Pascal Mallier, de la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire (de dos à droite), et Bernard Gervais (à gauche), technicien vigne à la coopérative de Bourgueil, répondent aux questions des vignerons après avoir écouté Jean-Marie Amirault, vigneron en bio, sur son travail du sol et la lutte antimildiou. © I. PROUST
BOURGUEIL : « Pensez à regarder vos parcelles vigoureuses »
Vendredi 22 juin, 11 heures. Devant l'entrée de la cave des vins de Bourgueil (Indre-et-Loire), des vignerons arrivent les uns après les autres. Ils sont là pour la réunion bout de vigne que la coopérative organise de début mai à fin juillet. Un rendez-vous résolument orienté terrain. Le but est de faire le point in situ sur la pression sanitaire et les produits à utiliser tout en suscitant les échanges entre les vignerons adhérents de la cave.
« Venir à ces réunions me permet d'avoir des infos adaptées à la situation climatique et sanitaire de nos vignes, mais aussi de discuter entre collègues. C'est intéressant de confronter nos pratiques et nos raisonnements », explique Frédéric Richer, de Restigné (Indreet-Loire), qui a répondu présent au rendez-vous de ce matin comme douze autres vignerons. Tous suivent Bernard Gervais, technicien vigne à la cave, et Pascal Mallier, membre de l'équipe viticole de la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire.
Ce jour-là, la réunion se déroule dans une parcelle de Jean-Marie Amirault, un adhérent en bio. Il détaille à ses collègues (presque tous en conventionnel) son travail depuis l'hiver : chaussage en décembre, débuttage en mai, tontes sur l'interrang enherbé, passages sous le rang à l'Actisol tous les mois… « Vu la pluviométrie de ces dernières semaines, il n'est pas facile de passer au bon moment », souligne-t-il. Mais vu la propreté de ses vignes, il y est parvenu. « Certains parmi vous voudraient-ils se lancer dans le bio ? » demande Pascal Mallier. Silence et moues dubitatives parmi les vignerons. « Beaucoup voudraient mais n'osent pas ! » remarque Jean-Marie. « L'herbe fait peur. Or, elle apporte la faune dans la vigne », observe un autre viticulteur en bio. « En tout cas, c'est propre sous le rang, déclare Pascal Mallier. Et sur la vigne aussi. On ne voit pas de taches de mildiou. » Jean-Marie Amirault indique avoir réalisé quatre traitements depuis le 15 mai.
Les autres vignerons présents ont déjà traité trois ou quatre fois contre le mildiou. « J'ai vu quelques taches dans mes vignes, mais c'est peu au regard des pluies fréquentes que l'on a en ce moment », relève l'un d'entre eux.
« Pensez à regarder vos parcelles les plus vigoureuses, ce sont elles vos indicateurs », conseille Pascal Mallier.
Les vignerons continuent à poser leurs questions. « Nous n'avons pas beaucoup de taches, mais nous avons l'impression qu'elles ne sèchent pas », soupire un viticulteur. « Si elles sont toujours présentes, le produit que vous utilisez est un stoppant. Mais si la vigne est bien protégée, la germination ne se fera pas », répond Pascal Mallier.
« On se demande quand la floraison va se terminer »
Vignerons et techniciens parlent ensuite d'oïdium et de lutte antibotrytis. « Soignez la prophylaxie avec un bon ébourgeonnage, préconise Bernard Gervais, responsable de la conduite du vignoble. La vigne a poussé vite et a produit beaucoup d'entre-cœurs. » La floraison, très étalée, suscite des remarques désabusées : « On se demande si elle va se terminer », grimace un viticulteur. Pascal Mallier aborde également la question de l'effeuillage : « Ne le faites pas avant une grosse chaleur et n'allez pas trop loin : on perd du degré d'alcool si on enlève plus de 30 % de surface foliaire au niveau des grappes. »
Les adhérents présents acquiescent. La réunion a duré plus d'une heure et chacun s'en va désormais retrouver ses parcelles. Dans quinze jours, au prochain « bout de vigne », un autre de leurs collègues leur parlera de sa pratique du programme Optidose.
ALSACE : « Ne tirez pas sur la cadence de traitement »
Un arbre isolé à l'ombre généreuse en bordure de la départementale et des vignes : c'est le point de rendez-vous des viticulteurs du secteur d'Andlau (Bas-Rhin) habitués à suivre les réunions en bout de parcelle estampillées Rais'Alsace chaque mardi à 10 h 30. Le matin du 29 mai, l'assistance se limite à quelques viticulteurs, des distributeurs et un représentant d'un laboratoire d'œnologie.
Cette petite affluence n'étonne pas Marie-Noëlle Lauer, conseillère viticole à la chambre d'agriculture du Bas-Rhin, qui intervient régulièrement ici avec Marie Bourderont, sa consœur de la Fredon (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles). Une semaine auparavant, au lendemain d'un gros orage, les viticulteurs s'étaient déplacés en masse pour prendre l'avis des techniciennes sur l'ampleur de la menace mildiou. Après la réunion, ils ont presque tous traité. Ils n'ont pas jugé utile de revenir si vite.
Ce matin-là, les deux jeunes femmes soulignent que le risque mildiou continue de faire l'actualité. Elles ont apporté des inflorescences vert clair, bien sporulantes, et des feuilles fraîchement contaminées sur lesquelles la maladie est reconnaissable aux taches d'huile qu'elle fait apparaître. Elles les font circuler. « Continuez à sur-veiller les parcelles sensibles. Ne tirez pas sur la cadence de traitement », recommande Marie-Noëlle Lauer.
Marie Bourderont poursuit par un rapide point sur l'oïdium et le black-rot qui, pour l'instant, n'inquiètent pas. Marie-Noëlle Lauer enchaîne avec les ravageurs et montre quelques glomérules annonciateurs de vers de la grappe dans des inflorescences.
« Vient qui veut »
Les rendez-vous Rais'Alsace se tiennent depuis 1994. Ils ont lieu chaque semaine de début mai à fin juillet. En 2011, 88 réunions se sont déroulées sur huit lieux de rencontre dans le Bas-Rhin et 44 réunions sur quatre sites dans le Haut-Rhin. La fréquentation oscille entre une dizaine et une trentaine de participants par site. Elle varie en fonction des villages et de l'actualité. L'affluence est particulièrement élevée quand il s'agit de positionner un traitement.
Lors de ces rencontres, la priorité des conseillères n'est pas de préconiser des produits, mais de faire le point sur la pression des maladies et des ravageurs. « Nous nous contentons d'indiquer des familles de produits à utiliser, si on nous le demande, explique Marie-Noëlle Lauer. La difficulté est que les viticulteurs ont souvent déjà du stock et les spécialités varient d'un fournisseur à l'autre alors que les matières actives sont les mêmes. » Trois quarts d'heure plus tard, les sujets du jour sont épuisés.
Les deux techniciennes vont retrouver un autre groupe quelques kilomètres plus loin. Ce sera leur quatrième rendez-vous de la matinée. « Le message est volontairement court, actuel, poursuit la conseillère La réunion n'a rien de formel. Vient qui veut. Ces rendez-vous ont déjà été sur la sellette. Mais ils sont utiles. Ils nous évitent beaucoup de temps passé au téléphone. Entre deux sites, nous pouvons visiter des parcelles. Les viticulteurs peuvent échanger entre eux. »
Benoît Kobloth, viticulteur à Nothalten (Bas-Rhin) acquiesce. « Cloîtré chez soi, on n'avance pas, dit-il. Ici, j'obtiens les synthèses des techniciens et les avis de mes collègues. Je considère que participer fait partie de ma journée de travail. » Il rate rarement un rendez-vous. En cas de force majeure, son fils le remplace.