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DOSSIER - Maladies du bois : Ils réagissent

« Le regreffage n'aurait jamais dû être abandonné »

La vigne - n°250 - février 2013 - page 19

Joël Cirotte, vigneron dans le Centre, pratique le regreffage pour sauver les pieds atteints par l'esca. Le taux de réussite oscille entre 50 et 85 %.
Joël Cirotte, du domaine du même nom, à Bué, dans le Cher, regreffe ses pieds de vignes avec succès. © P. MONTIGNY/FILIMAGES

Joël Cirotte, du domaine du même nom, à Bué, dans le Cher, regreffe ses pieds de vignes avec succès. © P. MONTIGNY/FILIMAGES

Joël Cirotte, du domaine Cirotte, à Bué (Cher), travaille sur 6 ha de sauvignon et de pinot noir. Depuis cinq ans, il regreffe ses sauvignons. « Nous n'aurions jamais dû arrêter, car on sauve des pieds, réalise-t-il. Quand on aime sa vigne, c'est important ! Les pieds regreffés conservent le système racinaire et l'âge du cep d'origine. On obtient une bonne récolte dès la deuxième année. C'est beaucoup plus rapide qu'une replantation et moins coûteux en temps de travail, en fournitures et en perte de récolte. »

Avant la période des gros pleurs, le viticulteur sancerrois prélève des sarments sur ses ceps sains pour en faire des greffons. Il les stocke ensuite au réfrigérateur, à 4 ou 5°C, dans un papier journal imbibé d'eau glissé dans un sac plastique percé de petits trous. Il peut ainsi les garder un ou deux mois sans souci.

Bien positionner les greffons

Il greffe en avril, de préférence juste avant l'ébourgeonnage pour ne pas cumuler les deux tâches. « Je prépare les biseaux des greffons à la machine afin qu'ils soient bien taillés. C'est très important. L'achat de cette machine a été mon seul investissement pour le regreffage. Il faut ensuite bien positionner les greffons sur le porte-greffe. Cette étape est primordiale. Il faut être précis et méticuleux. »

Le jour même, il scie les ceps malades sous le bourrelet de greffe. Puis il fend le porte-greffe et y fiche deux greffons. Ensuite, pour protéger l'ensemble, il utilise du drain de 125 mm de diamètre comme manchon, qu'il fixe grâce à un fil de fer attaché à deux piquets placés de chaque côté. Dans le drain, qui ne doit surtout pas toucher les greffons, il met de la terre ou de la vermiculite.

« Ce manchon protège le pied lorsque je bine, précise-t-il. Si le printemps est sec, il faut aussi bien réhumecter la vermiculite. Les greffons mettent parfois un peu de temps à repartir, mais il ne faut pas s'inquiéter. La végétation pousse ensuite très vite. » Par ailleurs, il faut bien protéger les pieds regreffés contre le mildiou. « En fin de saison, à l'arrêt des traitements, il faut poursuivre la protection des pieds regreffés. J'utilise pour cela un petit vaporisateur rempli de produit. Je passe systématiquement une fois après l'arrêt des traitements généraux, voire deux fois si les greffons ne commencent pas à aoûter. »

« Plus la vigne est jeune, mieux cela fonctionne »

Le regreffage est coûteux en temps et demande de la minutie et de l'attention. « Je fais dix à douze greffes par heure, à condition d'être passé auparavant pour dégager la terre à la pioche autour des ceps, insiste-t-il. Plus la vigne est jeune, mieux cela fonctionne. Ce qui ne m'empêche pas de regreffer des vignes de trente ans sur lesquelles j'obtiens de bons résultats. J'ai même réussi sur quelques pieds de quarante ans ! L'inconvénient, c'est que les porte-greffes de l'époque étaient plus courts, on arrive donc plus rapidement sur le chevelu de la racine. J'ai aussi noté que les résultats sont différents selon les porte-greffes. J'ai obtenu de bons résultats avec 41B et un peu moins avec SO4. Au final, je réalise 400 à 500 regreffages par an et j'obtiens entre 50 % et 85 % de réussite. »

De belles réussites à Sancerre, plus de difficultés en Bourgogne

Le regreffage consiste à greffer une nouvelle fois le porte-greffe. On coupe le pied malade sous le bourrelet de greffe. Puis le porte-greffe est taillé en fente pour y introduire deux greffons. Un pied regreffé peut produire une demi-récolte un an après le greffage et une récolte normale après deux ans, car le cep a gardé son système racinaire. À Sancerre, la Sicavac pratique le regreffage depuis 2004 et obtient de très bons résultats, notamment sur 41B (les porte-greffes Fercal et 3309 sont souvent nécrosés et très noueux). Si la technique est bien maîtrisée et les porte-greffes en bon état, le taux de réussite est de 85 à 90 %, même sur des ceps morts. En Bourgogne, le regreffage est plus compliqué, car les porte-greffes sont souvent abîmés par le binage mécanique. Des essais de surgreffage ont aussi eu lieu. Mais cette technique paraît sans intérêt pour sauver des ceps atteints de maladies du bois : souvent, le nouveau greffon exprime rapidement les symptômes.

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