Retour

imprimer l'article Imprimer

GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

L'entretien d'une dépendance n'en fait pas un bail

Jacques Lachaud - La vigne - n°251 - mars 2013 - page 75

Les règles du fermage ne s'appliquent pas aux conventions – orales ou écrites – passées pour assurer l'entretien de terres constituant la dépendance d'une habitation. Un viticulteur s'est vu appliquer ce principe à ses dépens.

Le statut du fermage est un corps de règles encadrant les droits et obligations du bailleur (propriétaire) et du preneur (locataire) qui ont contracté un bail rural. L'article L. 411-2 du code rural déclare que sont exclues de ce statut « les conventions conclues en vue d'assurer l'entretien des terrains situés à proximité d'un immeuble à usage d'habitation et en constituant la dépendance ». Reste à apprécier cette dépendance.

Les juges ont un pouvoir souverain en la matière. Dans un arrêt du 4 octobre 1995, la Cour de cassation a considéré que l'article L. 411-2 pouvait s'appliquer à l'entretien de prairies entourant des bâtiments et cernées par des murs. Dans une décision du 21 juin 1995, elle a en revanche refusé d'appliquer le texte car la surface de la culture, 4 ha, a été jugée trop importance par rapport à la maison attenante.

La vigne jouxtait l'arrière de la bastide

Récemment, les juges ont décidé d'appliquer l'article L. 411-2 à une petite parcelle de vigne, au grand dam du viticulteur qui s'en occupait. Voici les faits : Yannick, un citadin, convoite une ferme à restaurer appartenant à Xavier, un viticulteur. L'endroit est magnifique, perdu en pleine campagne. L'arrière de la bastide jouxte une parcelle de vigne de 21 ares. Le cadastre mentionne que le bien est divisé en deux parcelles, l'une en habitation, l'autre en culture.

Après discussions, Xavier cède sa propriété à Yannick. Celui-ci s'attaque à la restauration de la maison mais confie l'entretien de la parcelle adjacente à Xavier, l'ex-propriétaire. Pendant des années, celui-ci continue donc de s'occuper de son ancienne vigne. Puis arrive le jour où Yannick décide de donner congé à Xavier. Ce dernier agit alors en justice : il argumente que la convention qu'il a passée – mais jamais rédigée ! – avec Yannick est en réalité un bail rural. Pas question de le jeter dehors comme cela.

Dans un premier temps, les juges du premier degré donnent raison au viticulteur. Mais Yannick fait appel et obtient gain de cause. La cour d'appel considère que les parcelles de vignes se trouvaient « à proximité immédiate de la maison et qu'elles constituaient une dépendance ». Elle va aussi s'appuyer sur un formulaire de demande d'immatriculation au casier viticole signé de Xavier et de Yannick qui mentionne que « les parcelles sont mises à la disposition de Xavier pour leur entretien». Pour la Cour, il en ressort que l'accord est une convention dérogatoire au fermage prévue par l'article L. 411-2.

Xavier, le vigneron, fait un pourvoi. Il argumente que la parcelle qu'il a travaillée pendant des années produit du raisin, lequel est ensuite vinifié. Cette transformation est pour lui la preuve que l'accord n'a pas pour seul objet le simple entretien du terrain.

Ces arguments n'ont pas été entendus. Pour les juges suprêmes, la parcelle, « qui n'a pas d'accès indépendant à la voie publique et ne se trouve pas physiquement séparée des autres éléments de cet ensemble, doit être considérée comme une dépendance de la maison». On regrettera que la Cour de cassation n'ait pas profité de l'occasion pour définir ce qu'est un contrat d'entretien. Faut-il prévoir une rémunération pour l'entretien ? Le fait de conserver la récolte constitue-t-il une rémunération pour celui qui s'occupe de la vigne ? Autant de questions sans réponses… Le danger du contrat d'entretien d'une dépendance est que les juges ont un pouvoir souverain pour apprécier la dépendance. Quand il s'agit de petites parcelles, il est possible de prévoir un bail spécifique dont les règles sont allégées. Pour avoir accès à ce régime spécifique, il suffit que la surface ne dépasse pas un seuil prévu par arrêté préfectoral. Il faut ensuite le mettre par écrit…

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :