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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Le propriétaire d'un bien a un droit sur son image

Jacques Lachaud - La vigne - n°250 - février 2013 - page 66

Un vigneron qui avait apposé sur ses étiquettes l'image d'un château connu localement a été attaqué par le propriétaire de l'édifice. Les juges lui ont donné raison car il a pu prouver un préjudice, étant lui-même producteur de vin.

La plupart des gens connaissent la notion de droit à l'image. Elle peut être définie comme le droit pour toute personne physique d'autoriser ou non la publication et l'utilisation de son image. Mais qu'en est-il de l'image d'un bien qui ne vous appartient pas ? Peut-on l'utiliser pour faire sa propre publicité ? Le propriétaire du bien peut-il s'y opposer ? Autant de questions qui méritent réflexion. Une jurisprudence bien connue des spécialistes – arrêt Gondrée de la Cour de cassation du 10 mars 1999 – avait jugé que le propriétaire d'un bien, en l'espèce la terrasse du célèbre café Gondrée, situé à Bénouville (Calvados), avait un droit exclusif sur son bien. Les juges ont estimé que le propriétaire de cet établissement pouvait interdire à un tiers d'utiliser la photo de sa terrasse pour illustrer des cartes postales. Cartes postales que le photographe avait bien sûr mises en vente…

Évolution de la jurisprudence en 2004

Après ce jugement, un autre arrêt de la Cour de cassation, daté du 7 mai 2004, a réduit la portée de l'arrêt Gondrée. Dans cette nouvelle affaire, la haute assemblée a affirmé « que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci, il peut seulement s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle cause un préjudice anormal au propriétaire ». En clair, pour que ce dernier puisse se plaindre de l'utilisation de l'image de son bien, il faut qu'il prouve un préjudice. Tout récemment, une autre affaire concernant le droit à l'image de biens a été soumise aux juges.

Elle implique deux viticulteurs installés à Mareuil-sur-Lay-Dissais (Vendée) où ils produisent de l'AOC Fiefs-vendéens Mareuil. L'un des viticulteurs est propriétaire du château de Mareuil, un magnifique monument datant du Moyen Âge, comportant tours et mâchicoulis. Il commercialise son vin sous la dénomination « Château de Mareuil ». L'autre viticulteur, probablement pour illustrer que son appellation est bien Fiefs-vendéens Mareuil, a eu l'idée d'apposer sur ses étiquettes une représentation du fameux château, symbole de la ville.

Considérant qu'il subit un préjudice, le châtelain attaque son voisin. Est-il en droit d'interdire l'utilisation de l'image de son bien à titre publicitaire ? En octobre 2010, la cour d'appel de Poitiers (Vienne) lui donne raison. Elle condamne son confrère à 10 000 euros de dommages et intérêts et à cesser, sous astreinte, toute commercialisation des bouteilles litigieuses. Mais le condamné ne l'entend pas ainsi. Il se pourvoit en cassation, estimant que le trouble anormal subi par le châtelain n'est pas explicitement démontré.

Malheureusement pour lui, la Cour de cassation va lui donner tort. Dans un arrêt rendu en juin 2012, elle a retenu que la production de l'AOC Fiefs-vendéens Mareuil était « concentrée sur un territoire très limité » et très groupé, « proche de la commune de Mareuil ». Elle en a déduit que les ventes du châtelain étaient largement amputées par le fait que son voisin utilisait la reproduction de son château. Les juges en ont déduit qu'il y avait donc « un trouble anormal » au détriment du propriétaire de l'édifice.

On notera qu'il appartient à celui qui se plaint de la reproduction de son bien de démontrer le préjudice qu'il subit. Ce n'est donc pas la reproduction d'un bien en soi qui pose problème mais l'usage qui en est fait…

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RÉFÉRENCE :

Cour de cassation, première chambre civile du 28 juin 2012, n° 10-28716.

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