Didier Arrouart, responsable de la cuverie chez Perrier-Jouët, utilise des nopompes 180. Ce modèle possède un débit théorique de 25 à 250 hl/h et coûte environ 10 000 euros. Trois autres modèles sont disponibles : l'OEP 90 au débit théorique de 10 à 130 hl/h (8 000 euros), l'OEP 340, de 30 à 450 hl/h (13 000 euros), et l'OEP 600, de 100 à 600 hl/h (16 000 euros). PHOTOS G. PASQUIER
Les lobes hélicoïdaux de cette pompe font son originalité car ils assurent un flux sans à-coups. Ils sont en EPDM (éthylène-propylène-diène monomère), un matériau garanti sans phtalates.
Deux présostats (en bleu et en rouge) permettent de stopper la pompe lorsque la pression dans le circuit d'aspiration ou de refoulement augmente trop. La limite est fixée à 1,9 bar en usine, sachant que la pompe peut monter jusqu'à 8 bars de pression. Les utilisateurs peuvent augmenter ou réduire la limite fixée en usine en fonction de leur utilisation.
Ce lundi 13 janvier, Éric Trichard, le chef adjoint de la cave de Perrier-Jouët, à Épernay (Marne), nous attend pour nous présenter l'nopompe, de la société PMH vinicole. La maison champenoise en a acheté trois en 2013. Jusqu'alors, elle n'utilisait que des pompes à membrane pour transférer ses vins... L'nopompe, elle, est à lobes hélicoïdaux.
En 2009, lors du lancement de cette pompe, PHM expliquait que, grâce à ces lobes, elle assurait un flux continu et évitait ainsi de brasser le vin. Nous avons voulu vérifier cela. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui a conduit Perrier-Jouët à investir dans ce matériel. Mais ce n'est pas la seule. « Nous avons des chais très éloignés les uns des autres », indique Éric Trichard. Il estime que le vin peut parcourir 150 m lors d'un transfert. Il fallait donc une pompe qui s'amorce de très loin. « Lorsque les pompes à membrane que nous avons sont très éloignées de la cuve à vider, il faut les régler au débit maximum pour qu'elles amorcent l'aspiration. » Cela crée de gros à-coups dans les tuyaux, ce qui provoque « des phénomènes de cavitation. Ils engendrent inévitablement des dissolutions d'oxygène dans le vin ». Difficile de s'en satisfaire pour la célèbre maison de Champagne. Il y avait bien les pompes péristaltiques pour résoudre ces problèmes, mais leur coût élevé a orienté Éric Trichard vers l'nopompe, qui coûte environ 10 000 euros pour le modèle OEP 180.
Perrier-Jouët en a donc acheté trois en 2013. « On s'en est servi pour les vendanges ainsi que pour les soutirages de novembre et on les utilise actuellement pour les pré-assemblages », détaille Didier Arrouart, responsable de la cuverie. À l'entrée du cuvier principal, une pompe à membrane transfère le vin d'une grosse citerne située à l'extérieur du bâtiment jusque dans une cuve. « Regardez, cette pompe fait des à-coups », montre Didier Arrouart. En effet, le tuyau subit de fortes impulsions. En plus, « les tuyaux que nous avons actuellement sont plus fragiles que les anciens, sûrement à cause de l'absence de phtalates. Ils se percent plus facilement. Ils s'useront sans doute moins avec une pompe délivrant un débit régulier et sans à-coups », ajoute-t-il.
Dans le cuvier le plus récent de Perrier-Jouët, l'une des nopompes est en marche. Elle transfère le vin d'une cuve d'assemblage de 3 100 hl située dans un autre chai à plusieurs dizaines de mètre de là dans une cuve de 290 hl. Et là, aucun à-coup. On pose la main sur le tuyau d'aspiration et de refoulement : rien ne bouge ! Pourtant, le circuit en aval de la pompe passe par un tuyau souple de 50 mm, puis dans une tuyauterie en inox de 70 mm pour revenir dans un tuyau souple de 50 mm.
