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DOSSIER - La marche verte de la viticulture

Les acheteurs sur la réserve

CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°269 - novembre 2014 - page 50

Cavistes, négociants, grossistes et acheteurs de grandes surfaces constatent que les vins qui bénéficient d'une certification verte ne se vendent pas mieux, ni plus cher. Les démarches sont trop nombreuses et trop peu connues du grand public.
Didier Couturier, directeur vins et vignobles chez Ogier « Pas de demande commerciale pour ces certifications »

Didier Couturier, directeur vins et vignobles chez Ogier « Pas de demande commerciale pour ces certifications »

Marco Bertossi, caviste d'Art & Vin, à Castelnau-le-Lez (34) « Tous les vins que j'ai référencés sont issus de démarches respectueuses de l'environnement. »

Marco Bertossi, caviste d'Art & Vin, à Castelnau-le-Lez (34) « Tous les vins que j'ai référencés sont issus de démarches respectueuses de l'environnement. »

Yves-Dominique Ferraud, gérant de la société P. Ferraud & Fils, « Nous préférons mettre en avant notre marque. »

Yves-Dominique Ferraud, gérant de la société P. Ferraud & Fils, « Nous préférons mettre en avant notre marque. »

Vincent Galy, propriétaire du bar à vins Pléthore & Balthazar, à Lyon « Certains de nos clients les plus avertis nous interrogent à ce sujet. »

Vincent Galy, propriétaire du bar à vins Pléthore & Balthazar, à Lyon « Certains de nos clients les plus avertis nous interrogent à ce sujet. »

Stéphane Paillard, chef de produit vins tranquilles et effervescents chez Métro « Nous avons consacré aux "vins verts" quatre pages de notre catalogue. »

Stéphane Paillard, chef de produit vins tranquilles et effervescents chez Métro « Nous avons consacré aux "vins verts" quatre pages de notre catalogue. »

Denis Bonnet, category manager vins chez France Boissons « Nos clients restaurateurs ne sont pas prêts à payer plus pour des vins bénéficiant d'une labellisation. »

Denis Bonnet, category manager vins chez France Boissons « Nos clients restaurateurs ne sont pas prêts à payer plus pour des vins bénéficiant d'une labellisation. »

Gérard Bréjeon, chef de file associé vin de Système U « 80 % de notre gamme signée U est aujourd'hui Agri Confiance. »

Gérard Bréjeon, chef de file associé vin de Système U « 80 % de notre gamme signée U est aujourd'hui Agri Confiance. »

La réponse est « oui ». Oui, les acheteurs de la filière vin sont sensibles aux certifications environnementales. Mieux encore, ils connaissent la plupart d'entre elles, Terra Vitis, Agri Confiance et Vignerons en développement durable en tête. Mais leur intérêt s'arrête là. Ils ne sont pas convaincus en effet que ces certifications sont un plus commercial. En clair, ils constatent que les vins produits selon ces chartes et règles ne se vendent pas mieux auprès des consommateurs. C'est en tout cas l'avis de Marco Bertossi, le caviste d'Art & Vin, à Castelnau-le-Lez (Hérault).

Le consommateur ne connaît que le bio. « Exceptés le bio ou la biodynamie, les clients ne les connaissent pas, justifie-t-il. Toutefois, tous les vins que j'ai référencés dans ma boutique sont issus de démarches respectueuses de l'environnement car c'est dans ma philosophie. » Il propose quelques bouteilles estampillées Terra Vitis. Pour le reste, il s'approvisionne chez des vignerons en agriculture raisonnée ou qui couplent cette pratique à l'emploi d'une bouteille allégée, d'un bouchon en liège FSC... « Il y a tellement de sigles environnementaux que les gens s'y perdent », s'offusque-t-il. Dans son magasin, les bouteilles sont accompagnées d'une fiche signalétique avec l'AOC, le nom du domaine, le cépage et le prix. Il a ajouté la mention « vin bio » ou « agriculture raisonnée » pour les vins répondant à cette démarche ou se prévalant d'une certification environnementale. « Les clients comprennent mieux, d'autant que je suis là pour leur expliquer. »

Chez les négociants, c'est un peu la même chose. « La plupart de nos partenaires vignerons conduisent leurs vignes en agriculture raisonnée, annonce Didier Couturier, directeur vins et vignobles de la maison Ogier, à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse). Le respect de l'environnement fait partie de la philosophie de notre entreprise. Tous nos vignobles en propre sont d'ailleurs en bio. »

De là à recruter préférentiellement des vignerons arborant un label environnemental, c'est une autre affaire ! Ogier travaille avec un domaine du Ventoux certifié Terra Vitis. Mais ce dernier ne produit qu'un petit volume : 2 000 hl seulement.

