« La vogue du béton, c'est pour les Bordelais. Ici, en Languedoc, le béton n'a jamais quitté les caves. Il a toujours été le composant de base des cuves dans les coopératives », s'amuse Christophe Peyrus, étoile montante du Pic Saint-Loup, une appellation phare de la région de Montpellier.
Installé en 1992 à Lauret, dans l'Hérault, Christophe Peyrus exploite 24 ha de vignes en bio et vinifie 700 hl par an. Il a fait ses premiers pas de vigneron avec des cuves en fibre de verre, l'option « la moins coûteuse ». Puis il complète sa cuverie avec de l'inox au fur et à mesure de son agrandissement.
Il utilise également quelques cuves de béton enterrées dont il saisit l'intérêt tout comme les points faibles. « L'inconvénient du béton, c'est la manutention. On ne peut pas déplacer les cuves facilement. C'est un problème quand on démarre et qu'on a besoin de faire évoluer la cave. »
Après avoir misé sur l'inox, il revient au béton lorsqu'il construit sa nouvelle cave en 1999. « J'abordais une phase plus posée. J'ai dimensionné mon chai à partir des cuves en béton dont j'avais besoin. »
De la réduction avec l'inox. Au fil des ans, Christophe Peyrus constate l'avantage du béton sur l'inox. « L'inox est un matériau très hermétique qui occasionne des problèmes de réduction durant l'élevage, observe-t-il. Dans le béton non revêtu, je n'ai pas ce souci. La microporosité de ce matériau est très intéressante. C'est pour ça que j'ai fait le choix du béton. »
De ce fait, les vins du clos Marie sont très peu soutirés : deux soutirages sur les millésimes 2010 et 2012 et un seul sur le 2011, avant mise en bouteille. « Je limite ainsi les oxydations qui enlèvent du fruit et je m'évite de sulfiter. Mes vins ne reçoivent pas une goutte de SO2 jusqu'à la mise en bouteille », assure Christophe Peyrus.
Le vigneron observe que ses vins vinifiés et élevés dans le béton préservent plus longtemps l'éclat et le fruité de leur jeunesse. « La fraîcheur aromatique et les arômes de fruits frais obtenus sur les jus justes fermentés sont plus durables. La patine du vieillissement apparaît plus tardivement », soutient-il.
L'autre avantage du béton, surtout dans une région chaude comme le Languedoc, c'est son inertie thermique. « Nous vendangeons de nuit. La température monte très doucement à l'intérieur de la cuve. Lorsqu'elle atteint 25 à 27°C, la moitié des sucres a déjà été transformée. Il suffit alors de maintenir cette température. On limite la consommation de frigories. Par contre, il faut bien surveiller ses cuves. Si on laisse la température s'échapper, il sera beaucoup plus long et coûteux de la ramener au niveau souhaité. Quand le béton a chauffé, il est difficile à refroidir », souligne Christophe Peyrus.
Le béton même pour les blancs
Au cœur d'une appellation qui ne produit que des rouges et des rosés, le clos Marie s'est taillé une solide réputation avec ses vins blancs qui représentent 20 % de sa production. Ces vins sont d'une fraîcheur et d'une vivacité peu communes pour la région. Une particularité que Christophe Peyrus attribue en premier lieu à la date de récolte : juste à maturité. Le passage en cuve en béton contribue à renforcer le caractère de ses blancs. « Je vinifie et j'élève mes blancs pour partie en cuve béton et pour partie en muids et demi-muids, témoigne-t-il. J'ai constaté que ces deux contenants produisent des profils de vins très différents. Le bois donne un fruit plus rond et charnu, le béton amène un côté plus austère avec des vins plus tendus. » Pour augmenter la proportion de vin passé en béton dans ses assemblages, le vigneron s'est équipé l'an dernier d'une nouvelle cuve « trois en une » : l'intérieur est divisé en trois compartiments de 25, 30 et 35 hl. Un système qui permet de gagner de la place, avec deux parois en moins.