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DOSSIER - Flavescence dorée : un parasite qui coûte cher

Flavescence dorée Un parasite qui coûte cher

DOSSIER RÉALISÉ PAR FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 18

Suivi de la cicadelle, traitements, prospection, arrachages : la lutte obligatoire contre la flavescence dorée a un prix. Seule manière de le réduire : prospecter les vignes en fin de saison pour repérer les foyers d'infection.
FLAVESCENCE DORÉE sur un cépage colombard avec jaunissement et phénomène d'enroulement des feuilles. © J.-B. LAFFITTE

FLAVESCENCE DORÉE sur un cépage colombard avec jaunissement et phénomène d'enroulement des feuilles. © J.-B. LAFFITTE

Traitements insecticides, prospection des vignes à la recherche de ceps suspects, etc., la facture de la lutte contre la flavescence dorée est lourde, surtout pour les viticulteurs bio qui paient au prix fort le seul insecticide autorisé pour leur vignoble. Mais cet investissement est nécessaire, car en cas de découverte d'un gros foyer, le viticulteur devra arracher les pieds touchés, voire la parcelle entière si plus de 20 % des ceps sont atteints. C'est ce qui est arrivé à Alain Carrère, installé dans les Pyrénées-Orientales. Il a dû éliminer 1,2 ha de cabernet-sauvignon. Cette parcelle produisait 12 800 cols, un volume qui va lui manquer pour servir ses clients comme il l'explique dans nos colonnes.

L'arrachage obligatoire est un coup dur pour tous ceux qui y sont contraints car ils ne peuvent compter sur aucune indemnisation. Seule la Bourgogne a créé un fonds de solidarité exceptionnel. « Avec 284 000 euros financés par l'interprofession et l'État, nous avons aidé onze vignerons qui ont dû arracher 12 ha en 2012 et 2013 », détaille Jean-Michel Aubinel, président de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB). Les producteurs affectés ont touché 23 600 €/ha en moyenne alors qu'ils ont subi une perte de plus de 100 000 €/ha entre l'arrachage, la replantation et les pertes de récolte.

Mieux vaut prendre les devants. Ceci suppose de lutter contre la cicadelle de la flavescence dorée et de prospecter les vignes, en fin de saison, à la recherche de ceps suspects. Plus cette prospection est précise et complète, plus la lutte obligatoire peut être allégée. « Entre 2013 et 2014, la surface en lutte aménagée est passée de 59 à 65 % de la surface en lutte obligatoire. Dans ces zones, seulement un ou deux traitements insecticides sont obligatoires contre trois dans les autres », note Jean-Michel Trespaillé-Barrau, du Sral Languedoc-Roussillon. C'est le cas en Provence, Aquitaine et Bourgogne, où la mobilisation collective des vignerons a permis de surveiller étroitement le vignoble et d'ajuster les traitements de manière ciblée.

À l'inverse, dans des régions plus anciennement touchées, où les premiers foyers des années 1980 et 1990 ont été assainis, la vigilance s'est relâchée. De nouveaux foyers se sont développés. Cela a été constaté dans le Gers, la Drôme, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône et le Languedoc-Roussillon. « C'est inévitable, il y a des cycles dans cette épidémie. Il faudrait trouver une façon de rester en veille dans les moments où elle recule, pour ne plus se faire surprendre. Il n'est pas possible de l'éradiquer, nous devons apprendre à vivre avec ! », affirme Jean-Michel Trespaillé-Barrau. Et pour cause : en 2014, 503 000 ha, soit 65 % du vignoble, étaient soumis à un plan de lutte obligatoire contre la cicadelle de la flavescence dorée, contre seulement 450 000 ha en 2013.

Des mesures pour éliminer les friches

Les vignes à l'abandon sont des réservoirs à cicadelles. S'il s'agit de parcelles classées, c'est d'abord l'Inao qui demande par courrier au propriétaire de les remettre en culture, sous peine de perdre son habilitation à produire en appellation. Le plus souvent, cela suffit à le faire réagir. Sinon, l'administration prend le relais. « En Aquitaine, nous recevons un millier de signalements par an. Ils donnent lieu à 300 dossiers, qui finissent par une trentaine de mises en demeure », détaille Thierry Aumonier, du SRAL. Si le propriétaire ne s'exécute pas, le préfet peut ordonner l'arrachage de la parcelle dès lors qu'elle se situe dans le périmètre de lutte obligatoire. Le travail est exécuté par un entrepreneur. L'État avance l'argent et envoie la facture au propriétaire. « Cela coûte de 1 000 €/ha jusqu'à 2 500 €/ha s'il faut démonter un palissage », précise Thierry Aumonier. Même de prestigieux vignobles abritent des friches, du fait d'indivisions. « À Mercurey (Saône-et-Loire), le préfet a fixé un ultimatum au 31 mars. Ces friches devraient être arrachées prochainement », raconte Laurent Monnet, chef de culture du château de Santenay, en Bourgogne.

