Bien qu'il soit fils et gendre de viticulteur, Yves Dietrich ne se considère pas comme un héritier. Plutôt comme un néovigneron qui, venu de l'industrie, s'est pris d'amour pour le métier. « Rien ne me prédestinait à devenir viticulteur, raconte-t-il. Enfant, j'allais peu dans les vignes de mes parents. Cela marchait bien à l'école pour moi. Je me voyais effectuer ma carrière dans l'industrie. D'autant plus que mon frère aîné avait repris l'exploitation. »
Il démarre à un poste commercial qui l'amène à partir régulièrement en Asie et en Australie plusieurs semaines d'affilée. En 1990, ses beaux parents, à la tête de 4,5 ha de vigne, prennent leur retraite. Ils n'avaient aucun successeur en vue. C'est là qu'Yves va changer de cap. À 30 ans, il est papa d'un fils de deux ans. Ses longs voyages d'affaire lui pèsent. « Je voulais être plus présent pour ma famille », explique-t-il.
Élu administrateur de sa coopérative
Ce contexte le pousse à reprendre les vignes. Un voyage en Californie le conforte dans son choix. Il y déguste une série de gewurztraminers locaux. « Un seul de ces vins californiens soutenait la comparaison avec ceux que l'on produit en Alsace. Ce jour-là, je me suis dit que l'Alsace possède un potentiel qui n'existe nulle part ailleurs. » Il devient locataire de ses beaux-parents et adhère à la coopérative Wolfberger. Mais il ne connaît rien au métier. Pour combler cette lacune, il suit une formation pour adulte.
Une fois installé, il réalise des expertises de dégâts de grêle. Lors de ses visites dans les vignes, il découvre les pratiques des uns et des autres. « J'ai alors compris qu'il était possible de cultiver en bio », lâche-t-il. Il convertit son vignoble et devient le premier coopérateur bio d'Alsace. « Le développement du bio, c'est mon plaisir », ajoute-t-il.
Il gagne rapidement de la surface en récupérant des parcelles d'un oncle et d'une tante. Il en achète quelques autres, contiguës à celles qu'il exploite déjà. Ces agrandissements lui permettent de mieux amortir son matériel et d'embaucher des salariés. Un objectif pour Yves. « Dans mon premier métier, je parlais beaucoup. Et là, je me retrouvais seul face à des vignes. Je n'aime pas travailler seul. » Son ascension fait grincer quelques dents. Il doit s'y reprendre à deux fois pour se faire élire administrateur de sa coopérative, en bousculant la tradition qui voulait qu'un fils succède à son père. « C'est du passé. La jeune génération fait preuve de plus d'ouverture d'esprit. » De 2006 à l'été 2012, il est vice-président de l'Association des viticulteurs d'Alsace. En 2007, il est nommé président de la commission des vins bios de l'Inao, poste qu'il occupe toujours. Aujourd'hui, à Scherwiller, dans le Bas-Rhin, Yves Dietrich emploie trois ouvriers sur 18 ha.
Et si c'était à refaire ?
«La géologie alsacienne offre une grande diversité de sols et j'ai tardé à jouer cette carte. Je me suis trop longtemps cantonné au territoire de ma commune. J'ai pris petit à petit conscience de cette richesse en dégustant beaucoup de vins.
J'estime que le riesling est un cépage qui trace les terroirs comme aucun autre. J'exploite désormais des vignes situées jusqu'à douze kilomètres de Scherwiller. Ma coopérative joue le jeu en vinifiant ces raisins séparément selon leur origine. »