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DOSSIER - Flavescence dorée : un parasite qui coûte cher

La prospection Un investissement qui porte ses fruits

La vigne - n°276 - juin 2015 - page 22

Surveiller collectivement les vignes en vue de repérer les pieds suspects permet de définir plus précisément les périmètres de lutte obligatoire et d'économiser ainsi des traitements dans les zones où la situation s'améliore. Exemple dans trois régions.
PROSPECTION COLLECTIVE sur la commune de Chardonnay, en Saône-et-Loire. © C. MICHELIN

PROSPECTION COLLECTIVE sur la commune de Chardonnay, en Saône-et-Loire. © C. MICHELIN

PROSPECTION COLLECTIVE sur la commune de Martailly-lès-Brancion, en Saône-et-Loire. © C. MICHELIN

PROSPECTION COLLECTIVE sur la commune de Martailly-lès-Brancion, en Saône-et-Loire. © C. MICHELIN

BORDEAUX : 780 000 € d'économies

« En 2013, deux techniciens nous ont signalé des pieds suspects sur la commune d'Ambès (Gironde). Nous l'avons intégrée dans notre plan de prospection de 2014, et nous y avons découvert 11 000 ceps contaminés dans sept parcelles. Elles devront être arrachées, de même que le millier de ceps isolés trouvés dans le reste de la commune », raconte Sophie Bentejac, de la chambre d'agriculture de Gironde, qui anime le GDON des Bordeaux. Un seul traitement était obligatoire dans cette commune, qui n'avait pas encore été prospectée, faute de moyens suffisants.

Le GDON des Bordeaux, créé en 2011, couvre 70 000 ha. Sur cette vaste zone, il doit organiser la lutte, suivre les cicadelles, prospecter les vignes en fin de saison, prélever des feuilles sur les pieds suspects et les analyser. Il doit aussi former les viticulteurs à reconnaître les symptômes et leur communiquer toutes les informations sur la maladie.

« Pour la prospection, nous recrutons une vingtaine de personnes en août et septembre. Nous faisons également appel à cinq équipes de prestataires avant les vendanges que nous formons et encadrons », précise-t-elle. Avec ce personnel, le GDON passe au peigne fin 7 000 ha par an. Cela ne représente que 10 % de la surface qu'il couvre. Après quatre ans d'effort, il lui reste encore 60 % du vignoble à inspecter. La maladie galope plus vite que la prospection, et cela aboutit à des arrachages.

Néanmoins, le nombre de communes où la lutte a pu être allégée grâce à la surveillance du vignoble augmente. « À la suite de ces allégements, les économies représentent 780 000 € en 2014. C'est un retour positif, bien supérieur au budget engagé », souligne Sophie Bentejac. Ce budget s'élève à 350 000 € issus d'une cotisation spécifique de 5 €/ha appelée par les ODG membres du GDON des Bordeaux. « Si nous avions plus de moyens, ces économies seraient encore plus importantes. »

Pour contrôler plus de surface sans augmenter les cotisations, il faut mobiliser des vignerons. C'est ce qu'a fait la coopérative Les Hauts de Gironde en 2014. Le GDON a simplement encadré les adhérents et a pu déployer son personnel dans d'autres vignes pendant ce laps de temps. « Cette année, nous allons essayer de multiplier ces opérations avec d'autres coopératives », note Sophie Bentejac. Les signalements des ceps suspects apportent aussi une aide précieuse pour mieux cibler les zones à prospecter en priorité. « En 2014, nous avons reçu six signalements, et nous allons intégrer les six communes concernées dans notre prospection de 2015. »

BOURGOGNE : 40 % de traitements en moins

La quasi-totalité des 27 500 ha du vignoble bourguignon a été prospectée en 2014, grâce à une forte mobilisation des vignerons et un budget de 406 000 €. Depuis deux ans, les ODG rassemblées au sein de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) prélèvent une cotisation spécifique. « En 2014, elle était de 6 €/ha, ce qui a permis de lever 165 000 € », précise Marion Sauqüère, la responsable technique. Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne a donné 90 000 €, les collectivités locales, 70 000 € et le Sral, 81 000 €.

L'organisation de la lutte est déléguée à la Fredon. Celle-ci, embauche sept personnes durant deux mois pour aider les deux techniciens chargés de surveiller la flavescence et fait appel aux conseillers des chambres d'agriculture. « Nous passons une demi-journée dans chaque village pour remettre les cartes et le guide du prospecteur, faire un point sur la maladie, rappeler les symptômes et les protocoles de repérage et de marquage des souches malades. Puis nous démarrons la prospection avec les vignerons », détaille Anaïs Chemarin, chargée de mission vigne à la Fredon.

Dans chaque commune, un responsable mobilise les volontaires et constitue les équipes. En moyenne, chaque personne prospecte 3 à 4 ha par jour. « Sur Mercurey et les trois communes alentour, nous avons couvert 800 ha en trois jours avec six à huit groupes de dix personnes chaque jour », précise Laurent Monnet, le responsable de cette zone. Il note au fur et à mesure tous les ceps suspects repérés sur la carte, et transmet celle-ci à la Fredon, qui organise ensuite des tournées de prélèvements de feuilles pour analyse. « À partir de ces cartes, nous observons l'évolution de la maladie et adaptons la lutte. En 2014, nous avons ainsi pu réduire de 40 % les traitements », relève Anaïs Chemarin.

