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VIGNE

Botrytis L'effeuillage aussi fort que le traitement

MARION BAZIREAU - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 36

Des essais pilotés par l'IFV montrent qu'un effeuillage seul à la fermeture de la grappe est aussi efficace contre le botrytis qu'un traitement à pleine dose sur la vigne non effeuillée.
UN EFFEUILLAGE SEUL présente un niveau d'efficacité similaire à un traitement réalisé à pleine dose sur une vigne non effeuillée. © C. WATIER

UN EFFEUILLAGE SEUL présente un niveau d'efficacité similaire à un traitement réalisé à pleine dose sur une vigne non effeuillée. © C. WATIER

Durant trois millésimes, 2011, 2012 et 2013, le pôle IFV de Bordeaux-Blanquefort a piloté des essais sur 18 parcelles de différents domaines d'Aquitaine, en partenariat avec les chambres d'agriculture de la Dordogne, de la Gironde, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques. Ensemble, ils ont cherché à évaluer l'impact de l'effeuillage et de la réduction de la dose d'antibotrytis (66 % de la dose homologuée) sur le développement du champignon.

Les techniciens ont testé plusieurs modalités d'effeuillage : aucun effeuillage, sur une seule face côté soleil levant ou sur les deux faces. À chaque fois l'opération a été réalisée à la main, à la mi-juillet, au stade fermeture de la grappe. La vigne a été traitée peu après, soit à la dose homologuée, soit à 66 % de cette dose, avec le libre choix de l'antipourriture par le viticulteur. Certains pieds n'ont pas été traités. À la récolte, des mesures ont été effectuées pour évaluer les niveaux de pourriture grise.

Une réduction de la fréquence d'attaque de 10 à 35 %

Par rapport à la vigne témoin, sur les dix parcelles ayant subi une pression de botrytis moyenne à forte, les résultats montrent une réduction de la fréquence d'attaque de 10 % pour la modalité traitée à dose réduite non effeuillée et de 35 % pour la modalité traitée à dose homologuée et effeuillée sur une face. Ici, l'effeuillage est aussi efficace que le traitement à dose réduite : il réduit de 10 % le taux de grappes attaquées par la pourriture grise.

Efficace sur l'intensité de l'attaque

La diminution de l'intensité de l'attaque, c'est-à-dire de la proportion de baies touchées par l'infection, est plus remarquable. Elle varie de 19 % pour le traitement à dose réduite à 63 % pour l'antibotrytis à pleine dose couplé à un effeuillage sur une face. Et un effeuillage seul sur une face présente un niveau d'efficacité similaire à un traitement réalisé à pleine dose sur vigne non effeuillée, à savoir une diminution des attaques de 30 % par rapport au témoin.

Les différentes modalités mises en oeuvre semblent davantage influer sur l'intensité d'attaque que sur les fréquences d'attaque. En d'autres mots, « effeuillages et traitements peinent à limiter le nombre de foyers de botrytis mais parviennent à limiter leur expansion », explique Alexandre Davy, ingénieur oenologue à l'IFV de Bordeaux-Blanquefort, qui a coordonné les essais.

Quoi qu'il en soit, la meilleure option contre la pourriture grise reste l'association d'un effeuillage et d'un traitement à pleine dose, permettant de doubler l'efficacité par rapport à l'effeuillage seul.

