Retour

imprimer l'article Imprimer

VIN

2013, l'année du copeau

GRÉGORY PASQUIER - La vigne - n°257 - octobre 2013 - page 54

Le millésime tardif risque de compromettre la bonne maturation des raisins. Les œnologues considèrent qu'il y aura un réel intérêt à utiliser les copeaux en vinification pour apporter de la rondeur et masquer les arômes végétaux.
LES RAISINS risquent de manquer de maturité cette année. Pour apporter de la structure et masquer les odeurs végétales, les œnologues conseillent d'utiliser des mélanges de copeaux frais et grillés dès l'encuvage. © P. ROY

LES RAISINS risquent de manquer de maturité cette année. Pour apporter de la structure et masquer les odeurs végétales, les œnologues conseillent d'utiliser des mélanges de copeaux frais et grillés dès l'encuvage. © P. ROY

« CETTE ANNÉE, en vue du millésime qui s'annonce difficile à cause du millerandage et de la maturité hétérogène, les bois pour l'œnologie seront un outil indispensable », affirme Jean-Luc Liberto, directeur du laboratoire de Méditerranée œnologie, dans l'Hérault. Pascal Hénot, directeur du centre œnologique de Coutras, en Gironde, pense également « qu'il y aura une utilisation importante de copeaux, aussi bien sur le merlot que sur le cabernet sauvignon. Car si le raisin manque de maturité ou de structure, l'utilisation de copeaux s'imposera. Ils peuvent être structurants et masquer les odeurs végétales ».

Près de 100 % de ses clients utilisent déjà des copeaux, non pas pour s'en servir comme « ersatz de barriques. Mais pour parfaire le profil gustatif du vin ». Ils risquent d'avoir fort à faire cette année.

Les œnologues s'accordent à dire qu'il faudra raisonner l'utilisation des copeaux en fonction de la matière première. Pour Sylvain Delabre, œnologue consultant du groupe ICV, « moins le millésime sera concentré, plus la dose devra être modérée. On a généralement tendance à penser qu'avec un raisin maigre, dilué, il faut forcer en bois. Au contraire, il faut diminuer la dose. Si on y ajoute trop de bois, le vin risque d'être déséquilibré ».

Sur un raisin en sous-maturité, il préconise de « limiter le bois frais a 1 ou 2 g/l, voire 3 g/l s'il est plus concentré ». Ces copeaux peuvent augmenter l'expression fruitée du vin lorsque le raisin est de bonne qualité. Mais ils peuvent aussi renforcer l'aspect végétal et apporter des tanins asséchants si la dose est trop élevée sur des raisins peu mûrs, assure-t-il.

Pascal Hénot ne partage pas cet avis. Il pense qu'il ne faut pas réduire la quantité de bois frais sur une vendange peu mûre. « Sur une vendange insuffisamment mûre, la dose de copeaux frais pourra s'élever à 4 g/l, car ils vont apporter de la structure et de la sucrosité », atteste-t-il.

Ces œnologues s'accordent pour conseiller des mélanges de bois frais et de bois toastés. « Le bois frais pour arrondir la structure et le bois grillé pour masquer les odeurs végétales », indique Pascal Hénot.

Sylvain Delabre pourrait s'orienter vers un mélange à 1 g/l de bois frais et 1 g/l de bois toasté. Mais il n'exclut pas, dans certains cas, d'utiliser uniquement du toasté à 1 ou 2 g/l. Pascal Hénot penche plutôt pour « 2 à 4 g/l de frais et 1 à 2 g/l de grillé ».

La dose dépendra des dégustations de baies réalisées durant les contrôles de maturité. « Je me fixe sur la dégustation des baies et sur les observations effectuées au vignoble », explique Pascal Hénot. « Je raisonne également en fonction de l'historique de la parcelle », ajoute Sylvain Delabre. Les analyses, comme l'extractibilité des anthocyanes, l'acidité et le degré d'alcool probable, peuvent également les aider dans le choix de la dose à appliquer.

Pascal Hénot recommande d'ajouter les éclats de copeaux en vrac aux raisins dès l'encuvage. Mais il est aussi possible de « déguster le moût un ou deux jours après l'encuvage pour déterminer ce qu'il y a à apporter », assure Sylvain Delabre. Dans tous les cas, si le raisin est parfait, mûr, concentré et ramassé au bon moment, « je ne mettrai rien », certifie Pascal Hénot.

NICOLAS LASSAGNE, RESPONSABLE DU CHÂTEAU DES LANDES, À LUSSAC (GIRONDE « Des doses plus élevées »

NICOLAS LASSAGNE, RESPONSABLE DU CHÂTEAU DES LANDES, À LUSSAC (GIRONDE)

NICOLAS LASSAGNE, RESPONSABLE DU CHÂTEAU DES LANDES, À LUSSAC (GIRONDE)

«Nous exploitons 30 ha de vigne. La majorité en Lussac Saint-Émilion et 2,3 ha en Bordeaux. Nous utilisons des copeaux sous forme de grain de riz chaque année. Ce sont des outils formidables. 2013 sera une année à copeaux car nous allons ramasser des raisins qui ne seront pas mûrs. Les copeaux permettront d'apporter de la sucrosité, de la structure, de la rondeur et de gommer l'astringence et la dureté s'ils sont bien utilisés. Mais il faudra bien choisir son fournisseur. Généralement, nous ajoutons surtout des copeaux frais dans les trois quarts de nos cuves pour que les vins soient plus gourmands. Nous les insérons dès l'encuvage et nous adaptons les quantités avec l'œnologue en fonction de ce que nous avons constaté dans les vignes. Habituellement, nous apportons des doses de l'ordre de 200 g/hl, mais cette année, elles seront plutôt comprises entre 400 et 500 g/hl. Parfois, nous mettons des copeaux grillés sur les cabernets francs, notamment pour masquer le caractère végétal. Dans ce cas, nous mélangeons un tiers de grillé et deux tiers de frais. Mais comme je ne veux pas uniformiser mes vins, je ne vais pas forcément utiliser plus de copeaux grillés cette année. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :