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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Coopérative, comment te dire adieu ?

JACQUES LACHAUD - La vigne - n°290 - octobre 2016 - page 67

Un adhérent ne peut pas se désengager d'une coopérative en annonçant simplement qu'il diminue ses apports, même de manière draconienne. Il faudra une démission en bonne et due forme pour pouvoir être remboursé de ses parts sociales.

Adhérer à une coopérative ne se décide pas à la légère. Et, comme le rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2013, en sortir non plus.

Monsieur Pépin avait adhéré à la coopérative Dujus le 1er mars 1985, à hauteur de 12 586 parts, en proportion de ses apports. Quatorze ans plus tard, le producteur se voit contraint de réduire drastiquement ses apports. Il le notifie à Dujus dans une lettre du 25 septembre 1999. Puis il continue à fournir sa coopérative, mais dans la petite mesure de ses moyens. Ce n'est que le 30 avril 2003 qu'il annonce vouloir définitivement se retirer. Il en informe la coopérative et à l'échéance de sa période d'adhésion, à savoir le 31 décembre 2004, est effectivement considéré comme démissionnaire.

C'est le début de l'affaire. Estimant avoir partiellement quitté la coopérative en 1999, à la suite de la réduction de ses apports, Pépin exige le remboursement des parts correspondantes. La loi donne un délai maximum de cinq ans aux coopératives pour ce remboursement. Pépin espérait ainsi récupérer dès, 2004, 11 386 parts sur les 12 586 engagées en 1985. Mais, pour la coopérative, sa démission ne date que de 2004. Pépin l'assigne en justice. Il sera débouté par le tribunal de grande instance puis par la cour d'appel avant de se pourvoir en cassation. Et de perdre à nouveau.

Toute la question est de savoir à quel moment Pépin s'est effectivement désengagé. Un adhérent coopérateur est soumis aux statuts de la coopérative, lesquels sont régis par le code rural (articles L 521-1 et suivants). L'adhésion y est prévue pour une durée précisée dans les statuts, en général cinq ans. Sans demande de départ du coopérateur, celle-ci est tacitement renouvelée. Le retrait anticipé est possible pour des cas de force majeure ou de transmission, et suivant des procédures bien établies. En l'espèce, la coopérative Dujus prévoit deux occasions de quitter le groupement : l'exclusion et la démission à l'échéance du contrat, c'est-à-dire tous les cinq ans.

En dehors de ces solutions, elle ne prévoyait pas de retrait partiel en cas de réduction des apports, comme le rappelle la cour d'appel de Nîmes dans son arrêt confirmatif du 27 octobre 2011.

Pour les avocats de Pépin, le courrier de septembre 1999 dans lequel il informe la coopérative de la nécessité de réduire ses apports vaut « nouvel accord tacite » avec la coopérative. Ils en veulent pour preuve le fait que celle-ci n'a pas réagi à son courrier. Mais pour la Cour de cassation, le défaut de réponse de la coopérative représente, au mieux, une « tolérance de fait ». Si Pépin avait voulu modifier son contrat, il aurait dû le faire savoir à l'échéance de celui-ci, soit le 31 décembre 1999. Le juge d'appel, dans son arrêt, évoque même les conséquences qu'aurait eues une telle demande : « En ce cas, la coopérative aurait dû réduire le nombre de parts sociales attribuées à Monsieur Pépin, en fonction des apports limités que celui-ci avait annoncés, ce qui n'a pas été fait par la coopérative ni réclamé par l'adhérent. » Pépin n'a ni démissionné à l'échéance de son contrat d'adhésion, ni même exigé à cette occasion un nouveau contrat dans lequel le nouveau volume aurait été indiqué noir sur blanc. Il n'a même pas précisé à quelle hauteur se feraient ses futurs apports. Il a tout simplement continué à apporter moins qu'initialement prévu. Cette négligence empêchait la coopérative de modifier son contrat. Tout cela démontre bien le caractère « unilatéral » de la décision de Pépin.

La Cour de cassation confirme donc les précédents jugements et déboute Pépin de sa demande en considérant que sa démission ne sera totale et définitive qu'au 31 décembre 2004. Il a donc dû patienter pour récupérer la totalité de ses parts.

Cour de cassation 10 avril 2013, n° 12-11725

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