L'évolution des ventes de vins bios en grande distribution (GD) est une des inconnues qui déterminera l'avenir de cette filière. À ce jour, ces ventes restent confidentielles. En 2010, selon une étude de la société IRI, elles s'élevaient à 0,7 % du volume et 1 % de la valeur des ventes totales de vins sur ce circuit. Mais les taux de croissance sont impressionnants : + 60 % en 2009 et + 28 % en 2010 selon cette même étude. La tendance semble s'être confirmée en 2011.
Chez Système U, les ventes de vins bios ont progressé de 20 % l'an dernier. « Depuis trois ans, nous avons développé une offre permanente de vins bios de marque distributeur que nous avons mise en avant lors des foires au vin, indique Emmanuel Podevin, le chef de produit vins et champagne de la centrale nationale. L'approvisionnement a été très compliqué du fait de la rareté de l'offre. Mais nous avons réussi à développer notre marque Ubio grâce à des partenariats de longue date avec des vignerons. »
Le groupe Advini s'engage
« On n'est plus sur une niche, mais sur une tendance réelle, analyse Christophe Forgerit, responsable R&D et marketing de la Fiée des lois, négoce embouteilleur basé à Prahecq, dans les Deux-Sèvres, et qui fournit la GD en France et à l'export. Nous sommes sur un univers qui se consolide. Il y a une demande pour les vins bios, dont la qualité a beaucoup progressé ces dernières années. » Même si les ventes de sa marque bio Terre nature ne progressent pas vraiment, Jeanjean fait également le pari que la demande va se développer. « La GD sent l'émergence d'un nouveau marché. Le lancement de vins bios en marque de distributeur en atteste », expose Gilles Gally, responsable des achats vin de la maison héraultaise. Le groupe Advini, auquel appartient Jeanjean, a d'ailleurs engagé le passage en bio de ses 1 400 ha de vignoble d'ici 2015. Il s'est aussi engagé dans un partenariat avec huit vignerons des Sables de Camargue pour développer en bio la marque Les embruns, qui représente un potentiel de 25 000 à 30 000 hl.
Chez Castel, on est plus circonspect vis-à-vis du développement des vins bios. Le numéro un français du vin fait le pari de l'agriculture raisonnée et du développement durable. « En 2011, nous avons testé Celliers de la ruche, une marque ombrelle dédiée aux vins bios, explique Alexis Raoux, responsable du management environnemental chez Castel frères. La rotation a été très faible et nous n'avons pas poursuivi. Ce test nous a confortés dans notre conviction que le bio n'est pas une demande du consommateur, mais plus un segment que souhaite développer la grande distribution. À notre échelle, nous croyons plus en un référentiel comme Terra Vitis. »
L'achat de vins bios en GD reste occasionnel
On peut également s'interroger sur l'effet de la crise financière sur les comportements des ménages. Achèteront-ils davantage de produits bios, les considérant comme des valeurs refuge ? Se tourneront-ils, au contraire, vers des produits moins chers pour faire des économies ? Selon une étude de l'institut CSA pour l'Agence bio datant de 2009, 39 % des Français se déclarent prêts à payer plus cher pour le bio, mais modérément. 54 % se disent prêts à payer 10 % de plus, 25 % entre 10 à 20 % de plus et seulement 6 % sont prêts à payer 20 % plus cher. Or, en GD, les vins AOC bios sont 30 % plus chers que les vins conventionnels et les IGP coûtent le double !
Pas étonnant, donc, que pour le moment l'achat de vins bios en GD reste occasionnel et que le taux de renouvellement des achats soit faible. Seulement 37 % de foyers font deux actes d'achat ou plus en un an. L'information et la communication autour des vins bios seront sans doute des facteurs clés pour consolider ce marché naissant qui pourrait être stimulé par une baisse des prix.
Dans les rayons, les bios préfèrent la compagnie des autres vins
Où est la place des vins bios en grande distribution ? Avec les produits bios ou au sein du rayon vin ? Système U a tranché. « Nous avons testé un espace spécifique pour les vins bios qui permettait de les mettre en avant réunis ensemble au sein du rayon. Mais afin de recruter plus de clients sur le segment des vins bios, nous les avons réintégrés au sein de leur appellation respective en les identifiant par une collerette », confie Emmanuel Podevin, responsable des achats vin. Le caviste Nicolas a fait la même expérience. Il y a deux ans, la chaîne a équipé ses magasins d'un meuble spécial pour mettre en avant les vins bios. Les ventes se sont écroulées, Nicolas les a donc réintégrés dans leur rayon d'origine. « Nous avons peu de clients qui nous réclament des vins bios, constate Arnaud Auger, du magasin de La Madeleine, à Paris. Certains achètent bio sans le savoir, parce que le domaine ne le met pas en avant. »