Voici un composé qui suscite l'intérêt des chercheurs de l'Institut des sciences de la vigne et du vin à Bordeaux (ISVV), en Gironde. Et pour cause : le leucate d'éthyle se révèle être un fort exhausteur des notes fruitées dans les vins rouges, d'après de récents travaux de Georgia Lytra, étudiante en thèse à l'ISVV. « Il a été détecté depuis longtemps dans des vieux madères ou des blancs de chardonnay, sans qu'on connaisse son incidence aromatique », note Jean-Christophe Barbe, qui dirige cette thèse.
Deux formes dans le vin rouge
En analysant une centaine d'échantillons de vins rouges, blancs, rosés, secs, moelleux, etc., les chercheurs ont mis en évidence que le composé existait sous deux formes, R et S, dont les propriétés olfactives sont un peu différentes. « La forme R est présente dans les blancs et les rouges, précise Jean-Christophe Barbe. Alors que nous n'avons trouvé la forme S que dans des rouges, à hauteur de quelques pour cent. » Les chercheurs ont évalué qu'un mélange de 95 % de forme R et 5 % de forme S a un seuil de perception de 450 μg/l environ. Le leucate d'éthyle est en général présent à des concentrations proches de ce seuil dans les vins, voire légèrement inférieures. Il est responsable d'une forte odeur de fruit noir frais, mais pas forcément directement.
« En fait, sa présence abaisse fortement – d'un facteur 2 à 4 – les seuils de perception des molécules à l'origine de la composante fruitée », explique le chercheur. Un comportement d'exhausteur que les chercheurs bordelais n'avaient encore que peu étudié. Désormais, ils tentent de déterminer comment le leucate d'éthyle se forme dans le vin, l'isomère S n'apparaissant qu'après les phases de vinifications.