« Le black-rot, avant l'an dernier, on n'en parlait pratiquement pas. Cette année, c'est une explosion. Les attaques ont été très précoces. On ne s'attendait pas à de telles sorties. » François Penchenier exploite 20 ha de vignes à Bagnols-sur-Cèze. C'est sur une partie de son vignoble, situé en bordure de la Cèze, que le champignon s'est manifesté très tôt. Ce 25 juin, ses grenaches les plus précoces présentent d'importants symptômes sur baies. Cas extrême : il estime une perte de récolte de 40 % pour un grenache blanc.
Pourtant, il s'est méfié. « L'an dernier, il a grêlé le 20 juillet, une période d'humidité favorable au black-rot a suivi. Nous avons eu 60 à 70 % de dégâts dans certaines vignes que, du coup, nous n'avons pas vendangées. L'inoculum était là. Je m'attendais donc à des attaques intenses dans ces parcelles. J'ai pris les devants et fait un premier traitement soufre-mancozèbe le 18 avril, juste après les pluies contaminatrices du 16 avril. La vigne était alors au stade 4-5 feuilles étalées. J'ai renouvelé l'application les 28 et 30 avril après les pluies du 24 au 26 avril. Malgré ça, j'ai eu des symptômes très spectaculaires sur feuilles à partir du 5-6 mai. Ce sont surtout les grenaches qui ont été touchés. »
Le viticulteur gardois a ensuite appliqué trois autres traitements dont un IDM (Tétraconazole) le 13 mai, l'une des matières actives les plus efficaces sur le black-rot. Cela n'a hélas pas suffi... « C'est une année très compliquée, confirme Fabien Fontaine, technico-commercial chez Charrière Distribution. Il a été difficile d'anticiper l'intensité des premières attaques. Habituellement, on conseille de réserver les IDM pour les traitements après la floraison. Mais, cette année, il aurait fallu en positionner un début mai. »
Pour les viticulteurs en bio, la situation est encore plus délicate. Aucun produit à base de soufre et de cuivre n'est homologué contre le black-rot. « Ces substances freinent la maladie quand les attaques ne sont pas trop importantes. Mais, cette année, on a une telle pression qu'ils sont insuffisants », constate Damien Gilles, jeune viticulteur qui exploite un domaine de 36 ha, à Pont-Saint-Esprit, en Gaec avec son père. Les deux tiers sont conduits en bio. Là, les dégâts sont importants : 5 à 60 % de pertes de récolte selon les parcelles. En revanche, en conventionnel, la maladie est bien contenue : à peine quelques impacts, sans doute liés à un défaut de pulvérisation. Ceci grâce à quatre traitements avant le 25 juin dont deux IDM et une strobilurine.
Découragé, le producteur repassera toute sa propriété en conventionnel l'an prochain. « Le black-rot, c'est une impasse technique pour le bio. Je ne peux pas me permettre de perdre jusqu'à 60 % de récolte. D'autant que les cours en bio ont baissé », confie-t-il. D'autres pourraient suivre...
Les limites du plan Écophyto
L'alerte a-t-elle été donnée trop tard ? Jacques Oustric, responsable du service viticulture à la chambre d'agriculture du Gard, s'en défend. « Dès le 21 avril, nous avons recommandé aux viticulteurs d'intervenir dès que possible avec un IDM sur les parcelles historiquement touchées par le black-rot et cellesqui présentaient de nombreux symptômes à la fin de l'été 2014. Nous avons diffusé cette alerte après l'épisode pluvieux du 16 au 19 avril. Nous avons réagi avant les premiers symptômes. » Fallait-il traiter plus tôt et généraliser le conseil à l'ensemble du vignoble ? « Nous sommes pris entre le marteau et l'enclume. Le plan Écophyto nous impose une grande vigilance dans nos recommandations. Préconiser un traitement généralisé alors que nous n'avions pas identifié de risque majeur et sur la base de prévisions météo à plus de trois jours ne cadre pas avec les objectifs de réduction des phytos. Nous avions bien signalé le 12 août 2014 une présence inhabituelle du black-rot dans notre département. Mais les risques ont été sous-évalués car nous n'avions jamais été confrontés à une telle virulence. Nous saurons retenir la leçon. »