de 15 à 90 %, selon les parcelles. « Les bourgeons les plus avancés, ceux situés à l'extrémité des baguettes, ont été touchés », précise Nadège Brochard-Mémain, de la chambre d'agriculture. Le chardonnay est le cépage le plus atteint. Dans la nuit du 16 au 17 avril, le thermomètre est une nouvelle fois descendu sous la barre fatidique des 0°C dans le Pays nantais. Mais cette fois, les dégâts ont été très localisés et limités.
« Des dégâts difficiles à estimer »
La même nuit, les températures sont descendues à - 4 voire - 6°C par endroits à Chablis. Les vignes étaient aux stades éclatement du bourgeon à une feuille étalée, soit des stades potentiellement très sensibles. Heureusement, l'air et la végétation étaient très secs du fait du vent du nord et de l'absence de pluie. « Au final, 80 % des parcelles ont moins de 5 % de bourgeons gelés. Dans les autres, les dégâts oscillent entre 5 et 10 %. Mais ponctuellement, certaines sont atteintes à 40 voire 70 %. Localement, il pourra y avoir des pertes de récolte », rapporte Guillaume Morvan, de la chambre d'agriculture de l'Yonne.
Le gel a également frappé la Touraine et les vignes de Quincy (Cher) qui n'étaient pas protégées par les éoliennes. « Mais comme la végétation n'a pas bougé depuis trois semaines, il est difficile d'estimer les dégâts », indique Michel Badier, de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher. La Champagne n'a pas non plus été épargnée. « C'est encore prématuré de se lancer dans des estimations chiffrées. Il y a de réels dégâts dans la côte des Bar, surtout dans les parcelles précoces de chardonnay où 20 à 60 % des bourgeons sont perdus. Mais cela ne signifie pas que la baisse de rendement sera de cet ordre, car la vigne a des capacités à compenser. Certaines parcelles sont très touchées, comme ce fut le cas l'an dernier. Mais je ne suis pas inquiet sur la récolte globale de la Champagne », indique Jean-Louis Normand, président de l'AVC et viticulteur à Bar-sur-Seine (Aube).
« Les nécroses ne se sont pas vues tout de suite »
Le gel a également touché le vignoble de Bergerac à des degrés divers. « En moyenne, 30 à 40 % des bourgeons sont détruits, mais dans certains bas de coteaux, cela peut aller jusqu'à 80 %, déplore Laurent Colombier, de la chambre d'agriculture de Dordogne. Le merlot est assez fertile. On suppose que les contre-bourgeons vont repartir et porter au moins une grappe. Pour les blancs, sémillon ou sauvignon, c'est moins sûr. »
Quelques dégâts également en Gironde, notamment dans le secteur de Coutras. « Comme il a plu juste après le gel, les nécroses ne se sont pas vues tout de suite », rapporte Stéphanie Florès, de l'Adar. Certaines parcelles accusent des dégâts importants avec 15 à 40 % de bourgeons détruits. « Mais sauf cas particulier, ce n'est jamais à l'échelle de toute une exploitation », souligne la technicienne.
Le Point de vue de
Emmanuel Mannoury, viticulteur à Courteron (Aube)
« Entre 20 et 50 % des bourgeons sont touchés »
« Nous avons relevé - 7,5 à - 8°C dans la nuit du 17 au 18 avril. Heureusement, le temps était sec… Il est prématuré (début mai, NDLR) de définir le pourcentage de bourgeons atteints, car ce gel a été suivi par une longue période de froid dont nous sortons à peine. Quand la végétation sera vraiment repartie, nous pourrons évaluer la perte avec précision. Il y a déjà des bourgeons grillés qui sont perdus. Nous voyons également des bourgeons qui sont encore verts mais un peu mous.
Ce qui nous laisse à penser qu'ils ont aussi souffert du gel. Quant aux bourgeons qui vont continuer de pousser, on ne sait pas quel sera leur comportement à la floraison. Il se peut que l'inflorescence ait été fragilisée par le gel et donne un petit raisin, voire pas de raisin du tout. Nous aurons une vision claire du potentiel de récolte seulement au stade trois à quatre feuilles étalées. La fourchette d'estimation des pertes ne peut donc être que très large début mai. Je pense qu'entre 20 et 50 % des bourgeons sont touchés.
Les chardonnays, qui étaient plus avancés que les pinots noirs et les pinots meuniers, sont peut-être les plus impactés. Les vignerons champenois restent toutefois sereins, car nous avons la chance de disposer d'une réserve individuelle (RI). En moyenne, les vignerons ont plus de 8 000 kg/ha dans cette RI, ce qui permet d'absorber en grande partie un accident climatique. De plus, le reste de la Champagne semble moins impacté que la côte des Bar. »