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DOSSIER - Vin bio : La croissance jusqu'où ?

Grande confiance chez les producteurs historiques

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°242 - mai 2012 - page 28

Les viticulteurs en bio historiques, convertis depuis longtemps déjà, vendent leur domaine et leur savoir-faire avant de vendre un produit biologique. C'est pour cette raison, qu'ils ne redoutent pas la concurrence des nouveaux venus.
Louis Fabre et sa sœur Marie Teisserenc, des vignobles Fabre. « Le bio est un plus, mais nos clients nous retiennent d'abord pour la qualité de nos vins. » © P. PARROT

Louis Fabre et sa sœur Marie Teisserenc, des vignobles Fabre. « Le bio est un plus, mais nos clients nous retiennent d'abord pour la qualité de nos vins. » © P. PARROT

« Ce n'est pas le bio qui me fait vendre », affirme Marie Teisserenc, des vignobles Fabre. Basée à Luc-sur-Orbieu, dans l'Aude, cette exploitation sera le plus gros producteur indépendant de vin bio en Languedoc d'ici 2013, avec 370 ha certifiés. « Je vends d'abord nos domaines, poursuit Marie Teisserenc. Le bio est un plus, apprécié de nos clients distributeurs, mais ils nous retiennent d'abord pour la qualité de nos vins. D'ailleurs, nous ne faisons pas apparaître la mention bio sur nos grandes cuvées. Nous sommes en bio car nous pensons que c'est la meilleure façon d'exprimer le terroir. Ces trois dernières années, nous aurions mieux valorisé nos vins en vrac qu'en bouteilles, mais ce n'est pas l'esprit du domaine. »

« Moins d'un client sur dix me réclame du bio »

Même son de cloche chez Pierre Clavel, propriétaire du domaine du même nom à Assas, dans l'Hérault. Converti de longue date, il commercialise en direct 200 000 cols par an. « Moins d'un client sur dix me réclame du bio. En Allemagne, par exemple, où j'ai quarante importateurs, il n'y en a pas un dans le circuit bio. Mais ils connaissent tous ma façon de travailler les vignes. »

Ces vignerons bien implantés ne voient pas la hausse des volumes certifiés comme une nouvelle concurrence. Ils partent du principe que ces vins existent déjà sur le marché et qu'ils passent simplement de conventionnel en bio, sans augmenter l'offre globale.

« Je suis en bio depuis 1985. J'ai connu une succession de vagues d'engouement pour le bio. Les crises de Tchernobyl et de la vache folle ou encore le Grenelle de l'environnement sont des événements qui ont favorisé le bio. Si nous les avons traversés sans perturbation, c'est parce que nos acheteurs sont attachés au domaine. Tous nos distributeurs à l'étranger nous connaissent et sont venus nous rendre visite », affirme Olivier Azan, du domaine de Petit Roubié, à Pinet dans l'Hérault.

Seule inquiétude pour ces vignerons aguerris au bio : que les nouveaux venus, encore peu rodés à ce mode de production, déversent sur le marché des vins peu qualitatifs. Dans ce cas, ils nuiraient à l'image des vins bios qui s'est beaucoup améliorée ces dix dernières années. « La connotation "hippies baba cool" qui a longtemps collé à l'image du bio s'est estompée grâce à l'arrivée de vins ayant remporté des médailles dans des concours à côté des vins conventionnels. Aujourd'hui, le bio est un plus qui permet de se différencier. Je viens d'être sélectionné par le sommelier du Crillon, qui monte une carte de vins bios », assure Dominique Vacher, du château Grand français aux Églisottes, dans le Bordelais.

Les bios historiques, dont les deux tiers pratiquent la vente directe, voient aussi dans l'arrivée de renforts un bon moyen de poursuivre l'indispensable travail d'information des consommateurs.

Selon une enquête menée par Ipsos en septembre 2011 auprès de 1 012 Français, 82 % d'entre eux ont entendu parler du vin bio. Mais apparemment pas assez, car la première raison pour laquelle ils n'en achètent pas est le manque d'habitude. Cela pourrait bien changer. En effet, de nombreux vignerons qui ont longtemps pratiqué le bio incognito sont en train de sortir du bois pour revendiquer ouvertement leur mode de production. Gageons qu'ils pousseront leurs clients à penser plus souvent au bio !

Le Point de vue de

« La hausse de l'offre va dynamiser le marché »

«Le développement du bio est une tendance de fond. Grâce à une croissance de 28 % en 2010, le vignoble bio français dépasse les 50 000 ha en 2010. La demande est forte, en France comme à l'étranger. On constate une dynamique dans tous les circuits : la vente directe, l'export, la grande distribution, les magasins spécialisés… Aujourd'hui, il y a des demandes que nous ne pouvons pas satisfaire, car les volumes sont insuffisants. Les volumes importants qui arrivent vont permettre d'y répondre. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de difficultés pour certains produits. Le défi de la filière viticole est de se structurer et de s'adapter à ce nouveau contexte en identifiant les voies d'avenir pour le développement de ses marchés. Il faut rester vigilants et mobilisés et soutenir cette dynamique par des actions d'information et de communication. C'est ce que nous allons faire dans la première quinzaine de juin, à l'occasion de notre printemps bio dont le pilier sera l'apéro bio, organisé dans toute la France, autour des vins biologiques bien sûr. »

Cet article fait partie du dossier Vin bio : La croissance jusqu'où ?

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