« Il n'existe pas de demande commerciale pour ces certifications », argumente Didier Couturier. Lui aussi observe que les consommateurs sont ignorants à leur sujet. « Quand ils achètent une bouteille de vin, ils recherchent avant tout un bon rapport qualité-prix. »

La marque est déjà un gage de qualité. Yves-Dominique Ferraud, gérant de la société P. Ferraud & Fils, un négoce spécialisé dans les vins du Beaujolais et du Mâconnais, se montre encore plus catégorique. « Je ne veux pas de vins certifiés d'un label environnement au sein de notre gamme de produits !, lance-t-il. Cela nous obligerait à créer une seconde gamme spécifique et nous ne le souhaitons pas. » Il réalise les deux tiers de ses ventes à l'export et le reste en France chez des restaurateurs et dans des épiceries fines. « Nous mettons en avant notre marque, poursuit Yves-Dominique Ferraud. Elle est connue et représente un gage de qualité. D'ailleurs, nous vendons des domaines en bio, mais nous ne le revendiquons pas. »

Vincent Galy, le propriétaire du bar à vins Pléthore & Balthazar, à Lyon, le reconnaît également volontiers : « Les clients ont encore tendance à acheter un nom ou une marque, surtout quand il s'agit de champagne. » Il en a tenu compte quand il a constitué sa carte des vins et des bulles. Elle comporte 500 références et, régulièrement, le propriétaire la fait évoluer. Avec son équipe de trois sommeliers, il déguste toutes les semaines de nouveaux échantillons. « C'est le goût qui détermine nos achats, pas les certifications environnementales !, souligne-t-il. Certes, une demande se dessine, mais elle concerne surtout les vins bio et les biodynamiques. » Il réfléchit d'ailleurs à les signaler sur sa carte. Et pourquoi ne pas le faire un jour avec les vins bénéficiant d'un label environnemental ? « À condition de tous les regrouper sous un même terme », reprend Vincent Galy. Autant dire qu'il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

Il faut informer les clients sur ces différentes démarches. Stéphane Paillard, chef de produit vins tranquilles et effervescents chez Métro, essaie lui aussi d'éclairer la lanterne de ses clients, restaurateurs et cavistes. « Nous croyons en ces certifications environnementales, mais il faut clarifier leur approche », assène-t-il. Au printemps 2013, Métro a consacré quatre pages du catalogue qu'il envoie à ses clients aux vins bio, biodynamiques ou bénéficiant d'une certification environnementale. « Nous avons regroupé quatorze références sous la thématique le "Vin se met au vert" », indique Stéphane Paillard. Dans ce catalogue, il a défini les vins bio et biodynamiques et il a regroupé les vins issus de démarches Vigneron en développement durable, Agri Confiance, Bee Orchid - une marque de la coopérative UniVitis -, sous le libellé « L'agriculture raisonnée ». Malgré ses efforts, les résultats n'ont pas été à la hauteur de ses espoirs.

France Boissons, autre fournisseur du CHR, s'intéresse également à ces démarches. « Nous ouvrons plus facilement les discussions en vue d'un référencement avec les entreprises qui possèdent une certification comme les Vignerons de caractère, le Moulin de la Roque, les Vignerons du Mont Ventoux, les membres de Vignerons en développement durable, explique Denis Bonnet, category manager vins chez France Boissons. Et pour cause : ces labels sont le gage d'un suivi et d'un contrôle régulier des procédés de production au sein des entreprises. Ils renforcent la confiance de l'acheteur vis-à-vis de ses fournisseurs, même s'il effectue déjà régulièrement des audits et qu'il visite fréquemment les vignerons avec lesquels il travaille.

Pour autant, les vins certifiés ne sont pas assez valorisés. « Nos clients restaurateurs exploitent peu ces certifications car leurs propres clients ne les connaissent pas. Ils ne sont donc pas prêts à investir davantage dans ce type de vins que dans le reste de leur gamme, précise-t-il. Si ces bouteilles devaient coûter plus cher, nous ne pourrions pas absorber le surcoût. » La plupart des intervenants partagent cet avis.

Seul Système U fait exception. L'enseigne accorde un bonus aux vins certifiés Agri Confiance, un label qu'elle privilégie pour approvisionner ses marques de distributeur. Si elle n'en précise pas le montant, le label représente un enjeu de taille pour l'enseigne. « 80 % de notre gamme signée U est, aujourd'hui, Agri Confiance, souligne Gérard Bréjeon, chef de file associé vin de Système U. À terme, nous espérons atteindre 100 %. C'est un travail de longue haleine. Nous l'avons entrepris, il y a cinq ans, avec Coop de France qui encadre cette démarche. » Comme beaucoup d'autres enseignes, Système U s'implique dans le développement durable et le fait savoir à ses clients avec ce type d'offre. La démocratisation de ces certifications passe aussi par là.

LES CONSEILS

- Pour intéresser des acheteurs à votre démarche environnementale, rappelez-la systématiquement sur vos fiches techniques, vos dépliants, en-dessous de votre signature dans vos e-mails, voire sur vos étiquettes.

- Enrichissez vos courriers et documents d'accroche en expliquant très concrètement et en quelques mots vos actions et résultats. Exemple : cette année, nous avons planté une haie, mis en place des nichoirs pour les chauves-souris, économisé tant d'eau dans notre cave...

- Joignez le geste à la parole. Lorsque vous faites une animation en magasin, remettez aux consommateurs des dépliants sur papier recyclé, et voyez avec le caviste, s'il peut, ce jour-là, distribuer ses vins dans des sacs recyclables à vos couleurs.

L'essentiel de l'offre

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