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Renouvellement du vignoble, à chacun son rythme

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 74

Trois viticulteurs expliquent comment ils rajeunissent leur vignoble en fonction de leurs contraintes et de leurs objectifs. Dans tous les cas, il faut de l'organisation pour éviter de déstabiliser l'exploitation avec trop de plantations en même temps.

Le Point de vue de

« Je plante un à deux hectares chaque année »

Vincent Reuiller, domaine de la Gabetterie, 45 ha à Faveraye-Mâchelles (Maine-et-Loire)

Vincent Reuiller, domaine de la Gabetterie, 45 ha à Faveraye-Mâchelles (Maine-et-Loire)

Le contexte :

« Au milieu des années quatre-vingt-dix, c'est devenu moins facile de vendre les AOC Coteaux du Layon et Bonnezeaux. J'ai décidé de miser sur le rosé en AOC Cabernet d'Anjou. À la même époque, j'ai pu m'agrandir en reprenant des terres nues. J'ai commencé à installer du cabernet franc sur ces nouvelles terres, ce qui m'a permis de laisser reposer les anciennes. Depuis, je replante chaque année. »

L'organisation :

« En 2012, par exemple, j'ai arraché du grolleau, car le rosé d'Anjou élaboré avec ce cépage se vend à des prix plus variables que le cabernet d'Anjou. Je vais utiliser les droits de cet arrachage pour installer du cabernet franc en 2013 sur des terres reposées. Suivant les années, je plante ainsi 1 à 2 ha. J'ai de 2 à 5 ha de plantiers à entretenir pour 40 à 43 ha de vignes en production. Pour avoir assez de main-d'oeuvre, j'ai embauché un quatrième permanent. »

Le financement :

« J'ai d'abord utilisé des prêts plantations. Depuis 2008, il y a des primes à la restructuration. Désormais, je contracte simplement un prêt à court terme pour attendre l'arrivée de la prime. Je garde ainsi des possibilités d'emprunt à moyen terme. J'ajuste les surfaces à planter chaque année selon les autres besoins. J'essaie, par exemple, de renouveler le matériel avant d'avoir de grosses pannes. »

Les résultats :

« En modifiant l'encépagement, j'ai collé à l'évolution des marchés et développé des ventes de vrac valorisantes dans le cadre de contrats pluriannuels avec des négociants. J'ai réduit la vente directe en me recentrant sur les salons les plus rentables, ce qui me laisse plus de temps pour m'occuper du vignoble. Aujourd'hui, je produis du cabernet d'Anjou sur 30 ha, avec des vignes jeunes qui arrivent plus facilement aux 60 hl/ha autorisés. La qualité des raisins convient bien pour élaborer des rosés sur le fruit, avec de la fraîcheur. Pour la vente directe, j'ai conservé les parcelles les mieux exposées pour produire des liquoreux, ainsi que des vignes âgées où je produis des rouges concentrés. »

Le Point de vue de

« Je replante seulement tous les deux ou trois ans »

Olivier Ormières, vigneron coopérateur sur 21 ha à Carcassonne (Aude)

Olivier Ormières, vigneron coopérateur sur 21 ha à Carcassonne (Aude)

Le contexte :

« Ma coopérative produit surtout des cépages en IGP Pays d'Oc. Je profite de mes arrachages pour adapter l'encépagement à ses besoins. Comme elle manque de blancs, j'ai planté 80 ares de chardonnay sur une parcelle. Après les vendanges de 2014, je vais arracher 2 ha de cinsault avec plus de 15 % de manquants dus aux maladies du bois. Je les remplacerai par du grenache, qui permet d'élaborer aussi bien des rosés que des rouges. »

L'organisation :

« J'arrache les parcelles dont le rendement fléchit. Je ne plante pas tous les ans, car cela ferait trop de travail. J'ai 20 ha de vignes en production et 1 à 2 ha de plantiers, que je travaille avec l'aide de mon père. En plantant tous les deux ou trois ans seulement, nous arrivons à tout faire seuls, mis à part l'enroulage des jeunes pousses, pour lequel j'embauche des occasionnels. En soignant la préparation du sol, la plantation et l'entretien, les vignes démarrent bien. Je récolte 50 à 60 hl/ha dès la troisième feuille. Quand j'arrache une nouvelle parcelle, celle que j'ai plantée auparavant commence à produire. J'arrive ainsi à maintenir une production régulière de 1 600 à 1 700 hl. »

Le financement :

« Les frais s'étalent sur deux ou trois ans. J'ai assez de trésorerie pour les avancer en attendant l'arrivée de la prime à la restructuration. Elle couvre l'achat des plants et d'une partie du matériel de palissage. Pour acheter les terres nues, par contre, j'ai dû emprunter sur dix ans. »

Les résultats :

« En renouvelant régulièrement, j'évite de perdre du volume sur les parcelles trop âgées. En 2012, j'ai dépassé les 85 hl/ha de moyenne. Mon objectif est de remonter à 90 hl/ha pour bien couvrir mes frais et garder des moyens pour investir. Planter coûte cher, mais c'est un investissement productif. Quand je vois que la récolte est au rendez-vous, je pense moins au travail et aux frais engagés. »

Le Point de vue de

« Je dois intensifier la cadence »

Simon Guigue, domaine de la Sihole, 55 ha à Saint-Paulet-de-Caisson (Gard)

Simon Guigue, domaine de la Sihole, 55 ha à Saint-Paulet-de-Caisson (Gard)

Le contexte :

« Dans mes vignes en AOC Côtes du Rhône, je produis le rendement autorisé. Je tiens à y rester malgré les maladies du bois. Pour y parvenir, j'ai fait le choix de replanter plutôt que de complanter. Dans les vignes en IGP, je veux porter le rendement moyen de 65 hl/ha à 100 hl/ha pour dégager une bonne marge avec du vrac, car j'ai arrêté de vendre en bouteilles. Avec la guerre des prix qui sévit entre caves, ce n'était plus rentable. »

L'organisation :

« Depuis 2009, je replante tous les ans, en moyenne entre 1,5 et 3 ha par an. Sur 55 ha de vignes, j'ai 5 à 6 ha de plantiers à entretenir. Mais après le gel de 2012, la mortalité a grimpé. Dans le prochain plan de restructuration, je vais donc replanter 6 ha par an durant trois ans. Mes volumes vont baisser, mais pendant ce temps, les jeunes vignes déjà plantées devraient entrer en production, avec un potentiel plus élevé. Cela fera aussi plus de travail. Nous sommes trois sur l'exploitation. Nous devrons embaucher plus de saisonniers. De toute façon, je n'ai pas le choix. Conserver une vigne qui ne donne plus que 40 hl/ha, c'est perdre de l'argent. »

Le financement :

« Les primes à la restructuration sont bienvenues mais elles ne suffisent pas. Nous devons contracter des prêts en complément pour planter, mais aussi pour agrandir la cuverie et loger les volumes en plus. Heureusement, la banque nous suit. »

Les résultats :

« L'investissement devrait être rentable. Sur les jeunes vignes, le potentiel de production s'annonce bien meilleur. La taille est plus rapide. Il n'y a plus besoin de réparer les palissages. Les écartements ont tous été ramenés à 2,25 m.

De ce fait, nous gagnons du temps sur les réglages d'outils. Avec un vignoble rajeuni et rationalisé, plus productif, nous devrions arriver à réduire les coûts et à retrouver de la marge. »

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