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VIN

Les ultrasons s'accordent en barriques

Grégory Pasquier - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 56

La société Dyogéna s'est lancée depuis décembre 2012 dans la régénération des barriques par ultrasons. « La Vigne » est allée à la rencontre de son gérant, Alain Trillaud, pour une démonstration convaincante.
ALAIN TRILLAUD (à gauche) et son ouvrier vont démarrer un cycle de nettoyage par ultrasons de barriques de trois vins au château Beauséjour, en appellation Puisseguin-Saint-Émilion.

ALAIN TRILLAUD (à gauche) et son ouvrier vont démarrer un cycle de nettoyage par ultrasons de barriques de trois vins au château Beauséjour, en appellation Puisseguin-Saint-Émilion.

LES BARRIQUES sont positionnées à l'arrière de la camionnette. Elles sont d'abord remplies avec une eau à 60°C (à droite). Puis Alain Trillaud y plonge la sonotrode (à gauche), qui va produire des ultrasons. PHOTOS G. PASQUIER

LES BARRIQUES sont positionnées à l'arrière de la camionnette. Elles sont d'abord remplies avec une eau à 60°C (à droite). Puis Alain Trillaud y plonge la sonotrode (à gauche), qui va produire des ultrasons. PHOTOS G. PASQUIER

L'EAU DE NETTOYAGE est maintenue à 60°C toute la journée dans cette cuve de 1 000 litres logée à l'intérieur d'une remorque.

L'EAU DE NETTOYAGE est maintenue à 60°C toute la journée dans cette cuve de 1 000 litres logée à l'intérieur d'une remorque.

APRÈS LE TRAITEMENT, l'eau chaude est pompée des barriques, filtrée dans ce filtre à membrane et renvoyée dans la cuve de 1 000 litres.

APRÈS LE TRAITEMENT, l'eau chaude est pompée des barriques, filtrée dans ce filtre à membrane et renvoyée dans la cuve de 1 000 litres.

L'homme a le verbe facile. Il est passionné, et ça se sent. « Aujourd'hui, nous travaillons sur des barriques de trois vins », lance Alain Trillaud, gérant de la société Dyogéna, avant de démarrer une démonstration de son système de régénération des barriques par ultrasons.

Nous sommes au château Beauséjour, en Gironde, sur l'appellation Puisseguin-Saint-Émilion. Gérard Dupuy, le propriétaire, a confié pour la première fois le nettoyage de ses fûts à ce prestataire de services.

Cinq minutes pour une barrique d'un vin

Après avoir enfilé un casque antibruit et pris place sous la tente destinée à protéger son chantier d'éventuelles averses, Alain Trillaud entame un cycle de nettoyage.

Il remplit d'eau chaude à 60°C les barriques disposées devant lui. Puis il introduit la sonotrode dans le trou de bonde de la première d'entre elles. Comme une électrode transmet le courant, ce cylindre métallique transmet les ultrasons. En se propageant dans l'eau, ces ondes vont former des bulles de cavitation qui vont détruire les micro-organismes et dissoudre les particules accrochées au bois, nettoyant ainsi les barriques.

« Nous utilisons une fréquence de 20 kHz pour générer les ultrasons et une puissance proche de 4 kW. Seul le temps de traitement varie en fonction de l'âge et de l'état de la barrique. » Pour des barriques de 225 litres d'un vin, il est d'environ cinq minutes. « Pour des barriques de trois vins, comme ici, nous le prolongeons jusqu'à neuf minutes. »

Une fois le traitement terminé, Alain Trillaud sort la sonotrode du fût et y plonge une canne afin de pomper l'eau de nettoyage. Il rince ensuite les barriques, selon le choix des clients. « Avec les barriques de trois vins, il est préférable de faire un rinçage à l'eau froide de quelques minutes afin d'éliminer les résidus de tartre qui peuvent rester au fond », confie-t-il. Ce qu'il a fait avec celles du château Beauséjour. Les premières eaux de rinçage sont alors sorties très rouges, preuve que le traitement dérougit les barriques. Il a fallu deux à trois minutes pour qu'elles deviennent claires.

