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DOSSIER - Réduction des phytos : Retour à la réalité

Protection fongicide : Les tops et les flops

La vigne - n°246 - octobre 2012 - page 26

Certaines stratégies se sont révélées plus payantes que d'autres. Tour d'horizon avec les distributeurs et les conseillers de terrain des succès et des échecs de la protection contre le mildiou et l'oïdium. Et des solutions mises en œuvre dans les cas extrêmes.
Dégâts de mildiou sur feuille. En situation d'attaque déclarée, beaucoup de distributeurs ont conseillé des traitements intercalaires à base de cymoxanil. © C. WATIER

Dégâts de mildiou sur feuille. En situation d'attaque déclarée, beaucoup de distributeurs ont conseillé des traitements intercalaires à base de cymoxanil. © C. WATIER

Dans les cas les plus extrêmes d'oïdium, les conseillers de terrain ont carrément préconisé de faire tomber les grappes. © C. WATIER

Dans les cas les plus extrêmes d'oïdium, les conseillers de terrain ont carrément préconisé de faire tomber les grappes. © C. WATIER

MILDIOU : Échec aux doses trop réduites

Des viticulteurs soucieux de limiter les quantités de fongicides ont réduit un peu trop fortement les doses pour le premier traitement. « Certains bios ont démarré à 100 g de cuivre métal. Ce n'était pas suffisant, relève Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. En conventionnel, d'autres sont partis sur 25 à 30 % de la dose homologuée pour le premier antimildiou. Compte tenu de la virulence du champignon, c'était trop juste. Ça l'était d'autant moins avec une pulvérisation limite. »

Succès des cadences très serrées

Le mildiou a attaqué tôt et fort. Très vite, les vignerons ont dû accélerer le rythme. « Entre le deuxième et le troisième traitement, nous avons resserré les cadences de deux jours », rapporte Laurent Paupelard, de Soufflet vigne qui couvre la Bourgogne, le Beaujolais, la Champagne et le Sancerrois.

D'autres distributeurs ont donné des consignes plus strictes encore. « Il fallait avoir une couverture préventive avant les pluies contaminantes. En mai et juin, cela nous a amenés à préconiser des cadences de sept à huit jours pour tous les produits, systémiques compris », indique André Marchadier, des établissements Fortet Dufaud, dans le Cognaçais.

« Beaucoup de systémiques sont à base de fosétyl-Al associé à une molécule de contact, détaille Annabel Garçon, de l'Adar de Coutras, Guîtres et Lussac, en Gironde. S'il pleut juste après leur application, le contact est lessivé. Or, le fosétyl-Al a une systémie ascendante. Entre le quatrième et le huitième jour après traitement, il ne va plus vers les grappes. Le produit de contact prend le relais. S'il a été lessivé, les grappes ne sont plus protégées. » D'où l'utilité, dans les situations extrêmes, de réduire la cadence bien en dessous des quatorze jours habituellement conseillés pour ce genre de produits.

Les relevages tardifs n'ont pas pardonné

En juin, certains vignerons n'étaient pas à jour dans leur épamprage. « Or, les pampres sont des ascenseurs à mildiou », insiste Annabel Garçon. Les parcelles épamprées tardivement ont subi plus d'attaques. De même, les relevages tardifs n'ont pas pardonné. Dans ces situations, les rameaux libres ont été mal traités et, comme ils pendaient vers le sol, ils ont été plus facilement contaminés. Le relevage les a ramenés dans le plan de palissage, ce qui a créé d'importants foyers. Pour éviter de propager l'épidémie, Éric Maille, d'Agrobio Périgord, a conseillé aux vignerons « de sacrifier les rameaux qu'ils n'avaient pas pu relever à temps ».

Pierre Petitot confirme que les travaux en vert ont joué un rôle important. « Les effeuillages précoces sur une face à partir de la nouaison ont été les bienvenus. L'année prochaine, il s'en fera davantage », présume le conseiller viticole.

Les produits récents ont bien tenu

« Tous les produits ont tenu la route. Ce sont les conditions d'applications qui ont creusé les écarts », affirme Laurent Paupelard. Une observation qui vaut pour les produits anciens comme pour les nouveautés. Lancé en 2011, le « LBG 01F34 (phosphonate de potassium) a donné entière satisfaction. Nous l'avons conseillé en début de saison, toujours en association avec un produit de contact », signifie Éric Capredon, chez Euralis, dans le Bordelais. Ce produit stimule les défenses de la vigne. Son principe actif est l'acide phosphoreux, qui appartient à la même famille que le fosétyl-Al. Tout aussi récents, « Enervin (amétoctradine et métirame zinc) et Profiler (fosétyl-Al et fluopicolide) se sont très bien comportés sur grappe », signale Jean-Yves Boileau, de Cohésis vigne, en Champagne.

Quant à Mildicut (cyazofamide et disodiumphosphonate), il a eu une bonne tenue sur grappe mais il a pu décrocher sur feuille dans des parcelles où la croissance végétative était forte. « Nous déconseillons d'employer Mildicut en situation curative car ce produit n'a pas la capacité de récupérer une contamination en cours comme peut le faire le cymoxanil ou les CAA », précise Éric Chantelot, chez Belchim, qui commercialise le produit.

Antimildiou sur grappes : salvateur

Pour renforcer la protection des grappes, « nous avons conseillé, ponctuellement, d'ajouter un antimildiou à base de cymoxanil ou de cuivre à l'antipourriture dirigé sur les grappes au stade A, voire au stade B », fait savoir Jean-Yves Boileau. Laurent Paupelard a suivi le même chemin : « Sur de grosses attaques, nous avons recommandé de compléter l'antibotrytis avec un antimildiou à base de cymoxanil et de métirame à demi-dose au stade A. » Dans des situations moins critiques, il a proposé de privilégier l'antipourriture Sekoya, « car il a un effet secondaire sur le mildiou ».