Viticulture bio : un surcoût à réduire

Avec trois traitements obligatoires, la lutte contre la cicadelle représente plus de 40 % des achats de phytos en bio contre seulement 10 à 15 % en conventionnel. Le seul produit autorisé, le Pyrévert, revient en effet à 75 €/ha pour un traitement, alors qu'en conventionnel le coût des insecticides varie entre 10 et 40 €/ha. Pour réduire la facture, les vignerons bio du Languedoc-Roussillon espéraient profiter de la Maec (mesure agro-environnementale et climatique) régionale mise en place pour les agriculteurs qui n'utilisent plus d'insecticides et de fongicides de synthèse. « Cette mesure aurait pu prendre le relais de l'aide au maintien en bio. Mais le budget prévu est trop juste », regrette Patrick Marcotte, directeur du Civam bio des Pyrénées-Orientales. Jean-Claude Pellegrin, viticulteur à Lambsec dans les Bouches-du-Rhône, président d'InterVins Sud-Est et membre du conseil spécialisé des vins de FranceAgriMer, veut porter l'affaire au niveau national. « Je vais demander au ministère de l'Agriculture de trouver une façon de couvrir ce différentiel de coût avec le conventionnel », affirme-t-il. Sans attendre, le Civam bio des Pyrénées-Orientales a pris les choses en main et vient d'organiser un achat groupé. « Nous avons fait un appel d'offres pour 800 l de Pyrévert, et nous avons baissé le coût à 60 €/ha, soit 20 % d'économie », souligne Patrick Marcotte.

Le Point de vue de

Laurent Monnet, chef de culture du château de Santenay, 65 ha, à Mercurey, en Saône-et-Loire, et 27 ha en Côte-d'Or

« Les traitements compliquent l'organisation du travail »

 © JOLY / ANDIA

© JOLY / ANDIA

Entre la météo et les travaux en vert, caler les traitements obligatoires est un vrai casse-tête pour ce chef de culture.

« Plus vite on réduira le nombre de traitements et mieux ce sera ! En 2013, nous avons dû en appliquer trois contre la cicadelle. En 2014, nous avons pu aménager la lutte et descendre à un ou deux suivant les communes. Mais cela a un coût. Et surtout, cela complique l'organisation du travail », affirme Laurent Monnet, chef de culture du château de Santenay.

Pour effectuer ses traitements, il suit les consignes du Bulletin de santé du végétal (BSV). « Sur Mercurey, en 2014, nous avons réalisé une première application de Pyrinex ME (chlorpyriphos-éthyl) le 28 mai, et une deuxième de Klartan (tau-fluvalinate) treize jours après. » La troisième n'a pas été nécessaire. Le réseau de pièges suivi par la Fredon a montré que les premiers traitements avaient suffisamment réduit la population de cicadelles.

« Nous avons cinq jours pour caler les traitements. C'est court, sachant que nous avons du personnel dans les vignes pour les travaux en vert. Pratiquer les traitements en tenant compte des délais de réentrée, de la pousse de la végétation et de la météo n'est pas évident », souligne-t-il. D'autant que, pour rassurer les salariés, il préfère attendre au moins 24 heures avant de les faire travailler dans les parcelles traitées, même si le délai de rentrée n'est que de 6 heures.

Pour limiter les effets sur les auxiliaires, Laurent Monnet alterne deux matières actives. Leur coût est de 15 €/ha, auquel s'ajoutent 60 €/ha pour une application. Lorsque c'est possible, il mélange ce traitement insecticide avec des fongicides pour réduire les frais et gagner du temps. « Pour traiter 65 ha avec trois pulvérisateurs automoteurs, il nous faut un jour et demi. Nous devons profiter au mieux des fenêtres d'intervention favorables. »

La prospection collective à laquelle participe le domaine a aussi un coût. En 2014, huit salariés y ont consacré trois jours sur les vignes en Mercurey. « Cela nous revient à 75 €/ha. C'est l'équivalent d'un traitement. Mais c'est indispensable pour surveiller finement la maladie. »

Laurent Monnet n'en a pas fini avec la flavescence. L'an dernier, un cep contaminé a encore été trouvé sur Mercurey, à proximité de ceux repérés en 2013. Du coup, cette année « dans ce secteur situé en Saône-et-Loire, nous conservons la stratégie dite 3-1. Cela signifie que la lutte repose sur trois traitements. Mais la Draaf peut nous accorder une dispense pour le troisième, si les deux précédents ont été efficaces. Nous avons également des vignes en Côte-d'Or. Là, nous n'avons plus à traiter excepté à Pommard où la stratégie imposée est dite 2-1 avec deux traitements, le second devenant facultatif si le premier a été efficace. »

L'essentiel de l'offre

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