Dans la vallée de la Loire, des viticulteurs ont rentré des raisins immatures. Mais d'après Paul de Surmont, directeur du laboratoire Litov, à Saumur (Maine-et-Loire), les vins sont moins « verts que l'an dernier ». Pas de faux goûts liés au botrytis non plus. Peut-être est-ce le résultat des ajouts précoces de tanins œnologiques ou de copeaux aux moûts, fréquemment réalisés pour inhiber la laccase. Ces intrants semblent aussi avoir permis de stabiliser rapidement la couleur.
Paul de Surmont affirme même : « le botrytis nous a aidés. Il a facilité l'extraction de la couleur. Elle est venue rapidement. Puis, à partir de 1 030 de densité, nous avons levé le pied sur les extractions ». À ce moment-là, l'œnologue a conseillé à ses clients de « caler » leurs cuves, c'est-à-dire de les remplir pour immerger le chapeau de marc et réaliser une extraction par infusion douce. « Les saumurs et les saint-nicolas-de-bourgueil rouges ont ainsi pu tenir en macération pendant trois semaines. »
En Bourgogne, «les rouges sont en train d'être décuvés », rapporte Jan Castaings, œnologue rattaché au laboratoire Moreau œnologie, à Chassey-le-Camp (Saône-et-Loire). Il explique que « les pinots noirs ont moins décroché en pourriture que les chardonchardonnays ». Mais au moment de la récolte, leur pulpe était encore acide, alors que les pellicules et les pépins avaient un très bon potentiel polyphénolique. « Ces parties solides ont permis d'obtenir des vins de qualité », ajoute-t-il.
Pour récupérer la couleur et les tanins, il fallait « bien maîtriser les températures et les pigeages, précise l' œnologue. Et dépasser les 30°C en fin de fermentation ». Ainsi, « les vins ont une belle matière et un bon niveau de couleur, même si le potentiel tannique n'est pas énorme ».
Sur la rive gauche de la Garonne, « les fermentations alcooliques sont pratiquement terminées, assure Christophe Coupez, œnologue à l'Œnocentre de Pauillac (Gironde). Des cuves sont en train d'être écoulées. Certaines ont déjà fini les fermentations malolactiques. » Le technicien indique qu'au moment de la récolte, « les pellicules étaient fermes et la pulpe n'était pas complètement liquéfiée ». Signe que les raisins n'avaient pas atteint leur pleine maturité. « Heureusement, il n'y a pas de notes végétales, certifie-t-il. La chaleur de l'été a bien gommé ce caractère. »
Les pellicules ont tardé à libérer leur contenu. « La couleur a mis du temps à s'extraire. Les marcs se sont éclaircis entre 1 020 et 1 000. Les vins ont mis du temps à se structurer, mais il y a eu une belle progression de la structure et du gras sous marc. » Des cuvaisons longues et beaucoup de délestages ont été nécessaires pour obtenir « une extraction uniforme des tanins et des anthocyanes. Ceux qui n'ont effectué que des remontages ont des vins très pâles », poursuit Christophe Coupez.
Des viticulteurs ont rentré des raisins attaqués par le botrytis. Mais contrairement à l'an dernier, aucun vin ne semble marqué par des goûts moisis-terreux. « Je n'ai pas vu de cuve avec de la géosmine. Les jus pouvaient être un peu terreux à l'encuvage mais avec un bon débourbage, ce défaut disparaissait », soutient l' œnologue.
Le Point de vue de
Christophe Queyrens, viticulteur à Donzac (Gironde), 70 ha de vignes
« Des vinifications plus simples grâce à la thermo »
« Cette année, ce qui a été crucial, c'est le choix de la date de récolte. Il a fallu attendre pour atteindre une maturité correcte, mais aussi pour trouver une fenêtre afin de ne pas vendanger sous la pluie. Du coup, nous avons ramassé les premiers rouges le 27 septembre et les derniers, très rapidement, le 4 octobre. Nous avions prévu que l'année serait compliquée, que la vendange serait hétérogène et que l'état sanitaire risquerait de ne pas tenir. Nous avions donc réservé un prestataire de service qui fait de la thermovinification.
Heureusement, car cette année, en plus d'être en quantité faible, les merlots ont pourri très rapidement. Quasiment deux tiers des cuves de merlots ont été vinifiées en thermo. Au total, l'an dernier, nous avions réalisé des thermo sur 5 à 10 % du volume du chai. Cette année, nous sommes entre 30 et 40 %.
À partir du moment où nous avons fait le choix de la thermo, c'était plus simple. Mais il a quand même fallu être vigilant au niveau microbiologique.
Nous avons donc levuré toutes nos cuves et apporté tous les nutriments nécessaires pour que les fermentations alcooliques (FA) se déroulent bien. Nous avons juste eu une ou deux cuves languissantes que nous avons relevuré rapidement pour ne pas laisser la place à d'autres micro-organismes. Et elles ont bien fini de fermenter. Après, j'ai fait quelques inoculations de bactéries vers 1030-1040 de densité sur deux ou trois cuves, car je voulais ensemencer le chai pour que les FA et les fermentations malolactiques s'enchaînent sans phase de latence. Et à ce jour (7 novembre, NDLR), les malos sont presque terminées. »