Retour du cymoxanil pour les rattrapages

Dans les situations délicates, des viticulteurs ont appliqué des produits à base de CAA réputés pour leur pouvoir de destruction des fructifications de mildiou. Mais « cela n'est pas conseillé à cause des résistances », rappelle André Marchadier. « Nous n'avons pas préconisé ces produits en situation d'attaque déclarée, mais après des contaminations en fin de rémanence du traitement précédent, pour rattraper le coup, indique Laurent Paupelard. Dans le pire des cas, les viticulteurs ont appliqué ces produits sur des taches non sporulées. »

En situation de mildiou déclaré, beaucoup de distributeurs ont recommandé des traitements intercalaires à base de cymoxanil en plus du programme classique pour enrayer les contaminations. Laurent Paupelard a préconisé d'ajouter un adjuvant à base de terpènes de pin (type Calanque) à l'antimildiou. « Les terpènes de pin ont un effet antisporulant. Le lendemain du traitement, les taches étaient sèches. Cela a limité les repiquages. »

En bio, Éric Maille a préconisé l'emploi de terpènes de citrus. « Ils assèchent les sporulations en trois jours », explique-t-il. Mais ils n'ont pas de propriété fongicide. Il a également misé sur le CCD (carbonate de cuivre déployé), un fongicide qui s'utilise en poudrage et qui possède une action asséchante.

« Il n'y a pas de produit pompier, rappelle André Marchadier. On ne peut pas guérir ce qui a été touché par le mildiou. Il faut juste être plus rigoureux par la suite pour bien protéger ce qui reste. »

OÏDIUM : Place aux produits haut de gamme

« Même avec une stratégie béton, beaucoup de vignerons ont eu quelques symptômes sur grappe », témoigne Sébastien Beauvallet, de la CAPL (Coopérative agricole des Pays de Loire). Face à cette pression, il a fallu démarrer les traitements à temps et respecter les cadences. En plus, les distributeurs ont conseillé des programmes haut de gamme. « Comme nous avions déjà eu une forte pression oïdium en 2011, nous sommes passés sur des programmes avec moins d'IBS et plus de QoI associés (Collis, Nativo). Ce sont des produits très curatifs. Ils s'emploient à une cadence de quatorze jours », précise-t-il.

Thierry Favier a recommandé de réserver ces produits haut de gamme (QoI associés et quinoline associés) à l'encadrement de la floraison, période où la vigne est la plus sensible à la maladie. « On préfère mettre les petites cartouches au départ, comme le soufre mouillable, et on monte crescendo. »

Protection renforcée sur grappe

Comme deuxième antibotrytis au stade B (fermeture de la grappe), Laurent Paupe Paupelard a préconisé Cantus, un fongicide à base de boscalid. Cet antipourriture est réputé avoir une action secondaire sur l'oïdium. À ceux qui ont appliqué un autre antibotrytis, il a suggéré d'associer une demi-dose de meptyldinocap ou de spiroxamine. Pierre Petitot a misé sur une stratégie équivalente. « Dans les secteurs sensibles, nous avons conseillé d'ajouter un produit curatif contre l'oïdium (Prosper/Hoggar, Karathane 3 D) à pleine dose ou à dose réduite, dès le premier antibotrytis (chute des capuchons floraux). Cela a joué dans la réussite du programme. »

Les poudrages bienvenus

En conventionnel, tous les vignerons qui ont intégré des poudrages de soufre à leur programme de traitement ont obtenu des résultats positifs. « Au lieu de réduire les cadences, les vignerons intercalent un poudrage à la floraison et un autre à la fermeture de la grappe entre deux traitements classiques, explique Maxime Dancoine, de la chambre d'agriculture de Savoie. Comme on sait que les IBS et les QoI peuvent décrocher, cela permet de casser le cycle des résistances. D'ailleurs, beaucoup vont réinvestir dans des poudreuses. »

Laurent Paupelard confirme : « Ceux qui ont ajouté deux traitements au soufre poudre espacés de cinq jours à leur programme classique entre la fin fleur et le stade baies de la taille de petits pois, le matin, en condition de forte luminosité, lorsqu'il faisait 20 à 25°C, ont obtenu de bons résultats. »

Spiroxamine et meptyldinocap en rattrapage

Lorsque les vignerons ont été confrontés à de fortes attaques, les distributeurs ont été amenés à conseiller des traitements de rattrapage avec du meptyldinocap (Karathane 3 D ou Inox) souvent en association avec du soufre. « Nous avons préconisé deux traitements espacés de quatre à cinq jours, pour sécher le mycélium », informe Éric Capredon. Ils ont également recommandé des poudrages. D'autres ont misé sur la spiroxamine (Prosper ou Hoggar). « Les traitements de rattrapage n'ont pas toujours permis d'enrayer les attaques », reconnaît Sébastien Beauvallet. Laurent Paupelard précise que les vignerons qui ont appliqué le meptyldinocap ou la spiroxamine avec un volume d'eau important (280 à 300 l/ha) ont obtenu de meilleurs résultats. Dans les cas les plus extrêmes, « nous avons carrément conseillé de faire tomber les grappes pour éliminer l'inoculum », admet Annabel Garçon.

Cet article fait partie du dossier Réduction des phytos : Retour à la réalité

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