Une grande variabilité dans les dépôts de bouillie

Les partenaires ont également cherché à savoir quelle quantité de bouillie atteint réellement les grappes de raisin lors d'un traitement. Pour cela, ils ont disposé 80 grappes en plastique sur un rang de chaque parcelle, effeuillée ou non. Ils ont ensuite pulvérisé un colorant alimentaire sur la vigne puis ramassé les fausses grappes pour mesurer, au laboratoire, la quantité de produit déposée par le traitement. Il en ressort une grande variabilité. Ainsi, toutes années confondues, pour une même dose pulvérisée sur chaque parcelle, la quantité moyenne de produit déposée sur les grappes varie d'un facteur 1 à un facteur 6,5. Alexandre Davy explique ce grand écart par les différences de pulvérisateur, de mode de conduite, ou d'entassement des grappes entre les sites des essais. Mais, sur tous les sites, l'effeuillage permet d'augmenter significativement la quantité de bouillie déposée sur les grappes. Sur les rangs non effeuillés, la quantité moyenne de colorant n'atteint que 293 ng/dm². Elle passe à 391 pour les rangs effeuillés sur une face, soit une hausse de 33 %, et à 431 pour les rangs effeuillés sur leurs deux faces, soit presque 50 % de plus.

Mieux vaut effeuiller à la nouaison

Quelques années auparavant, des travaux conduits par l'IFV Sud-Ouest avaient montré que, quel que soit son stade de mise en oeuvre, l'effeuillage limite toujours le développement de la pourriture grise. L'exposition des grappes au soleil renforce la pellicule des raisins, ce qui leur procure une plus grande résistance à ce champignon. De plus, l'effeuillage améliore le microclimat au niveau des grappes en réduisant l'humidité. Cependant, lorsqu'il est réalisé sur la face des rangs exposés aux vents dominants, il augmente les risques des dégâts liés à la grêle, les fruits n'étant plus protégés par les feuilles. Ces travaux avaient également mis en évidence que l'effeuillage est plus efficace contre la pourriture grise lorsqu'il est pratiqué à la nouaison. À ce stade, cette opération donne les mêmes résultats qu'elle soit réalisée sur une face ou sur les deux. En revanche, lorsqu'il est réalisé à la fermeture de la grappe ou à la véraison, l'effeuillage des deux faces s'avère plus profitable que celui d'une seule face, sans jamais atteindre l'efficacité de l'effeuillage effectué à la nouaison. Alexandre Davy n'a pas observé cette différence lors des essais qu'il a coordonnés. En effet, dans son expérimentation, les vignes ont été effeuillées à la fermeture de la grappe. Et cette opération a offert le même rendement qu'elle ait été réalisée sur une face ou sur les deux.

Combinaison active

Les travaux de l'IFV Sud-Ouest ont également montré que les meilleurs résultats sont toujours obtenus avec l'application de deux antibotrytis : le premier au stade de la floraison et le second à la véraison. Si on ne traite qu'une fois, la combinaison la plus active est alors un effeuillage à la nouaison suivi d'un traitement à la véraison.

Le Point de vue de

PASCAL LAPEYRE, DOMAINE LAPEYRE-GUILHEMAS, 13 HA, SALIÈS-DE-BÉARN (PYRÉNÉES-ATLANTIQUES)

« Je ne traite plus depuis 2013 et je n'ai jamais eu aussi peu de botrytis »

« Jusqu'en 2013, ma stratégie de lutte contre le botrytis était bien ficelée. Je passais mon effeuilleuse pneumatique Collard deux fois par an dans les vignes, une première fois entre la chute des capuchons et la nouaison et une seconde fois à la véraison. Juste après ces effeuillages, je traitais à la dose homologuée, d'abord avec du Switch, puis avec du Sekoya. En 2013, la récolte s'annonçait très faible. Pour des raisons économiques, j'ai donc décidé de ne pas traiter. Surprise : malgré une année particulièrement pluvieuse, je n'ai jamais eu aussi peu de botrytis ! Même le fer servadou, cépage sensible à la pourriture grise, a été épargné. J'ai recommencé en 2014 avec les mêmes résultats. Mais j'ai récolté deux fois moins de raisin qu'à l'accoutumée, les grappes étaient beaucoup moins entassées et ceci doit expliquer le faible développement du champignon. Cette année, la quantité est là. Je pense limiter les traitements aux parcelles les plus sensibles. Je réfléchis également à mettre en oeuvre un troisième effeuillage, huit jours avant les vendanges, au soleil couchant, du côté non effeuillé. »

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