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DOSSIER - Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

CAHORS Peu de réserve pour couvrir les besoins

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°260 - janvier 2014 - page 56

La récolte du vignoble de Cahors est lourdement déficitaire. Bien que l'AOC dispose de vingt et un mois de stocks, les prix montent. Courtiers et négociants peinent à trouver les volumes dont ils ont besoin.

La coulure, qui a touché un grand nombre de parcelles, et la grêle, qui a détruit près de 250 ha en juin dernier, sont les deux principales causes d'une récolte inférieure de 40 % à celle de 2012 sur le bassin de Cahors (Lot).

« Les volumes d'AOC Cahors se situent autour de 105 000 à 110 000 hl, alors que la production était en moyenne de 152 000 hl par an sur les cinq dernières années, confirme Jérémy Arnaud, directeur marketing de l'Union interprofessionnelle des vins de Cahors (UIVC). Sur la même période, les sorties de chais ont été de 160 000 hl en moyenne par an, ce qui a entraîné une importante baisse des stocks. Au 31 juillet dernier, il restait encore en cave 288 000 hl. Mais la partie vrac de ce stock est déjà en grande partie vendue. Quant aux domaines et châteaux, ils gardent les volumes nécessaires à leur propre commercialisation. »

« Nous disposons tout de même de vingt et un mois de stocks, soit largement plus que nos besoins, tempère Bertrand Vigouroux, négociant à Cahors et président de l'UIVC. Il n'y a pas de pénurie. La situation est complexe, car les vignerons sont encore en train de faire le point sur leurs disponibilités. »

Courant décembre, au moment de notre enquête, certains opérateurs avaient du mal à trouver les volumes dont ils avaient besoin. Courtier à Saint-Vincent-Rive-d'Olt (Lot), spécialisé en AOC Cahors depuis de longues années, Christian Jouves confirme. « Cette année, il va me manquer 20 000 hl sur les 50 000 hl que je commercialise habituellement aux négociants. J'espère encore trouver quelques volumes, car je n'ai pas vu tous mes fournisseurs et que les vendanges ont été tardives, mais je suis certain qu'il va me manquer du vin. Après deux petites récoltes 2012 et 2013, il y a encore du stock, mais il n'est pas destiné à la vente en vrac. »

« L'AOC et l'IGP sont touchées. » À la cave des Côtes d'Olt, à Parnac (Lot), les adhérents ont apporté moitié moins de raisins que d'habitude. « Nous vendons généralement 50 000 hl d'AOC Cahors et d'IGP Côtes du Lot. Or, cette année, nous ne disposons que de 25 000 hl, déplore Ingrid Dauzats, responsable marketing de Vinovalie, la société de commercialisation des caves des Côtes d'Olt, de Rabastens et Técou (Tarn) et de Fronton (Haute-Garonne). L'AOC et l'IGP sont également touchées. Nous ne gérons plus les choses comme avant, lorsque nous vendions ce que les viticulteurs produisaient. Notre approche est différente. Nous demandons à nos adhérents de produire en fonction de nos prévisions de vente. Cette année, pour la première fois depuis dix ans, nous allons manquer de produit. »

Cette situation fait grimper les cours en flèche. Début décembre, ils avaient déjà pris entre 20 et 30 %. « Le cahors vrac était à 120 €/hl à la mi-décembre, alors qu'il s'achetait 100 €/hl à peine un an plus tôt, indique Christian Jouves. Si les prix augmentent trop, nos clients iront se fournir auprès d'autres appellations. Et l'année prochaine, si nous avons de nouveau une belle récolte, nous ne saurons plus à qui la vendre. »

« Les opérateurs qui cherchent des prix bas ne trouveront pas. Les marchés qui ne pourront pas assumer une hausse de 20 % disparaîtront », assure Bertrand Vigouroux.

120 €/HL

C'est le prix atteint par le cahors sur le marché du vrac à la mi-décembre, contre 104 €/hl de prix moyen pendant la campagne 2012-2013. L'interprofession estime qu'il dépassera 130 €/hl en janvier. Le négoce redoute de perdre des marchés.

Le Point de vue de

Jean-Jacques Bousquet, domaine de la Garde, à Labastide-Marnhac (Lot), 16 ha en AOC Cahors et Coteaux du Quercy

« Grâce à mes stocks, je vais pouvoir servir mes clients »

Jean-Jacques Bousquet © MÉDIA-CREATION.FR/DOMAINE DE LA GARDE

Jean-Jacques Bousquet © MÉDIA-CREATION.FR/DOMAINE DE LA GARDE

« Mon domaine est très éparpillé. La probabilité qu'une grande superficie soit grêlée est minime. Pour cette raison, je n'étais pas assuré. Mais il a presque entièrement été grêlé en juin dernier, juste avant la floraison. C'est la première fois que cela m'arrive. Avec cette catastrophe, ajoutée au fait qu'il y avait moins de grains que d'habitude sur les grappes et que celles-ci étaient plus petites, je n'ai récolté que 10 % de ce que j'obtiens en année normale, soit 70 hl, au lieu de 600 à 700 hl. Je ne fais pas de rendements excessifs, car je privilégie la qualité. Je vends mes millésimes sur trois à quatre ans. Heureusement, je fais très attention à la gestion de mes stocks afin de pouvoir servir ma clientèle de particuliers et de restaurateurs les années difficiles. 2011 est un très bon millésime en volume et en qualité et 2012 a été moins abondant, mais la qualité y est. Normalement, grâce à mes stocks, je devrais pouvoir servir tous mes clients. Cette année, les rosés et les blancs sont corrects. Les rouges sont fruités et agréables, mais ne feront pas de vins de garde haut de gamme. Il faudra les boire dans quatre à six ans, pas plus. Ces petits volumes auront des conséquences sur ma comptabilité dans trois ans, lorsque je commencerai à vendre le millésime. Mais la grêle a d'ores et déjà un impact, car elle nous oblige à passer plus de temps dans les vignes pour tailler. L'an dernier, après l'orage de grêle, j'ai aussi dû faire un traitement supplémentaire à la bouillie bordelaise. »

Cet article fait partie du dossier Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

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