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Vin

Difficile de déloger les Brett

Grégory Pasquier - La vigne - n°253 - mai 2013 - page 54

Il faut employer les grands moyens pour déloger les Brettanomyces des moindres recoins du matériel vinaire. Ces levures s'accrochent plus que d'autres micro-organismes à l'inox. C'est ce qu'a révélé Pascal Poupault, spécialiste de l'hygiène à l'IFV, aux Rencontres rhodaniennes, le 11 avril.
UNE HYGIÈNE insuffisante des cuves, des tuyaux ou des pompes peut favoriser l'apparition d'éthylphénol dans les vins après plusieurs mois en bouteille. Plusieurs pistes sont à l'étude pour y remédier. L'IFV en a livré quelques-unes. © C. WATIER

UNE HYGIÈNE insuffisante des cuves, des tuyaux ou des pompes peut favoriser l'apparition d'éthylphénol dans les vins après plusieurs mois en bouteille. Plusieurs pistes sont à l'étude pour y remédier. L'IFV en a livré quelques-unes. © C. WATIER

«Tous les produits de nettoyage et de désinfection du commerce sont efficaces en laboratoire. Le problème, c'est la "nettoyabilité" du matériel », a expliqué Pascal Poupault, de l'Institut francais de la vigne et du vin (IFV) Val de Loire, lors des seizièmes Rencontres rhodaniennes à Orange (Vaucluse), le 11 avril dernier. Cette « nettoyabilité » reste l'affaire des fabricants de matériel oenologiques. C'est à eux de l'améliorer. De son côté, l'IFV étudie l'efficacité des procédures de nettoyage et de désinfection des matériels. Là aussi, il reste des progrès à faire.

L'institut a collaboré avec AgroParisTech pour comprendre comment les micro-organismes adhèrent aux surfaces. Des chercheurs ont étudié plusieurs Saccharomyces, des bactéries lactiques et deux souches de Brettanomyces. « Ces deux souches sont très hydrophiles », a indiqué Pascal Poupault. Elles ont donc une forte affinité avec l'eau. Cependant, « ce sont les plus adhérentes de notre échantillon sur l'acier inoxydable ». Cela indique que les Brettanomyces sont plus difficiles à décrocher des surfaces en inox que d'autres micro-organismes. Devant ce constat, l'IFV lance des travaux pour établir des protocoles de nettoyage qui permettent de détacher les Brettanomyces de l'inox à coup sûr.

Des éthylphénols apparaissent après sept mois en bouteille

Par ailleurs, l'IFV a étudié l'impact de deux itinéraires de nettoyage sur les teneurs en éthylphénols des vins après sept et dix-neuf mois en bouteille. « Au cours d'un soutirage, nous avons partagé 12 hl de vin en deux lots, poursuit le chercheur. 6 hl ont été transférés dans une cuve grâce à une pompe et des tuyaux nettoyés de façon usuelle, le reste a été transféré dans une autre cuve suite à un nettoyage plus strict du matériel. Nous avons mis les vins en bouteille et dosé les éthylphénols après sept et dix-neuf mois. »

L'itinéraire usuel commence par un rinçage de la cuve de réception avec un nettoyeur haute pression, suivi d'une application de soude avant un rinçage à l'eau. La pompe et les tuyaux sont uniquement rincés à l'eau. L'itinéraire strict commence par un rinçage avec un nettoyeur haute pression de la cuve suivi d'un nettoyage à la soude en circuit fermé pendant 15 minutes entre la cuve, munie d'une boule d'aspersion, la pompe et les tuyaux. Après rinçage, tout le matériel est désinfecté avec de l'acide peracétique avant un rinçage final à l'eau.

Au bout de sept mois de conservation, les teneurs en éthyl-phénols (4-éthylphénol et 4-éthylgaïacol) varient entre 404 et 888 µg/l dans les vins mis en bouteille suite à un itinéraire de nettoyage usuel. Au même moment, aucune trace de ces contaminants n'est détectée dans les vins embouteillés avec une hygiène plus stricte. « De faibles teneurs apparaissent au bout de dix-neuf mois lorsque le niveau de SO2 libre ajusté à la mise est de 10 mg/l. En revanche, toujours aucune trace d'éthylphénols n'est détectée lorsque la valeur de SO2 a été ajustée à 40 mg/l », note Pascal Poupault.

