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GÉRER

« On ne naît pas leader, on le devient »

PROPOS RECUEILLIS PAR AUDE LUTUN - La vigne - n°265 - juin 2014 - page 67

Consultante en management, Stella Hans estime que les chefs d'exploitation doivent apprendre à mieux communiquer avec leurs salariés pour gagner en efficacité.
STELLA HANS, formatrice en relations humaines et en management

STELLA HANS, formatrice en relations humaines et en management

Stella Hans conseille et forme les dirigeants depuis plus de vingt-cinq ans. Longtemps intervenante au CRFPS (Centre de formation des exploitants agricoles et viticoles) de Reims (Marne), elle est désormais indépendante. Elle incite les vignerons à assumer leur rôle de manager en évitant de fuir devant les conflits et en développant une communication constructive avec leur équipe.

Vous animez une formation intitulée « On ne naît pas leader, on le devient ». Peut-on vraiment se former à devenir leader ?

Stella Hans : Les Français, et notamment les exploitants agricoles, pensent que le management est inné. C'est faux ! Les viticulteurs sous-estiment le volet relations humaines de leur exploitation. Pour eux, les priorités sont la vigne et la commercialisation. Il est important, pour être efficace et productif, d'être entouré de personnes compétentes. Mais le principal outil pour être un vrai leader est la communication.

Concrètement, comment être un bon leader sur son exploitation ?

S. H. : Cela commence par le recrutement. Il faut prendre le temps d'identifier les besoins de votre domaine. Cela passe par la rédaction d'une fiche de poste, qui permettra de trouver le bon profil. Très peu de vignerons le font. Pourtant ce travail permet de cadrer l'emploi et de rédiger une annonce précise. Lors de l'entretien d'embauche, il faut valoriser votre exploitation et faire comprendre au candidat qu'il va participer à l'élaboration d'un produit très qualitatif, votre vin.

Une fois que le salarié est embauché, que conseillez-vous ?

S. H. : Le vigneron a tendance à penser que l'intégration va se faire toute seule. Or, il faut accompagner le nouveau salarié dans toutes ses tâches et discuter avec lui de ce qui va et de ce qui pourrait être amélioré. L'intégration dure au moins trois mois. Il faut aussi veiller à ce que les relations soient saines avec le reste de l'équipe. Cela passe par une définition claire des missions de chacun.

Comment mieux communiquer au quotidien ?

S. H. : Une bonne communication passe par certains fondamentaux comme dire bonjour et sourire. Il faut être à l'écoute tout en évitant le copinage et l'assistanat social. Animer une équipe suppose de clarifier les rôles de chacun et d'individualiser son management, car nous n'avons pas tous les mêmes besoins. L'équité est un point important à surveiller car l'injustice crée de l'animosité. En cas de conflit, il faut éviter de prendre la fuite. C'est de la responsabilité du dirigeant de le gérer. Et souvent, en posant un problème, sa résolution se passe beaucoup mieux que prévue.

Comment motiver les salariés ?

S. H. : Pour être motivé, un salarié a besoin d'un retour positif sur ce qu'il fait. Nous avons tous besoin de reconnaissance. Il y a des subtilités de langage à acquérir. On ne dit pas : « Tu n'es pas organisé », mais plutôt « Ton travail n'est pas organisé ». Ainsi, ce n'est pas la personne qui est jugée mais son travail. Si vous avez un salarié qui est constamment en retard, il est inutile de lui dire : « Tu es souvent en retard ». Il est beaucoup plus efficace de lui dire : « J'ai noté tes heures d'arrivée. Lundi, tu es arrivé à 7 h 32 et mercredi à 7 h 40. Je te paye à partir de 7 h 30 et tes collègues sont là à 7 h 30, donc, à partir de lundi prochain, tu arrives à 7 h 30. » Une règle d'or : se baser sur les faits et ne jamais faire de remarques devant des témoins.

Vous estimez que déléguer est le signe d'un bon leadership.

S. H. : Oui. C'est important d'être un bon tuteur et de savoir transmettre ses compétences. La confiance n'exclut pas le contrôle. L'exploitant se sent souvent indispensable. C'est vrai pour la gestion de l'exploitation, pour la stratégie, pour fixer une politique tarifaire ou développer ses ventes à l'export. Mais pas pour les tâches manuelles. Déléguer permet de se concentrer sur l'essentiel. Cela paraît simple, mais peu y parviennent car ils ont peur que la situation leur échappe.

Vous insistez beaucoup pour que les viticulteurs aient un entretien annuel avec chacun de leurs salariés. Pourquoi est-ce si important, même lorsqu'on n'a qu'un salarié ?

S. H. : Le viticulteur est en contact permanent avec son salarié et peut avoir l'impression que cet entretien formalisé et annuel n'est pas utile. Il a également peur que cela soit l'occasion pour son salarié de demander une augmentation. Pour éviter de « polluer » l'entretien, il faut que toute question relative au salaire soit proscrite. Cela pourra faire l'objet d'un échange ultérieur. L'entretien annuel est un moment privilégié d'une heure où l'on fait le point sur les faits positifs de l'année passée et sur les axes d'amélioration pour l'année qui vient : être plus attentif à la qualité de l'habillage des bouteilles, à l'intégration des saisonniers, etc. Bien mené, c'est un très bon outil de motivation. L'argent ne motive pas sur le long terme. Une prime fait plaisir sur le moment mais s'oublie vite. En revanche, un collaborateur n'oublie jamais que son employeur est sincèrement à son écoute.

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