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éditorial

Grand écart

PAR BERTRAND COLLARD, RÉDACTEUR EN CHEF DE LA VIGNE - La vigne - n°270 - décembre 2014 - page 5

Les commentateurs politiques ne manquent pas de souligner l'écart qui se creuse entre les élus et le peuple. Avec le vin, nous en avons un exemple flagrant. Pour les Français, il est le goût de la vie. Il rend le quotidien agréable et festif. Il alimente bien plus de conversations que le football pour lequel les médias entretiennent pourtant quantité de consultants et de journalistes. C'est ce que nous apprend un sondage de Vin & Société. À l'inverse, pour la majorité des politiciens, le vin est un produit avec lequel il faut garder de prudentes distances. En 1990, ils ont voté la loi Évin visant à interdire de faire des publicités séduisantes pour les boissons alcoolisées. Depuis, dans tous les domaines, ils ont pris quantité d'autres mesures du même acabit pour renforcer la sécurité du public, le protéger des dangers et des tentations de la vie quotidienne. Leurs initiatives ont abouti à une accumulation de règles, de normes et de mises en garde toujours plus pesantes. Elles ont rendu la vie plus sûre, mais pas plus heureuse, comme le montrent toutes les enquêtes sur le moral des Français.

Ces derniers font la part des choses. Ils connaissent les dangers d'une consommation excessive. Mais ils savent surtout que le vin contribue à des moments de bonheur partagés en famille ou entre amis. Les politiciens le savent sans doute aussi. Mais combien d'entre eux osent l'affirmer ouvertement en tribune ? Bien peu. À défendre le vin, ils redoutent de passer pour irresponsables, légers ou à la solde d'intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général. Ils sont pourtant les représentants d'un peuple qui continue de savourer l'art de vivre lié au vin. Comment s'étonner que les Français se détournent d'eux ?

Après avoir voté la loi Évin, nos élus ont décidé de soutenir l'Anpaa pour faire la police dans l'univers publicitaire. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'association veille au grain avec zèle. Elle a interdit aux Bourguignons de parler de la robe de leurs vins et aux Angevins de souligner que leurs cabernets se boivent jeunes. Elle vient d'attaquer le nouveau slogan des côtes-du-rhône : « Au goût de la vie ». La loi est tellement stricte que la formule semble bien illégale. Mais pour les Français, elle ne fait qu'affirmer une évidence. Encore une illustration de l'écart entre le grand public et ceux qui s'autoproclament les gardiens de sa sécurité.

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