Un protocole de nettoyage efficace

Par rapport à l'itinéraire usuel, l'itinéraire strict permet d'obtenir des niveaux d'hygiène plus satisfaisants. Mais pas dans tous les cas, comme l'ont montré d'autres essais réalisés par l'IFV sur un circuit test. En effet, quelques recoins des matériels de chai restent contaminés de façon non négligeable. De ce fait, des risques de déviations, certes faibles, existent toujours. Pascal Poupault a donc poussé l'expérimentation encore plus loin. « Nous avons démonté toutes les vannes, tous les robinets de dégustation et les joints, tout ce qui était démontable. Nous les avons fait tremper pendant 20 minutes dans un produit qui a également servi à nettoyer et à désinfecter les parois internes de la cuve et nous avons brossé. » Ce protocole a permis de réduire les populations microbiennes de façon très importante, au point de faire disparaître les déviations par les éthylphénols.

Un sulfitage mesuré favorise l'expression des arômes

Émilie Teyssot, chargée d'études à Inter-Rhône, a mené des essais en 2012 sur des rosés de Tavel (Gard) et des côtes du Rhône. « Le but était d'étudier l'incidence des niveaux de SO2 libre et d'oxygène à la mise, du type d'obturateur et de la température de stockage sur la conservation des vins en bouteille », a expliqué la chercheuse lors des Rencontres rhodaniennes. Elle a montré que le SO2 libre est fortement impacté par les conditions à la mise et durant la conservation des vins. « Lorsque les mises en bouteille sont faites avec des niveaux d'oxygène totaux inférieurs à 1,5 mg/l, le SO2 libre diminue moins au cours de la conservation en bouteille qu'avec des niveaux d'oxygène plus élevés », indique Émilie Teyssot. Le profil aromatique du vin dépend également du conditionnement et de la conservation. Quatre mois après la mise en bouteille, « le côtes-du-rhône est marqué par des notes amyliques et de fruit frais lorsqu'il est conservé à 15°C. Cela se vérifie davantage lorsque la mise s'est faite avec 25 mg/l de SO2 libre qu'avec 35 mg/l », précise la chercheuse. L'ajustement du niveau de SO2 à la mise a un impact important sur les rosés puisque, « pour le tavel, avec 25 mg/l de SO2 libre à la mise, l'intensité aromatique est plus importante qu'avec 35 mg/l », poursuit Émilie Teyssot, qui conclut en indiquant que « l'obturateur le plus perméable à l'oxygène a permis d'obtenir un vin marqué par des notes amyliques et de fruits frais ».

Des dégustations atypiques

Les Rencontres rhodaniennes du 11 avril étaient l'occasion pour le public venu en nombre de déguster plusieurs essais.

1. L'impact surprenant de l'oïdium.

Silvère Devèze, conseiller vigne et vin à la chambre d'agriculture du Vaucluse, a vinifié des raisins contaminés par l'oïdium. Par rapport au vin témoin, le vin oïdié avait des arômes moins intenses. Il était moins complexe et moins structuré en bouche. Cependant, pour obtenir le vin oïdié, Silvère Devèze, responsable de l'essai, a utilisé 80 % de raisins oïdiés. Le résultat ne paraissait donc pas tellement défectueux.

2. Les clones de syrah non dépérissants.

Pour diversifier l'offre en syrah, trois nouveaux clones non dépérissants de ce cépage viennent d'être agréés : le E313, le E355 et le E466. Inter-Rhône a fait déguster des vins issus des trois clones. Au premier nez, tous avaient des notes de réduction, sans doute inhérentes au mode de conservation. Puis des notes de fruit noir et d'épices typiques de la syrah sont apparues, notamment dans le clone 313. Un bel équilibre en bouche avec une structure tannique riche caractérisait les trois vins.

3. La diversification de l'encépagement rhodanien.

Le Syndicat des vignerons des côtes du Rhône a fait goûter, dans l'ordre, un vin de counoise - un ancien cépage de l'AOC -, puis des vins issus de nouvelles variétés : le marselan et le couston. La counoise a été une mise en bouche légère. Avec ses notes de fruits noirs et mûrs, le marselan a démontré une belle complexité aromatique. Le couston, avec un IPT aux alentours de 100, nous a laissé, pour terminer, une sécheresse en bouche interminable.

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