Nicolas Tiedrez est conseiller en relations humaines au CDER (Centre départemental d'économie rurale) de la Marne. Il invite les employeurs à féliciter leurs salariés lorsqu'ils le méritent. Cela indique au salarié qu'il remplit correctement sa mission et renforce sa motivation. On gagne en efficacité et on favorise le climat relationnel.
Pourquoi est-ce important de féliciter ses salariés ?
Nicolas Tiedrez : Nous avons tous besoin de reconnaissance au travail. Cela nous donne confiance. C'est essentiel pour avancer. En incitant les employeurs à le faire, je leur suggère de soigner la relation humaine. C'est d'autant plus important avec les jeunes générations, qui ont une relation au travail différente.
Les jeunes auraient-ils davantage besoin d'être complimentés ?
N. T. : Oui, ils veulent avoir un retour sur leur travail, qu'il soit positif ou négatif. Ils ont vu leurs parents se faire licencier après vingt ou trente ans dans la même entreprise. Cela a créé une distance par rapport au monde du travail et à la notion de fidélité. Ils ont des exigences quant au bien-être et à l'intérêt de leurs tâches. Ils n'hésitent pas à partir si leur poste ne leur convient pas. En caricaturant, on pourrait dire que l'on est passé d'un monde où c'était au salarié de séduire son employeur au monde actuel où c'est à l'employeur de faire ses preuves pour garder un bon salarié.
Comment s'y prendre ?
N. T. : Il existe une règle absolue, la sincérité. Sinon, le compliment est contre-productif car il est perçu comme de la manipulation. Il faut bien connaître son salarié, sa personnalité et ses attentes. Pour cela, on peut prendre des informations de manière informelle le matin à l'heure de l'embauche, par des questions simples : « Comment ça va aujourd'hui ? », « Comment s'est passé le travail d'hier ? », « Tu es satisfait de la manière dont ça s'est passé ? », etc. C'est un moyen de connaître les critères de satisfaction du salarié. Nous n'avons pas tous les mêmes.
Il faut donc savoir s'adapter ?
N. T. : Si vous avez un collaborateur qui est dans le factuel et le concret, il faut le féliciter sur des faits : « Hier, tu as été efficace et précis en passant l'effeuilleuse, merci ». S'il est plus sensible aux relations humaines, il faudra privilégier, pour le même travail, des appréciations sur son comportement comme « Hier, tu as été complètement autonome pour l'effeuillage, merci. J'ai pu faire autre chose pendant ce temps-là ». Il est important d'utiliser « merci » et « bravo » à la bonne dose. Et surtout, il faut éviter d'enchaîner avec un « mais... » car il annule tout ce qui vient d'être dit !
Peut-on s'attendre à des changements dans l'entreprise ?
N. T. : Oui et assez rapidement. En adoptant ce style de management, on s'oblige à avoir un regard équilibré sur le travail de son salarié. Cet exercice évite de se focaliser sur ses défauts. Féliciter présente aussi l'avantage de donner plus de poids aux remarques négatives et à vos souhaits de voir le salarié évoluer sur certains points. Quand on commence à féliciter, il faut le faire régulièrement. C'est bien de le faire pour marquer des moments forts, à la fin de la taille, du palissage ou des vendanges. En louant votre salarié, vous l'aidez à être à la hauteur de ce que vous lui demandez.
Les compliments n'incitent-ils pas à demander une augmentation de salaire ?
N. T. : Si la question du salaire vient après un compliment, c'est que le salarié l'a déjà en tête. Autant qu'il en parle pour éviter les non-dits qui laisseraient la place à des interprétations. Avec les félicitations, j'indique à mon salarié qu'il remplit bien les missions prévues dans son contrat : « J'attends cela de toi et je te signale que je suis satisfait ». Si après un compliment, votre salarié vous suggère de lui verser une prime, vous pouvez lui répondre avec humour que ce compliment est une bonne nouvelle pour lui. Cela signifie que vous le gardez dans l'entreprise car il fait correctement son travail !
Quels sont les moments propices ?
N. T. : L'idéal est de féliciter le salarié très vite après l'action. Une ou deux phrases sincères suffisent. N'abusez pas des superlatifs ! L'entretien individuel annuel, qui est une obligation depuis 2014, est aussi un moment privilégié pour indiquer au salarié les points positifs de son travail. Il ne faut pas hésiter à lui demander s'il est satisfait des informations que vous lui transmettez, de votre disponibilité, etc. Le questionner sur le fonctionnement de l'entreprise ne retire rien à votre autorité. Féliciter est un moment agréable et chaleureux. Il faut savoir l'apprécier.