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VIGNE

GNR et fioul se valent

Martin Caillon - La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 42

Le passage du fioul domestique au gazole non routier entraînerait, chez certains viticulteurs, une hausse de la consommation de carburant. Les tests réalisés à ce jour démontrent le contraire.
LES RÉSULTATS DES TESTS RÉALISÉS SUR BANC D'ESSAI SONT FORMELS, les tracteurs ne consomment pas plus avec du GNR qu'avec du fioul. Il n'est pas nécessaire de faire le plein (notre photo) plus souvent. © P. ROY

LES RÉSULTATS DES TESTS RÉALISÉS SUR BANC D'ESSAI SONT FORMELS, les tracteurs ne consomment pas plus avec du GNR qu'avec du fioul. Il n'est pas nécessaire de faire le plein (notre photo) plus souvent. © P. ROY

Cent fois moins soufré, et donc beaucoup moins polluant que le fioul domestique (FOD), le gazole non routier (GNR) pâtit d'une mauvaise réputation. Instable, plus difficile à stocker car décliné en deux qualités (hiver et été), un peu plus cher aussi, le GNR générerait, de surcroît, une surconsommation de carburant.

« Cette année, avec le GNR, j'ai consommé 30 % de plus pendant les vendanges », affirme Pierre Plouzenec, viticulteur au Pouget, dans l'Hérault. Chaque soir, en remplissant le réservoir de sa machine à vendanger New Holland SB 56, il a établi le même constat. « J'ajoutais 130 litres de gazole. L'an dernier, je ne mettais que 100 litres de fioul », déplore-t-il.

Pour Philippe Gervasoni, du domaine du Grand Louiset, à Tresques, dans le Gard, la hausse est moindre mais atteindrait au moins 10 %. Il assure qu'une fois traités ses 16 ha de vigne, il restait, l'an dernier, un quart du fioul dans le réservoir de son tracteur. Et cette année, il en reste si peu qu'il préfère rajouter du GNR entre deux tours de pulvés pour éviter la panne sèche.

Estimation faussée

Toutefois, une large majorité des viticulteurs consultés par « La Vigne » n'a noté aucune différence de consommation. Certains exploitants n'ayant effectué la transition fioul/ GNR qu'en cours de saison estiment ne pas avoir assez de recul pour se prononcer avec certitude. D'autres déclarent tout simplement qu'ils n'ont pas mesuré de variation. Là réside en effet la difficulté. Car ceux qui disent avoir remarqué une hausse de carburant se fondent avant tout sur une impression. Philippe Gervasoni en convient et relativise. « L'augmentation n'est peut-être pas de 10 %. Depuis que j'utilise du GNR, il se forme beaucoup de mousse dans le réservoir quand je fais le plein. » Il confesse n'avoir pas toujours la patience d'attendre qu'elle se dissipe. Il ne remplit donc plus son réservoir entièrement. Son estimation de sa consommation s'en trouve, de fait, faussée. Toutefois, une hausse de la consommation de carburant demeure possible. D'une année sur l'autre, elle est même tout à fait plausible. Mais rien n'indique pour autant qu'elle soit imputable au GNR tant les conditions de travail et de récolte changent d'une saison à l'autre.

Les réglages ont une incidence sur la consommation

« Toute comparaison à l'identique est impossible, remarque Sylvain Deseau, conseiller machinisme en grandes cultures à la chambre d'agriculture du Loiret. Les tracteurs, qui ont travaillé cette année dans des sols humides, ont consommé plus que s'ils avaient travaillé en conditions sèches. Il se serait produit la même chose avec du fioul », rappelle-t-il, prudent.

Le constat vaut aussi pour les engins viticoles. Vitesse d'avancement, régime des ventilateurs, simple variation de l'usage de la climatisation par le chauffeur : ces trois réglages, parmi d'autres, ont une incidence sur la consommation d'une machine à vendanger. Or, ils dépendent des conditions du millésime. Il est donc difficile d'attester que les moteurs ont été plus gourmands en 2012 qu'en 2011 à cause du GNR. Peut-être était ce simplement parce qu'il fallait fournir plus d'effort pour réaliser le même travail. Pour y voir plus clair, l'association Top machine Aquitaine a testé une quarantaine de tracteurs sur un banc d'essai avec du GNR et du FOD en 2011. Elle n'a noté aucune différence de consommation ni de performance en terme de puissance ou de couple entre les deux carburants.

Le Point de vue de

Nassim Hamiti, ingénieur agroéquipement au Bureau de coordination du machinisme agricole (BCMA) Trame

« Pas de différence de consommation »

Nassim Hamiti, ingénieur agroéquipement au Bureau de coordination du machinisme agricole (BCMA) Trame

Nassim Hamiti, ingénieur agroéquipement au Bureau de coordination du machinisme agricole (BCMA) Trame

« Pour montrer l'effet du passage au GNR sur la consommation, il faut effectuer des essais de terrain. Deux tests de consommation comparée ont été réalisés récemment pour étudier les performances du GNR et du FOD. En 2011, la chambre d'agriculture du Loiret a réalisé un essai au lycée du Chesnoy sur un tracteur Valtra de 130 ch de dernière génération équipé d'une injection électronique. Après trois répétitions au fioul et quatre au GNR, les résultats n'ont pas relevé de différence de consommation entre les deux carburants. Un autre essai, mené en 2012 sur un Massey Ferguson de 145 ch lors d'un essai au transport par la FD Cuma de la Mayenne, a abouti à la même conclusion. Ces deux expérimentations sur le terrain corroborent les calculs théoriques réalisés par le BCMA à partir des caractéristiques des deux carburants. Leurs masses volumiques sont identiques et le pouvoir calorifique d'un litre de GNR pur n'est que d'un mégajoule supérieur à celui du FOD. En revanche, l'introduction d'Emag (biodiesel) dans le GNR induit une baisse énergétique. Mais celle-ci est infime. »

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