Le laboratoire Celesta-lab, basé à Mauguio (Hérault), propose une caractérisation fine de la matière organique du sol et de son évolution à l'aide de cinq paramètres. Il distingue en premier lieu la matière organique libre de la matière organique liée. Puis il évalue la biomasse microbienne. Enfin, il mesure la quantité de carbone et celle d'azote potentiellement minéralisables.
Thibaut Déplanche, ingénieur agronome conseil chez Celesta-lab : « Cette approche nous permet de mieux comprendre la cause de certains phénomènes. Par exemple, nous constatons que l'assimilation du phosphore par la vigne est mieux corrélée avec l'activité biologique des sols (biomasse et capacité de minéralisation, NDLR) qu'avec leur richesse en phosphore, car la solubilisation du phosphore est extrêmement soumise à l'activité biologique. »
L'analyse commence par le fractionnement des matières organiques en deux parties selon leur granulométrie. Les éléments dont la taille est comprise entre 50 et 2 000 µm correspondent à la matière organique dite « libre ». Elle est la plus stimulante pour la vie des sols car elle fournit l'énergie - le carbone - nécessaire aux micro-organismes. C'est aussi celle qui se dégrade le plus rapidement.
La matière organique liée est constituée par la fraction inférieure à 50 µm. Elle est à la base de la stabilité structurale du sol. C'est une réserve à long terme. La majorité de l'azote fourni aux plantes par le sol provient de la minéralisation de cette fraction. Cette partie présente aussi les propriétés de fixation du cuivre et des produits phytosanitaires.
Le bon équilibre entre les deux fractions dépend de la nature du sol. « Pour améliorer la stabilité d'un sol sableux, pauvre en argile, il faut avoir près de 70 % de matière organique liée, explique Thibaut Déplanche. Si ce n'est pas le cas, je conseille d'apporter un compost très stable. Mais beaucoup d'autres éléments entrent en jeu comme l'état calcique, la biomasse microbienne et son activité. »
Le laboratoire complète donc son analyse par une évaluation de la biomasse du sol et de son activité. « La quantité de biomasse est très différente d'une région à l'autre, relève Thibaut Déplanche. Par exemple, en Champagne, 800 mg par kilogramme de sol sont une quantité normale alors qu'en Languedoc-Roussillon, on tourne régulièrement en dessous de 130 mg/kg de sol. La situation commence à devenir compliquée lorsque ce taux passe sous la barre des 100 mg/kg de sol. »
Cette biomasse est-elle vraiment active ? La mesure du carbone et de l'azote potentiellement minéralisables permet de répondre à cette question. Pour cela, le laboratoire place des échantillons de sol dans des bocaux à 28 °C. Au bout de quatre semaines, il mesure la quantité de carbone et d'azote consommés.
« Cette méthode nous permet de modéliser l'activité microbienne pour les six mois à venir », précise Thibaut Déplanche. La minéralisation du carbone informe sur l'activité microbienne. Celle de l'azote permet de prévoir la quantité de ce nutriment que le sol apportera à la vigne. Thibaut Déplanche relate qu'« une biomasse microbienne trop active révèle souvent un stress. Par exemple, un travail du sol trop important va la pousser à minéraliser du carbone pour produire de l'énergie et résister à ce stress ».
Ces analyses peuvent déboucher sur des conseils agronomiques précis. « Ainsi, la mise en place d'un enherbement peut être intéressante sur un sol à forte capacité de minéralisation de l'azote. À l'inverse, il pourrait se révéler trop concurrentiel dans les situations de faible minéralisation. Dans ce cas, mieux vaut semer un engrais vert à base de légumineuses. Nous pouvons aussi savoir s'il vaut mieux un apport minéral ou organique pour améliorer la nutrition de la vigne. »
Thibaut Déplanche insiste sur la nécessité d'avoir « une lecture multiparamétrique des analyses». Il souligne également que « ces analyses ne doivent pas remplacer les analyses classiques comme le pH, la réserve de minéraux... »
L'analyse complète coûte un peu plus de 200 euros, sans l'interprétation. Thibaut Déplanche travaille en paralèlle à l'amélioration du référentiel dans chacune des régions viticoles. Le laboratoire compte mettre au point très prochainement un bulletin simplifié avec une interprétation automatisée moins onéreuse.
Quand et comment prélever un échantillon de sol ?
L'échantillon analysé doit être caractéristique de la parcelle. Pour cela, Celesta-lab conseille de déterminer une zone représentative et homogène d'environ 60 m² comportant au moins quatre rangs de vigne. Les prélèvements, environ quinze carottes de 20 cm de profondeur, doivent être pratiqués dans l'interrang en évitant les zones compactées. Il faut également s'abstenir de prélever en période de stress hydrique ou thermique important, et le sol doit être ressuyé. C'est pourquoi le printemps et l'automne sont les saisons les plus appropriées. Enfin, il ne doit pas y avoir eu d'apport d'engrais ou d'amendement minéral au cours des trois derniers mois.
Trop peu d'azote minéralisable
« Nous sommes passés en bio en 2010 au Château Gassier. Dans ce cadre, nous avons voulu mener une réflexion sur l'état biologique de nos sols », relate Yves Tindon, responsable du développement durable du groupe Advini, propriétaire de ce château situé à Puyloubier (Bouches-du-Rhône). Avec Georges Gassier, l'exploitant, ils se sont alors tournés vers Celesta-lab pour connaître la dynamique de leurs sols. « Une parcelle de cinsault, sur un sol limoneux-argilo-sableux, a révélé un taux de matière organique libre satisfaisant. En revanche, ce sol présentait un déficit en matière organique liée. Ceci nous a poussés à épandre un amendement très stable de 1,5 tonne/hectare/an sur trois ans », explique Yves Tindon. Georges Gassier a opté pour le MV 100 de chez OvinAlp, riche en humus stable (Ismo = 0,83). « Sur cette même parcelle, le niveau de biomasse microbienne s'est révélé très satisfaisant avec près de 310 mg/kg de terre. L'indice de minéralisation du carbone était également très élevé, ce qui est cohérant avec le niveau de biomasse. Par contre, la quantité d'azote potentiellement minéralisable était juste correcte, voire légèrement insuffisante compte tenu du fait que notre vignoble est enherbé un rang sur trois », ajoute-t-il. Le Château Gassier compte refaire un bilan sur les capacités biologiques de son sol afin d'évaluer les conséquences de son apport organique.