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VIN

Les colles sans allergène décollent

Marine Balue - La vigne - n°242 - mai 2012 - page 56

Les sociétés œnologiques proposent désormais des colles à base de protéines de pois, d'écorces de levure ou de chitine-glucane. Ce sont des alternatives sans allergène à la caséine et à l'albumine. La demande pour ces nouveaux produits s'accroît.
COLLAGE. Pour éviter d'inscrire « contient du lait » ou « contient de l'œuf » sur l'étiquette des vins, les producteurs peuvent réaliser leurs collages avec des produits à base de protéines de pois. © C. WATIER

COLLAGE. Pour éviter d'inscrire « contient du lait » ou « contient de l'œuf » sur l'étiquette des vins, les producteurs peuvent réaliser leurs collages avec des produits à base de protéines de pois. © C. WATIER

La Commission européenne veut rendre obligatoire l'étiquetage des substances potentiellement allergènes dans le vin, en principe dès le 1er juillet 2012. Les vins collés à la caséine, une protéine du lait, ou à l'albumine d'œuf devraient être soumis à cette obligation. Mais des négociations sont en cours pour obtenir un report au 1er janvier 2013 et pour que l'étiquetage s'applique uniquement aux vins contenant des traces de caséine ou d'albumine.

Quoi qu'il en soit, les sociétés œnologiques prennent les devants. Depuis quelques années, elles développent des colles alternatives sans allergène. Protéines végétales, dérivés de levure et chitine-glucanes sont les plus novatrices.

PROTÉINES DE POIS : Antioxydantes

Plusieurs firmes proposent des colles végétales. Le blé étant aussi soumis à l'étiquetage du fait du gluten qu'il contient, elles ont opté pour le pois. La société Sofralab a développé une gamme de colles à base de protéines de pois pure (ProVgreen) ou associée à la PVPP, à la bentonite ou à la cellulose (Polygreen, Polypress…). « Ces colles ont presque totalement remplacé la caséine, estime Philippe Poinsaut, chef de produit chez Sofralab. Elles sont aussi efficaces sur blancs et rosés. »

De plus, il indique qu'elles sont plus faciles d'emploi, ne provoquant pas de floculation en surface, comme c'est souvent le cas avec la caséine. Et elles améliorent le tassement des lies, ce qui facilite le soutirage et limite les pertes de moût ou de vin. Sur vin rouge, ProVgreen Red peut remplacer une colle à l'albumine.

« Après la crise de la vache folle, certains marchés n'ont plus voulu entendre parler de protéines animales », rapporte Renny Lebrun, directeur technique de La Littorale, filiale du groupe Erbslöh. De plus, voyant arriver la directive sur l'étiquetage des allergènes, le groupe a renforcé ses recherches sur les protéines végétales, se focalisant sur le pois. « Nous avons sélectionné la protéine la plus performante, au degré de pureté très élevé, ce qui évite les déviations de goût », précise Renny Lebrun.

En 2011, La Littorale a lancé la gamme Littofresh : des formulations de protéines de pois pure ou mélangée pour clarifier les moûts en fermentation ou en flottation et les traiter contre l'oxydation. « La protéine de pois gomme aussi la verdeur en bouche », ajoute Renny Lebrun.

Complément de gamme

Chez Spindal, les protéines de pois complètent la gamme « Allergen free ». « L'objectif est de pouvoir répondre à toutes les demandes techniques et économiques, ces colles étant moins chères que les dérivés de levures », explique Walter Mulinazzi, directeur de Spindal. Vg-Pur, Vg-Stab et Ve-Gel sont destinés aux moûts et vins blancs et rosés. Les deux derniers contiennent des écorces de levures riches en glutathion, pour leur effet antioxydant notamment.

DÉRIVÉS DE LEVURE : Gain de rondeur

La société Lamothe-Abiet travaille sur les écorces de levure depuis 2005. En 2009, elle a proposé le produit Natur'Fine, destiné aux rouges, puis Natur'Prestige, pour rouges et blancs, deux alternatives à l'albumine d'œuf. Composées d'écorces de levure et d'enzymes pectolytiques, ces colles visent à assouplir les tanins, gommer l'amertume, stabiliser la couleur et clarifier moûts et vins. Puis a suivi Polymix Natur, un substitut à la caséine. À base d'écorces, de PVPP et de bentonite, cette colle clarifie les blancs et rosés et améliore leur couleur. Le prix de ces produits est inférieur ou équivalent à celui de la caséine, mais peut dépasser celui de l'albumine à forte dose.

« L'intérêt pour ces colles est certain. La demande augmente, en particulier chez les grands groupes qui souhaitent éviter l'étiquetage », remarque Gaëlle Reynou-Gravier, coordinatrice du service technique de Lamothe-Abiet.

Nouvelles pistes

Dans le même registre, Laffort commercialise Biolees et Biolees MP, respectivement à base d'écorces et de mannoprotéines de levure. « Ces alternatives à l'albumine, pour les vins rouges, sont de plus en plus utilisées », souligne Vincent Renouf, directeur technique de Laffort.

Spindal s'est également spécialisé dans les écorces de levures. « Nous avons privilégié ces substances, car ce sont des intrants naturels », expose Walter Mulinazzi. La société a lancé Biomicrocel, Bioquickgel et Biocatalasi AF, qui contiennent des parois de levures riches en ß-glucanes favorisant la fixation des tanins et des polyphénols oxydés. Elles renferment aussi de la PVPP, de la bentonite ou de la gélatine, pour la synergie. « La date fatidique de l'étiquetage se fait sentir, la demande pour la caséine diminue fortement au profit des nouvelles colles », constate Walter Mulinazzi.

Enfin, Sofralab travaille sur une nouvelle alternative sans allergène à l'albumine : un extrait protéique de levure, issu de leur cytoplasme. « Cette colle assouplit très bien les tanins et est moins agressive que l'albumine », annonce Philippe Poinsaut. La firme attend encore l'autorisation de ce produit par la Commission européenne.

CHITINE-GLUCANES : Pièges à polyphénols

L'Institut œnologique de Champagne (IOC) mise sur un mélange de chitine-glucanes, des polysaccharides d'origine végétale, pour remplacer la caséine. Il distribue depuis 2011 la colle Qi No[Ox], brevetée par la société Kitozyme. « Ces biopolymères chélatent le cuivre, le fer et les polyphénols impliqués dans le brunissement des moûts et vins, explique Noémie Lavigne, responsable application et développement à l'IOC. Ils ont donc des propriétés antioxydantes, comme la caséine. »

En outre, ces produits sont présentés comme naturels, biodégradables et bien sûr non allergènes. La formulation contient aussi de la bentonite, pour améliorer le collage. Les premiers résultats de terrain sont aussi bons qu'avec la caséine, à des doses équivalentes.

« Ce produit se vend bien, pour son côté non allergène, mais aussi parce que la demande pour des produits non synthétiques est croissante », ajoute Noémie Lavigne. Le prix de Qi No [Ox] reste tout de même bien au-dessus de celui de la caséine.

La pomme de terre est prometteuse

Laffort va tester à grande échelle* une colle à base de protéine de pomme de terre (patatine) qu'elle a développée avec la faculté de Naples (Italie). Cette colle n'est pas encore autorisée en Europe, mais elle est admise par l'OIV. « Lors de nos recherches, la patatine a donné de meilleurs résultats gustatifs que les protéines de pois, lesquelles ont conféré un peu de verdeur », relate Vincent Renouf, directeur technique. Les premiers essais montrent une clarification très rapide des moûts et vins, voire plus rapide qu'avec d'autres colles. La firme va tester la patatine seule ou associée à de la bentonite sur blancs et rosés, et pure sur rouges. « Nous devons optimiser les doses d'utilisation », précise Vincent Renouf.

* Autorisation pour 50 000 hl d'essais en France.

Les classiques marchent toujours bien

La PVPP est toujours la base de nombreuses colles contre l'oxydation. Elle est associée à de la cellulose (Microcell AF de Spindal, Formule1 CF d'Œnofrance…), de la bentonite, de la colle ou de la gélatine de poisson (Polymust de Laffort, SIHA Optisil Plus de Begerow…). Tout comme la bentonite, la cellulose ou la gélatine, elle entre aussi dans de nombreuses colles à base de protéines de pois, d'écorce de levure et de polysaccharides végétaux. L'objectif, d'après les firmes, est « d'améliorer l'efficacité du collage par synergie ». Par ailleurs, Martin Vialatte propose une association novatrice de gélatines de poisson (Qualisol), qui « décharne beaucoup moins que l'albumine ».

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