Cette histoire oppose un producteur de pommes à sa coopérative. Mais son enseignement est transposable à une cave viticole.
Voici les faits : le producteur de pommes adhère à une coopérative. Pour ce faire, il acquiert des parts de la société pour traiter et vendre environ cinq tonnes de fruits chaque année. Victime d'un terrible parasite qui ravage une partie de son verger, notre producteur entend réduire son engagement d'apport et obtenir le remboursement d'une partie de ses parts. On peut imaginer qu'un viticulteur contraint d'arracher une parcelle touchée par la flavescence dorée réagirait pareillement. Notre arboriculteur exprime sa volonté par un simple courrier, le 25 septembre 1999. La coopérative ne lui répond pas. Puis, le 30 avril 2003, il signifie à la coopérative son intention de se retirer de la société au terme de l'expiration de la période d'engagement, fixée au 31 décembre 2004. Là encore, aucune réponse de la coopérative. En janvier 2007, l'exploitant assigne la coopérative pour obtenir le remboursement de ses parts puisqu'elle ne s'est pas opposée à son départ. Malheureusement pour lui, le tribunal comme la cour d'appel vont rejeter sa demande.
Il intente alors un pourvoi en cassation, qui aboutira par un arrêt rendu le 10 avril 2013. L'examen de ce document montre que le conflit juridique reposait sur deux interprétations différentes des faits.
Tout d'abord, l'agriculteur soutenait que la coopérative avait accepté tacitement la diminution de ses apports. La coopérative argumentait au contraire qu'il ne fallait voir dans son absence de réponse qu'une simple tolérance temporaire.
Par ailleurs, l'exploitant considérait qu'il avait parfaitement exprimé sa volonté de mettre un terme au contrat le liant à la coop dans sa lettre du 30 avril 2003. Pas du tout, assurait la coop qui faisait valoir que, faute d'une véritable démission non équivoque, le contrat s'était poursuivi par tacite reconduction.
La cour suprême, avec des motifs peu clairs et de pur fait, a considéré qu'il y avait bien poursuite du contrat initial. Elle a estimé que la demande de diminution du nombre de parts - restée sans réponse de la coopérative - ne pouvait s'apparenter à une dénonciation du contrat. En conséquence de quoi, le contrat initial s'est poursuivi par tacite reconduction.
La cour a aussi rejeté l'argument de l'avocat de l'agriculteur selon lequel il était injuste que son client se soit vu appliquer une compensation sur la valeur de ses parts.
La Cour de cassation est allée jusqu'au bout de sa logique : l'agriculteur n'ayant pas signifié son retrait à la date réglementaire, il est normal que la coopérative ait fait jouer la compensation.
Mais la cour suprême, jugeant en fait, a omis l'article R. 522-4 du code rural qui traite du départ d'un associé en cours d'engagement. Ce texte dispose que « nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant l'expiration de sa période d'engagement [...] sauf en cas de force majeure ». Dans ce cas, le coopérateur peut demander son retrait au président du conseil d'administration par courrier recommandé avec accusé de réception. Le conseil a trois mois pour lui répondre. Sa décision peut faire l'objet d'un recours devant l'assemblée générale et, bien sûr, devant le TGI.
On l'aura compris, la forme et le fond sont essentiels entre la coopérative et le coopérateur. L'associé qui veut se retirer ne peut le faire qu'à l'échéance de la période d'engagement fixée par les statuts et par lettre recommandée avec accusé de réception. S'il entend quitter la coopérative avant cela, ce ne peut être qu'en cas de force majeure et il doit obtenir l'autorisation du président de la coopérative avec le contrôle du conseil d'administration et de l'assemblée générale.