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Magazine - Terroir & tradition

La Vigne des garçons : Cinq fois centenaire

D. B. - La vigne - n°258 - novembre 2013 - page 116

Les conscrits de trois villages du Beaujolais bénéficient des revenus de la Vigne des garçons pour financer la fête qui les célèbre.Une tradition qui remonte à l'an 1500 !
L'ÉQUIPE VENUE VENDANGER la Vigne des garçons, à Anse (Rhône), le 5 octobre. Ces dernières années, les conscrits ont intégré les filles dans leurs rangs.

L'ÉQUIPE VENUE VENDANGER la Vigne des garçons, à Anse (Rhône), le 5 octobre. Ces dernières années, les conscrits ont intégré les filles dans leurs rangs.

UNE STÈLE marque l'emplacement de la Vigne des garçons

UNE STÈLE marque l'emplacement de la Vigne des garçons

PIERRE REBUT, l'actuel fermier de la Vigne des garçons, et son père Georges, qui l'a tirée de l'oubli. PHOTOS D. B.

PIERRE REBUT, l'actuel fermier de la Vigne des garçons, et son père Georges, qui l'a tirée de l'oubli. PHOTOS D. B.

Ce samedi 5 octobre, ils sont une vingtaine à vendanger une dizaine de rangs de vigne à Anse (Rhône), perpétuant deux traditions du Beaujolais. La première est née en l'an 1500, lorsque les frères Giraudet ont transmis un lopin de vigne aux « garçons d'Anse », autrement dit les jeunes gens du village. Ces généreux donateurs ont simplement posé comme condition que les revenus de la parcelle servent à payer les musiciens pour faire danser les villageois le jour de la Saint-Abdon, le patron de la paroisse. La tradition a traversé les siècles, jusqu'au vingtième, où la parcelle fut abandonnée.

À la fin des années 1970, Georges Rebut a souhaité acheter ce terrain voisin de son exploitation. « Mais un clerc de notaire a retrouvé la trace de l'ancienne donation, explique ce vigneron. Le terrain ne pouvait pas être acheté faute de propriétaire légal. Nous avons alors décidé de relancer la tradition en créant une association qui reverse de l'argent aux conscrits des communes d'Anse, Lachassagne et Ambérieux-d'Azergues. »

Les conscrits, cette autre tradition du Beaujolais, sont nés à quelques kilomètres de là, à Villefranche-sur-Saône, sous le second Empire. À l'époque, deux garçons se sont présentés en tenue de soirée et gibus (chapeau haut de forme) au tirage au sort qui devait décider, ou non, de leur départ pour le service militaire. Leurs successeurs les ont imités jusqu'à aujourd'hui, malgré la fin de la conscription.

À l'origine, les conscrits regroupaient tous les jeunes de vingt ans d'un village. On les fêtait une fois par an. Depuis, on fête non seulement ceux qui ont 20 ans, mais aussi ceux qui en ont 30, 40 et jusqu'à 100 ans. Le tout sans sponsor. Quelques centaines d'euros constituent donc une belle contribution pour eux. Il a fallu quatre ans pour créer l'association qui jouit de l'usufruit de la parcelle. Quatre ans au terme desquels les relations ont été codifiées entre les conscrits et Georges Rebut jusqu'à son départ en retraite en 2006, et maintenant avec son fils Pierre.

En 1984, les conscrits ont planté la parcelle de 1,2 ha. Depuis qu'elle porte des raisins, vingt volontaires viennent chaque année vendanger une dizaine de rangs avec Pierre Rebut. « C'est pour que tout le monde sache où est cette vigne, note François Clavier, président de l'interclasse des conscrits. C'est aussi pour que la tradition se transmette. Si les conscrits ne viennent pas, ils sont sanctionnés. » Les derniers récalcitrants ont dû aider Pierre Rebut à complanter la parcelle ! Cependant, la plupart d'entre eux prennent plaisir à ces vendanges. Comme Alexandre Violland, le président de la classe 2014, celle qui aura 20 ans l'an prochain et qui sera alors fêtée. « Pour le président, c'est le minimum d'être là ! souligne-t-il. Les conscrits ici, c'est une religion ! »

La matinée se conclut par un casse-croûte chez Pierre Rebut. C'est lui qui vinifiera la parcelle. « J'en garde la plus grande partie. Mais je vinifie 14 hl au profit de la cuvée de la Vigne des garçons d'Anse que je vends et dont je reverse les recettes aux conscrits. Je reverse également l'équivalent de 6 hl au titre du fermage. »

Au final, cela représente 1 700 euros. Pierre Rebut remet solennellement cette somme aux conscrits en novembre. Il reste alors trois mois avant la fête, qui a lieu chaque dernier week-end de février dans les trois communes.

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