Une prise électrique et une arrivée d'eau

L'équipement de Dyogéna est entièrement mobile et autonome. Outre le système de production d'ultrasons monté à l'intérieur d'une camionnette, il comprend une cuve de production et de stockage d'eau chaude de 1 000 litres installée dans une remorque. « Nous nous déplaçons chez le client, ce qui n'est pas le cas des autres systèmes de régénération sur le marché, observe Alain Trillaud. Nous avons simplement besoin d'une prise de courant à la norme CE et d'une arrivée d'eau. »

Le traitement ne nécessite aucun produit chimique et est rapide, comme nous avons pu le constater. Son prix, entre 30 et 60 euros par barrique, paraît aussi attractif. Cependant, Alain Trillaud indique qu'il n'est pas suffisamment efficace pour des fûts très entartrés. De plus, le bruit de la machine devient rapidement insupportable dans l'entourage du chantier. L'utilisation d'un casque apparaît indispensable. « Nous travaillons sur une chambre acoustique pour réduire cet inconvénient », promet-il.

Qu'en est-il de la qualité du détartrage et de la désinfection ? Sur un chantier, il est pratiquement impossible de s'en faire une idée. En effet, on ne voit pas de cristaux de tartre dans l'eau de lavage après le traitement aux ultrasons, car « la température de 60°C permet de les dissoudre ». Voisin de Gérard Dupuy, Bruno Sainson, directeur technique du château Laroque, cru classé de Saint-Émilion, est convaincu de l'efficacité de ce nouveau procédé. Il l'a généralisé sur l'ensemble de ses barriques d'un et de deux vins. Il estime que cette technique « permet de prolonger la durée de vie des barriques. Nous manquons un peu de recul, puisque nous avons simplement fait des essais en 2012, mais les premières observations montrent que le boisé des vins est plus subtil et plus gourmand. On gagne en netteté aromatique ».

Un procédé venu d'Australie

Ces résultats nécessitent d'être confirmés par des analyses chimiques et sensorielles. Une étude est également en cours pour vérifier si le nettoyage aux ultrasons permet de récupérer la capacité de micro-oxygénation des barriques.

Le procédé utilisé par Dyogéna a été inventé par l'entreprise australienne Cavitus. Il est distribué en France par la société espagnole Ultratecno.

Cavitus et l'université d'Adélaïde, en Australie, ont réalisé plusieurs études pour démontrer son efficacité. Ils affirment que l'application du système à des barriques remplies d'eau chaude à au moins 60°C permet d'éliminer complètement les dépôts de tartre et les souches cultivables de Brettanomyces Bruxellensis dans les quatre premiers millimètres de la barrique. Aucun effet indésirable n'a été observé sur l'extraction des composés volatils du bois dans le vin.

Barsonic, un procédé concurrent

Dyogéna n'est pas le premier à utiliser des ultrasons pour nettoyer et désinfecter les fûts. Barsonic l'a précédé. Basée à Castelnaude-Guers (Hérault), cette société a été créée il y a environ trois ans par Bernard Poulet. « J'ai eu l'idée d'utiliser les ultrasons pour régénérer les barriques car, dans mon ancien métier, nous les utilisions », explique-t-il. Après plusieurs essais, il met au point un protocole qu'il adapte à chaque fût. Bernard Poulet constate que les ultrasons seuls ne permettent pas d'éliminer tout le tartre, notamment sur des barriques du Languedoc, qui en contiennent beaucoup.

« Nous réalisons un nettoyage préalable des barriques avec un jet haute pression à l'eau chaude ou à la vapeur pour éliminer le tartre. » Il estime que 90 % du travail de nettoyage est réalisé par cette opération. Il remplit ensuite les barriques d'eau chaude ou froide et insère la sonotrode par un trou réalisé dans le fond de la barrique. « Nous sommes obligés de passer par le fond de la barrique, car il est nécessaire que le barreau qui transfère les ultrasons soit long. Il n'est donc pas possible de passer par le trou de bonde. » Le traitement par ultrasons peut durer vingt à trente minutes par barrique, avec une fréquence fixée à 25 kHz et une puissance de 2 kW. « Pour nous, les ultrasons ont un rôle de régénération, signale Bernard Poulet. Ils éliminent une partie de la matière colorante et ils écartent légèrement les fibres du bois, ce qui va favoriser la micro-oxygénation et la récupération de notes boisées. » Malheureusement, Bernard Poulet est obligé de percer le fond des fûts. Il faut alors les boucher par une bonde, ce qui n'est pas sans risque sur le plan sanitaire ou, plus simplement, sur le plan de la perte de vin.

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