POUR S'AGRANDIR ET SE MODERNISER, Sébastien, Jean-Marie et Vincent Augé (de gauche à droite) ont dû reconstruire une nouvelle cave à l'extérieur du village, au milieu de leurs vignes. PHOTOS P. PARROT
« Depuis 2010, nous vinifions dans notre nouvelle cave au milieu des vignes. Il était temps ! » raconte Jean-Marie Augé, vigneron à Boujan-sur-Libron, dans l'Hérault. Lorsqu'il s'est installé en 1984, le domaine familial couvrait 19 ha. « Mon père s'était concentré sur la vente en bouteilles. De mon côté, j'ai agrandi la surface de 15 ha », indique-t-il. Les volumes augmentant, la cave originelle s'est peu à peu trouvée trop petite. Jean-Marie Augé a dû trouver trois autres sites dans le village pour stocker les vins et les bouteilles. En 2000, son fils aîné Sébastien le rejoint comme salarié. Puis en 2007, Vincent, son second fils, se décide à son tour. Au 1er janvier 2010, les deux frères s'installent et prennent des parts dans l'EARL familiale. Dans la foulée, le trio démarre la construction de la nouvelle cave qui doit être prête pour les vendanges. « La capacité est de 4 000 hl. Nous pourrons l'agrandir si nécessaire », assure Sébastien.
« Nous avons dû renouveler la cuverie. Nous avons remplacé le pressoir continu par un pneumatique, que nous avons placé en hauteur pour pouvoir remplir les cuves par gravité », décrit Vincent. Entre le bâtiment et le matériel, l'investissement a atteint 800 000 euros. L'EARL a bénéficié de 40 % de subventions européennes. Pour aménager les bureaux, le caveau et les abords, il faudra encore rajouter 200 000 euros.
« Nos annuités d'emprunt s'élèvent à 43 000 euros. Pour mieux amortir nos investissements, nous avons agrandi le vignoble de 6 ha. Et nous comptons aussi sur les revenus dégagés par les 300 m de panneaux photovoltaïques installés sur le toit », relève Sébastien.
12,5 ha menés en taille rase
En 2011, la production a atteint 3 000 hl et elle devrait encore augmenter dans les années à venir. Cela contribuera à la réduction des coûts. « Depuis l'arrivée de Sébastien, nous avons replanté 2 ha par an en moyenne et il reste encore 2,5 ha à planter en 2013 pour arriver à 42,5 ha de vignes », précise Jean-Marie.
Les derniers gobelets ont été arrachés il y a deux ans. Désormais, tout est vendangé à la machine. Pour réduire les coûts, le domaine s'est aussi lancé dans la taille rase, confiée à une entreprise. « Nous avons adapté 12,5 ha de jeunes vignes, explique Sébastien. Nous pourrions en adapter d'autres, situées sur des sols séchants, si le projet d'irrigation en cours sur notre zone se réalisait. Pour que la taille rase donne de bons résultats, il ne faut pas que les vignes souffrent trop du stress hydrique. »
« Pour l'instant, nous produisons des IGP Pays d'Oc et Coteaux du Libron. D'ici deux à trois ans, nous comptons aussi élaborer de l'AOC Languedoc sur une partie de notre surface », détaille Vincent. Pour préparer cette montée en gamme, le domaine a sorti une nouvelle cuvée, plus typée, appelée 1837, pour rappeler la date de sa création. Elle a remporté une médaille d'argent au concours des vignerons indépendants 2012, ainsi qu'un 87 sur 100 dans le guide Gilbert et Gaillard.
Un apport de trésorerie bienvenu
Le domaine doit aussi diversifier ses débouchés. « Actuellement, nous réalisons plus de 60 % de nos ventes sur Lourdes, dans les Hautes-Pyrénées. Là-bas, nous ne pouvons plus progresser car c'est un marché très concurrentiel », analyse Vincent. Le domaine a participé en 2012 à des salons sur Lyon (Rhône) et Paris pour démarcher des cavistes dans ces villes. Il compte sur l'ouverture du caveau, prévue à Noël, pour développer les ventes aux particuliers dans l'Hérault.
Les ventes en bouteille, bibs ou petit vrac représentent pour l'instant 2 000 hl. « Avec 3 000 hl produits en 2011, nous avons vendu 500 hl en vrac. C'était la première fois que nous faisions appel au négoce », souligne Jean-Marie. Cet apport rapide de trésorerie a été bienvenu en pleine période d'investissements. « Les subventions ont tardé à arriver et nous avons dû faire des prêts à court terme, qui ont augmenté les frais financiers », poursuit-il. Pour conserver de la trésorerie, la famille a réduit ses prélèvements. « En 2012, ce sera encore un peu compliqué. Mais en 2013 et 2014, nous devrions commencer à souffler, car des prêts vont s'achever », ajoute-t-il.
D'ici là, la production devrait atteindre 4 000 hl. L'étape suivante sera d'embaucher. Ce serait déjà nécessaire pour faire face au pic de travail du printemps et de l'été. « Pour livrer notre clientèle de Lourdes, je pars toutes les deux semaines avec mon père pendant quatre jours. Durant ce temps, Sébastien reste seul sur le domaine », rapporte Vincent. Il aurait bien besoin d'aide, mais le domaine n'est pas encore assez grand pour embaucher un permanent. « Nous devrons d'abord arriver à 5 000 hl vinifiés, en agrandissant la surface ou en achetant des raisins », conclut Sébastien
Et si c'était à refaire ? « Nous construirions plus vite »
« Ce projet de cave, je l'ai porté pendant trente ans ! explique Jean-Marie Augé. Ce n'était pas la priorité de mon père d'en construire une nouvelle. Il ne voulait pas abandonner celle que son propre père avait créée. L'agrandissement sur place n'était pas possible et, à l'intérieur du village, il n'y avait pas d'autre terrain disponible. Il nous a fallu du temps pour nous décider à construire dans les vignes, car nous voulions résider à proximité. Cela sera bientôt fait. Sébastien, mon fils aîné, est en train de bâtir sa maison à côté de la nouvelle cave. Mais pendant plusieurs années, nous avons travaillé dans des conditions difficiles.
En y repensant, nous nous demandons comment nous avons bien pu faire ! »