DE NOMBREUX CHERCHEURS travaillent sur les thiols variétaux naturellement présents dans les raisins et les vins. « Mais, dans nos études, nous avons recherché d'autres sources de thiols », explique Roberto Larcher, chercheur à l'Institut agricole de San Michele all'Adige (Italie). Et il en a identifié une plutôt étonnante : les tanins commerciaux.
Dans ces additifs, il a trouvé les précurseurs du 3-mercaptohexanol (3MH) et de l'acétate de 3-mercaptohexyle (A3MH), les molécules responsables des odeurs de fruits exotiques des vins. Le chercheur, qui a analysé une soixantaine de préparations commerciales, précise qu'il retrouve principalement ces précurseurs dans les tanins issus du raisin. Il montre même que les tanins de pellicules sont plus riches que ceux de pépins. « Nous avons trouvé des teneurs moyennes de 10,1 mg/kg de GSH-3MH (précurseur du 3MH et de l'A3MH lié au glutathion, NDLR) et de 9,1 mg/kg de Cys-3MH, (précurseur du 3MH et de l'A3MH lié à la cystéine) dans les tanins de pellicule et 0,61 mg/kg de GSH-3MH et 0,40 mg/kg de Cys-3MH dans ceux de pépins. » Le chercheur suppose également que les teneurs de ces molécules « semblent dépendre de la variété de raisin à partir de laquelle les tanins sont extraits ».
Cette découverte ouvre de nouvelles possibilités pour renforcer l'arôme tropical des vins. Dans une seconde étude, le chercheur a fait fermenter des moûts de müller-thurgau, un cépage blanc allemand, et de sauvignon blanc avec ou sans ajout de tanins commerciaux de raisin. « Comme prévu, les moûts additionnés de tanins sont plus riches en précurseurs d'arômes et ont produit des vins contenant plus de thiols », indique Roberto Larcher. Les tests sensoriels réalisés ensuite ont confirmé, en particulier pour le sauvignon, que les vins fermentés avec des tanins possèdent des notes fruitées plus intenses que les vins témoins. « Ce résultat confirme que l'addition de tanin de raisin avant la fermentation peut augmenter le niveau des molécules aromatiques dans les vins », conclut-il.
Des thiols dans le gamay
L'IFV-SICAREX Beaujolais et l'université Jules Guyot, en Bourgogne ont dosé deux thiols, le 3MH et l'A3MH, dans des vins de gamay. « Nous nous sommes intéressés à ces molécules car il a été montré qu'elles contribuent à l'arôme de cassis de certains vins rouges », raconte Bertrand Chatelet, oenologue à l'IFV de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Il a donc voulu savoir si ces thiols pouvaient être responsables de cet arôme dans certains beaujolais. « Un panel de quinze experts a dégusté 25 beaujolais nouveaux », explique-t-il. Ils en ont sorti cinq vins marqués par l'arôme de cassis et cinq qui ne l'étaient pas. Ces dix vins ont ensuite été analysés. Dans ceux marqués par l'odeur de cassis, Bertrand Chatelet a pu trouver des niveaux de 400 à 500 ng/l de 3MH et 15 à 30 ng/l d'A3MH. « Il ressort que les vins possédant cet arôme de cassis possèdent les plus fortes teneurs en thiols, notamment en A3MH », conclut-il.