Ne boudons pas notre plaisir. Notre confrère « Decanter » vient de couvrir la France d'éloges, affirmant qu'elle a retrouvé sa suprématie sur la scène vitivinicole mondiale. Rien de moins. En juin, les producteurs et négociants français ont en effet remporté haut la main le concours qu'organise cette influente revue anglaise, le premier au monde par le nombre d'échantillons. Steven Spurrier, le président de l'épreuve, a même souligné que la suprématie de la France est « maintenant incontestable ». Venant de ce dégustateur hors pair, cette remarque est d'une profondeur particulière. Il avait en effet organisé une dégustation à Paris en 1976 restée célèbre car, pour la première fois, un chardonnay et un cabernet sauvignon californiens avaient battu les plus grands bourgognes et bordeaux.
C'était le coup d'envoi d'une interminable salve de flèches lancée depuis l'Angleterre contre la France du vin. Un jour, nos voisins nous accusaient d'être trop prétentieux pour prendre en compte le goût des consommateurs. Le lendemain, ils annonçaient que le Nouveau Monde nous avait dépassés. L'eau a coulé sous les ponts. Les producteurs français ont lourdement investi. Leurs rouges, blancs et effervescents sont toujours les plus recherchés, ceux pour lesquels les acheteurs mettent le plus haut prix. De ce point de vue, à l'exception de quelques cuvées, aucun pays ne nous surpasse. Non seulement la France a survécu aux critiques, mais elle a contre-attaqué. Ces dernières années, en Provence, elle a inventé un nouveau standard : le rosé sec, à la robe pâle et aux arômes éclatants. Oubliés les blushs californiens !
La France excellente en défense et brillante en attaque ; les critiques se taisent. Puissent les lauriers tressés par « Decanter » encourager les producteurs à aller de l'avant, à continuer à prendre des risques. Car le doute s'installe sur un autre terrain. Après un long matraquage d'une viticulture soi-disant productive et l'apologie des petits rendements, après deux petits millésimes, notre vignoble paraît manquer de jus. Alors que le monde entier recherche nos vins, nous avons bien du mal à fournir... Au point que nos exportations baissent. Les négociants alertent les producteurs de ce grave danger. C'est ensemble, en privilégiant leurs intérêts communs plutôt que leurs divergences, que les deux familles trouveront une solution.