Avant d'acquérir ce matériel, les cuvistes devaient installer deux pompes en série pour pouvoir réaliser un tel transfert. Aujourd'hui, une seule est nécessaire, mais avec un débit plus faible : « 140 hl/h », a calculé Didier Arrouart. Pourtant, le variateur de vitesse de la pompe indique 80 %. Le débit devrait donc être de 200 hl/h. « Mais, avec les pertes de charges dans le circuit, la pompe fonctionne à un débit réel plus faible que le débit théorique », souligne Didier Arrouart. Il tourne alors le variateur électronique de la pompe pour nous montrer que la vitesse du moteur augmente et diminue très progressivement. Mais le débit ne peut pas descendre en dessous de 25 hl/h. Il est donc impossible d'entonner avec l'nopompe 180. À la fin d'un transfert, « le corps de pompe se vide très bien, note Didier Arrouart. Il suffit de faire passer de l'eau pour la rincer ».
Avant d'investir dans ces pompes, Perrier-Jouët s'est fait prêter une OEP 180 en mai 2013 pour la tester. « Nous avons comparé dans les mêmes conditions l'nopompe et l'une de nos pompes à membrane », rapporte Émilie Langleron, responsable des innovations oenologiques de Perrier-Jouët. Elle a mesuré l'oxygène dissous dans un vin avant et après transfert avec chacune des pompes, lorsque celles-ci étaient positionnées à proximité ou à 50 m de la cuve à vider. Résultat, l'nopompe dissout 0,2 mg/l d'oxygène dans le vin lorsqu'elle est positionnée tout près de la cuve, alors que la pompe à membrane en dissout 1 mg/l. À 50 m de l'aspiration, la première dissout 0,5 mg/l et la seconde 1,7 mg/l. L'nopompe oxygène donc moins le vin.
Émilie Langleron a également déterminé les décibels produits par chacune des pompes, car Perrier-Jouët est certifiée OHSAS 18001* et, selon la législation, lorsque le bruit dans le cuvier dépasse 80 décibels (dB), les cuvistes doivent porter des protections auditives. Elle a mesuré 86 dB pour la pompe à membrane et 90 dB pour l'nopompe à leur débit maximal de 250 hl/h.
Ces résultats ont convaincu Éric Trichard et Didier Arrouart, puisque la maison Perrier-Jouët a investi dans ce matériel. Seul petit bémol, lors de notre venue, la télécommande censée contrôler la pompe à distance ne fonctionnait pas en raison d'un problème électronique. Nous n'avons pas pu la tester, mais le problème a été résolu depuis.
*La norme OHSAS (Occupational Health and Safety Assessment Series) 18001 définit les exigences relatives aux systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail. Source Afnor.
Le Point de vue de
PHILIPPE DAGUISY, RESPONSABLE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT EN OENOLOGIE À LA CAVE DE DIE-JAILLANCE (1 100 HA), À DIE (DRÔME)
« Les tuyaux ne s'usent plus »
« Nous avons actuellement sept nopompes 340. Cette année, nous allons en acheter deux supplémentaires. Nous remplaçons nos pompes à piston par ce nouveau matériel car il permet d'atteindre des débits plus élevés tout en préservant les tuyaux. Lorsque nous faisions tourner les pompes à piston à 200 hl/h, il y avait des à-coups dans les tuyaux, ce qui les faisait frotter sur le sol, les usait et les fragilisait au niveau du collier. Ce n'est pas le cas avec les nopompes. Nous pouvons atteindre des débits de 350 à 450 hl/h en brassant moins le vin. Nous nous en servons même pour le détartrage des cuves, car le constructeur garanti qu'il est possible d'utiliser jusqu'à 30 % de soude dans cette pompe. Au bout d'un an d'utilisation, nous avons contrôlé les rotors et ils étaient impeccables. En revanche, le fait qu'elles ne tiennent pas la gravité est un inconvénient. C'est-à-dire que le vin peut redescendre lorsqu'on arrête la pompe dans une cuve. C'est pour cela que nous avons pris l'option d'équiper l'une d'elles d'une vanne motorisée antiretour. Pour la vidange, il y a des robinets de purge. Mais après avoir purgé, il peut rester un peu de liquide dans la chambre à rotor. Pour l'éliminer, nous faisons passer de l'eau en mettant la pompe à fond. Ça nettoie bien. Le constructeur la garantit deux ans et nous pensons l'amortir en cinq ans. »