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VIN - POUR APPROFONDIR

Le potassium Un élément déterminant de la vivacité des vins

GRÉGORY PASQUIER - La vigne - n°263 - avril 2014 - page 52

Le potassium est indispensable à la vigne pour réguler l'acidité de ses cellules. Il s'accumule dans les baies pendant la maturation, puis s'élimine avec le tartre durant la vinification. De sa concentration dépend le pH, donc l'acidité des vins.

Qu'est-ce que c'est ?

Le potassium est le principal élément minéral de la vigne. Il représente 50 à 95 % de la matière minérale des moûts et des vins et sa concentration varie entre 0,1 et 3 g/l.

À quoi sert-il pour la vigne ?

Il intervient dans la régulation de l'acidité et donc du pH des cellules végétales par son rôle dans la « salification des acides », indique Thibaut Déplanche, ingénieur agronome et oenologue du laboratoire Celesta-lab, à Mauguio (Hérault). C'est-à-dire qu'il s'associe avec les principaux acides (notamment l'acide tartrique) synthétisés par la plante pour les neutraliser.

Cette régulation évite à la cellule végétale de s'intoxiquer. Le potassium est également impliqué dans la régulation de l'absorption d'eau par les racines, dans le fonctionnement des stomates des feuilles et dans l'activation de systèmes enzymatiques.

Pourquoi en trouve-t-on dans les raisins ?

Car il intervient également dans la migration des sucres. Il se fixe aux glucides synthétisés dans les feuilles et permet leur transfert jusqu'aux baies. « En absence de potassium, les sucres issus de la photosynthèse ne sont pas évacués des feuilles, il y en a donc moins dans les raisins », explique Alain Kleiber, ingénieur conseil du laboratoire LCA, à Blanquefort (Gironde).

Ce transfert - dénommé translocation - s'effectue majoritairement la nuit et dépend des écarts thermiques entre le jour et la nuit. « Classiquement, on considère que des écarts entre 8 et 10°C sont optimaux, mais ce n'est pas une règle absolue », poursuit l'ingénieur. Le raisin s'enrichit donc en potassium au cours de la maturation à un rythme proche de l'enrichissement en sucres.

De quels facteurs dépend la teneur en potassium des raisins ?

Ils sont nombreux. La richesse et la disponibilité en potassium du sol en est un. « D'une façon générale, plus le sol a une capacité de rétention hydrique importante, c'est-à-dire une capacité d'échange cationique (CEC) élevée, meilleure sera l'alimentation en potassium de la vigne », observe Alain Kleiber. « Les sols argileux ont une CEC élevée. Ils retiennent bien l'eau. Ils fournissent donc potentiellement plus de potassium que les sols sableux », renchérit Thibaut Déplanche.

Les autres éléments minéraux jouent également un rôle. Lorsque le calcium, le magnésium ou le sodium sont en excès, le potassium est moins assimilé, et inversement. C'est ce que l'on appelle, « un antagonisme cationique direct », précise Alain Kleiber. Du côté des porte-greffes, le fercal, le 99R et le 110R assimilent mieux le potassium que le 41B, le 3309C ou le 420A. L'enherbement mal contrôlé peut concurrencer la vigne pour l'alimentation hydrique. Cela peut réduire l'absorption du potassium et diminuer sa teneur dans les moûts. Au contraire, un mauvais éclairement du feuillage favorise l'accumulation de potassium dans les raisins.

Le climat joue-t-il un rôle ?

Oui. « La nutrition en potassium de la vigne est très liée aux conditions climatiques », prévient Alain Kleiber. Un flux d'eau suffisant et régulier est nécessaire pour que le potassium soit véhiculé jusqu'au raisin tout au long de la maturation. Des pluies abondantes à l'approche des vendanges accélèrent ce transfert. C'est certainement à cause de cela que « les teneurs en potassium trouvées dans les moûts en 2013 à Bordeaux (Gironde) sont très importantes », affirme Thomas Duclos, oenologue à Libourne. Généralement, il en trouve 0,8 à 1,2 g/l. Cette année, il a dosé des quantités proches de 2,5 g/l.