CHARENTES : Les vignerons responsabilisés

Dans les Charentes, le Comité technique flavescence dorée a confié la prospection des vignes aux vignerons plutôt que de déléguer cette tâche. « Nous avons 80 000 ha à inspecter en quatre semaines. Sachant qu'une personne prospecte 5 ha par jour, cela représente 16 000 jours de travail. C'est impossible à financer. Nous devons nous prendre en charge et intégrer la prospection dans les travaux à faire au vignoble, au même titre que la taille ou l'ébourgeonnage », affirme Julien Lesueur, qui représente les vignerons au sein de ce comité.

Le Bnic (Bureau national interprofessionnel du Cognac) a fixé une cotisation spécifique de 2,78 €/ha, constituant un budget de 222 400 € afin d'organiser la lutte. Cette tâche est déléguée à la Fredon qui expédie par courrier à chaque vigneron une liste de ses parcelles. Les viticulteurs doivent alors inspecter toutes leurs vignes, indiquer s'il y a des pieds symptomatiques ou non et retourner la fiche à la Fredon. Celle-ci envoie alors une personne prélever des feuilles sur les ceps suspects pour pouvoir effectuer des analyses.

Depuis deux ans, le taux de retour moyen de ces fiches atteint 60 %, alors qu'en 2011, il n'était que de 15 %. Pour parvenir à ce résultat, la Fredon a usé de tous les moyens de communication : articles de presse, courriers, affiches et plaquettes dans les mairies, et SMS pour rappeler aux vignerons qu'ils doivent retourner leur fiche. Ce travail commence à porter ses fruits, mais pour contenir la maladie, il faudrait faire encore mieux. « Dans les zones où un animateur contacte les vignerons par téléphone, organise des réunions avec la mairie et propose des rendez-vous pour prospecter en groupe, le retour des fiches est bien meilleur », note Julien Lesueur. En 2015, la Fredon va embaucher sept animateurs au lieu de cinq pour amplifier la prospection.

Les Hauts de Gironde Les adhérents de la coop se mobilisent

« Prospecter, c'est la meilleure façon d'apprendre à reconnaître les symptômes ! », note Martine Pauvif, qui cultive 20 ha de vignes à Saint-Christoly-de-Blaye (Gironde). En 2014, elle a participé durant deux jours à une prospection collective organisée par sa coopérative, Les Hauts de Gironde. D'autres adhérents et quelques vignerons indépendants mobilisés par la chambre d'agriculture l'accompagnaient.

« Nous avons arpenté les vignes de deux communes avec une quarantaine de vignerons, encadrés par trois techniciens de la cave préalablement formés et un animateur du GDON des Bordeaux. Sur ces deux communes, nous pourrons aménager la lutte cette année. Nous contribuons ainsi à la réduction des traitements », affirme Jérôme Ossard, directeur technique du vignoble de la coop, bien décidé à reconduire l'opération en 2015.

« Il faut de bonnes chaussures car on marche vite sur un terrain pas toujours plat. C'est fatiguant, mais en groupe, on se motive », note Martine Pauvif. Sur son exploitation, elle inspecte ses parcelles elle-même en même temps qu'elle réalise les contrôles de maturité. « Si je vois des symptômes, j'attache un ruban au cep concerné, je marque le piquet du rang avec de la peinture et je contacte le GDON. Cela m'est arrivé une fois. Après analyse, il s'est avéré que c'était du bois noir, mais j'ai quand même arraché le cep. »

Analyses et piégeages : d'autres postes coûteux

Pièges à cicadelles. © C. STEF

Pièges à cicadelles. © C. STEF

Au total, dans l'ensemble de la France, les laboratoires ont effectué 10 700 analyses de feuilles suspectes en 2014. Comme chacune d'entre elles coûte 30 €, la dépense totale s'est élevée à 321 000 €. C'est le prix qu'il a fallu payer pour s'assurer que les cas de jaunisse repérés sur le terrain étaient bien de la flavescence dorée. Compte tenu du coût d'une analyse, il est impossible d'analyser individuellement chaque feuille suspecte. « Nous constituons un échantillon par parcelle avec des feuilles prélevées sur un à cinq ceps », détaille Anaïs Chemarin, chargée de mission vigne à la Fredon de Bourgogne. Dans cette région, 2 000 analyses ont été réalisées en 2014 pour seulement 31 échantillons positifs. « Il s'agit souvent de bois noir. Mais il faut quand même arracher les ceps contaminés », rappelle-t-elle.

Autre poste de coût : le suivi des populations de cicadelles qui est réalisé grâce à des réseaux de pièges. En Gironde, le CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux) fournit 1 500 pièges à 10 € pièce aux GDON, qui les installent et les relèvent. « Nous embauchons une personne en juin pour compter les larves puis quatre autres pour relever les pièges jusqu'à la mi-août », détaille Sophie Bentejac, du GDON des Bordeaux. En Bourgogne, c'est la Fredon qui suit les cicadelles. « Nous avons un réseau de soixante pièges. Nous les plaçons dans les zones sous lutte insecticide obligatoire mais aussi dans les zones non traitées pour observer l'évolution des populations. Nous en disposons également dans chaque commune où il y a un aménagement de la lutte, pour évaluer l'efficacité des traitements », précise Anaïs Chemarin.

L'essentiel de l'offre

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