À l'approche de la maturité, un autre phénomène peut se produire : les décharges potassiques. « Elles sont induites par un stress thermique, expose Tatiana Paricaud, ingénieure agronome au laboratoire Dubernet, à Montredon-des-Corbières (Aude). Elles consistent en une migration du potassium accumulé dans les organes végétatifs vers les baies. »

Le dosage du potassium est-il utilisé pour suivre la maturation ?

« Certains clients le demandent », assure Thomas Duclos, pour décider de leur date de récolte. En effet, plus le potassium est élevé, plus les raisins doivent être ramassés tôt si l'on veut conserver une acidité soutenue dans les vins. « Avec 0,8 g/l, on a un peu de marge. Autour de 1,2 à 1,3 g/l, l'acidité des moûts va baisser et le pH augmenter », décrit-il.

Quel impact a-t-il sur l'acidité et le pH des moûts et des vins ?

Il salifie et donc neutralise les principaux acides des moûts et des vins que sont les acides tartrique, malique ou lactique. Des raisins riches en potassium donnent des vins au pH haut.

Quel est l'effet des opérations préfermentaires ?

« Les débourbages à basse température ont tendance à diminuer la teneur en potassium des moûts », selon Thomas Duclos. L'éraflage aussi puisque « les rafles sont riches en potassium », complète Thibaut Déplanche. En revanche, la macération pelliculaire favorise la dissolution de potassium dans le moût puisqu'il est surtout localisé dans la pellicule. « Plus on presse, plus le pH augmente, car des minéraux sont libérés, notamment le potassium », continue Pierre-Louis Teissedre, professeur à l'Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux.

Cette hausse du pH est parfois contrôlée au cours du pressurage des raisins blancs pour séparer les premiers jus des derniers. Toutes les opérations qui triturent la vendange augmentent la teneur en potassium des moûts. Certains instituts de recherche dosent même le potassium pour évaluer la trituration de leur matière première.

Sa concentration diminue-t-elle au cours de la vinification ?

Oui. Le potassium forme, avec l'acide tartrique, de l'hydrogénotartrate (ou bitartrate) de potassium (KHT), le principal constituant des dépôts de tartre. Or, ce sel, soluble dans l'eau, l'est beaucoup moins dans l'alcool. De ce fait, il précipite au cours de la fermentation alcoolique. Mais ce phénomène dépend aussi d'autres composants des vins. Les composés phénoliques s'y opposent. C'est pour cela qu'un vin rouge contient généralement plus de potassium qu'un blanc. L'élevage sur lies limite également la précipitation de bitartrate de potassium.

La concentration en potassium diminue également lors de la stabilisation des vins vis-à-vis des précipitations tartriques ou des traitements visant à réduire leur pH (électrodialyse ou résines échangeuses d'ions). À l'inverse, le métabisulfite de potassium ou le carbonate de potassium apporte du potassium. Mais en quantités insuffisantes pour revenir aux teneurs initiales.

A-t-il un impact sur le goût du vin ?

Oui. « Chaque constituant minéral peut avoir un impact gustatif », atteste Pierre-Louis Teissedre. « Une teneur élevée en potassium est associée à un pH haut. Cela se traduit par des vins qui sont lourds en bouche, avec un côté un peu salin qui est parfois écoeurant », rapporte Thomas Duclos.

A-t-il un impact sur la santé ?

Les besoins journaliers en potassium se situent entre 0,5 et 5 g selon l'âge des sujets. « C'est un diurétique », remarque Pierre-Louis Teissedre. C'est une substance qui augmente l'excrétion d'eau par les reins, et donc la production d'urine. « Les gens hypertendus ont besoin d'avoir un ratio potassium/sodium favorable au potassium », soutient Pierre-Louis Teissedre.

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