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Magazine - Etranger

La Macédoine monte en gamme

THIERRY JOLY - La vigne - n°277 - juillet 2015 - page 80

Jadis principale région viticole de la Yougoslavie, la Macédoine ne compte plus que 23 500 ha de vignes pour une production de 1,2 million d'hl par an, assurée par 70 domaines environ. De gros efforts qualitatifs ayant été fournis, ses vins, peu chers, séduisent de plus en plus à l'export.
SITUÉE AU COEUR DU VIGNOBLE, à Kavadarci, le domaine de Tikves, ancienne coopérative privatisée en 2003, a modernisé ses installations et vise désormais le haut de gamme. THIERRY JOLY

SITUÉE AU COEUR DU VIGNOBLE, à Kavadarci, le domaine de Tikves, ancienne coopérative privatisée en 2003, a modernisé ses installations et vise désormais le haut de gamme. THIERRY JOLY

PHILIPPE CAMBIE (à droite), oenologue français réputé, assiste Marko Stojakovic, le maître de chai de Tikves, dans la conception des assemblages pour améliorer les vins.  THIERRY JOLY

PHILIPPE CAMBIE (à droite), oenologue français réputé, assiste Marko Stojakovic, le maître de chai de Tikves, dans la conception des assemblages pour améliorer les vins. THIERRY JOLY

FILIP BLAZESKI, le manager d'Ezimit (à gauche) et PETAZ MILEV, l'oenologue (à droite). THIERRY JOLY

FILIP BLAZESKI, le manager d'Ezimit (à gauche) et PETAZ MILEV, l'oenologue (à droite). THIERRY JOLY

LE DOMAINE POPOVA KULA, idéalement situé sur l'axe routier Belgrade-Athènes, s'est lancé dans l'oenotourisme grâce à un hôtel-restaurant de charme.  THIERRY JOLY

LE DOMAINE POPOVA KULA, idéalement situé sur l'axe routier Belgrade-Athènes, s'est lancé dans l'oenotourisme grâce à un hôtel-restaurant de charme. THIERRY JOLY

LE CHÂTEAU KAMNIK , créé en 2004 par Ilija Malinkovski (ci-dessus), par ailleurs dirigeant d'une société de sécurité, s'est d'emblée positionné sur le haut de gamme. THIERRY JOLY

LE CHÂTEAU KAMNIK , créé en 2004 par Ilija Malinkovski (ci-dessus), par ailleurs dirigeant d'une société de sécurité, s'est d'emblée positionné sur le haut de gamme. THIERRY JOLY

LE CHÂTEAU KAMNIK THIERRY JOLY

LE CHÂTEAU KAMNIK THIERRY JOLY

Plus important domaine du pays avec une production de 300 000 hl, Tikves illustre l'évolution de la filière vitivinicole macédonienne. Située au coeur du vignoble, à Kavadarci, au sud du pays, cette ancienne coopérative, a été privatisée en 2003. Depuis, elle a investi 25 millions d'euros dans la modernisation de ses installations. Elle a acquis de nouvelles cuves en Inox, des petites cuves en béton et une thermo-régulation centralisée. Pour ses meilleurs vins, elle s'est équipée d'un système de réfrigération des raisins, d'une table de tri et de fûts en chêne français.

La conduite des vignes, plantées entre 300 et 700 m d'altitude, a elle aussi été revue, que ce soit pour les 1 000 ha qu'elle exploite ou sur les parcelles de ses 2 000 apporteurs. « Les rendements ne dépassent plus les 80 hl/ha pour les entrées de gamme et tournent autour de 35 hl à 45 hl/ha pour le haut de gamme. Nous avons en permanence trois agronomes dans les vignes qui décident de tout et nous ne payons plus le raisin au poids mais selon sa qualité », explique Marko Stojakovic, le maître de chai serbe de Tikves.

Depuis 2010, il est assisté par l'oenologue français Philippe Cambie. « Je viens quatre semaines par an pour valider les assemblages et participer à la délimitation des terroirs voués à devenir des appellations communales », explique l'oenologue. Par ailleurs, le vrac a été abandonné en 2008 au profit de la bouteille et du bib.

Le domaine Ezimit a fait le même choix de la qualité après s'être modernisé en 2001. Implantée près de Stip, à l'est du pays, cette exploitation, fondée en 1994, de 300 ha, récolte 2 000 tonnes de raisins par an. Il y a quatre ans, elle a inauguré une ligne de production haut de gamme avec des raisins provenant de parcelles dont le rendement est limité à 2-3 t/ha contre 7 t/ha en moyenne pour les autres. D'abord louées à l'État, les vignes ont été acquises par le domaine au fil des ans. « Pour pouvoir les replanter car elles étaient en mauvais état », déclare Filip Blazeski, le directeur. D'une densité de 4 000 à 4 300 pieds/ha, elles sont hautes et peu effeuillées, la règle dans le pays. « Pour une bonne ventilation et protéger les raisins des brûlures du soleil », précise l'oenologue Petaz Milev.

S'il peut faire -10 °C en hiver, en été le thermomètre monte jusqu'à 40 °C et ne descend pas en dessous de 20 °C la nuit. Un climat qui permet de contrôler les maladies avec trois à quatre traitements seulement. En revanche, il impose de vendanger tôt le matin et d'irriguer car il ne pleut que 400 mm par an et presque pas en été.

Encore peu utilisé chez Ezimit et Tikves, le goutte-à-goutte est commun dans les domaines créés après l'an 2000 par des investisseurs venus d'autres milieux. Ayant pour objectif de produire des vins de qualité, ces derniers ont opté d'emblée pour des équipements de pointe.

Symbole de ces nouveaux venus, le Château Kamnik, créé en 2004 aux portes de Skopje, la capitale, au nord du pays. « Je me suis lancé pour approvisionner un restaurant que j'avais ouvert. Puis j'ai eu des récompenses. Alors, je me suis pris au jeu : j'ai cherché à faire les meilleurs vins possibles sans me soucier d'être rapidement rentable car j'ai d'autres activités », explique Ilija Malinkovski, son fondateur, dirigeant d'une société de sécurité.

Plantés sur un coteau exposé plein sud et protégés par des filets antigrêle, « qui découragent aussi les oiseaux », les 13 ha de la propriété sont encépagés avec des variétés françaises et italiennes. « Inutile de planter des cépages locaux : il est facile d'acheter des raisins de qualité de ces variétés à 30-40 cts/kg, les premiers prix étant à 15 cts. »

Les rouges représentent 60 % - c'est la moyenne en Macédoine - des 120 000 litres produits. Faute de demande, le volume de rosé est très faible comme celui des effervescents. Positionné sur le haut de gamme, le Château Kamnik vend ses quatorze cuvées entre 7 et 45 €. Ailleurs, la norme est plutôt de 2 à 25 €, avec de nombreux vins. Ainsi, on en trouve une trentaine chez Tikves et Ezimit, qui cultivent à la fois des cépages internationaux et locaux : vranec - commun dans tous les Balkans - kratosija et plavac mali, en rouge ; smederevka, rkatsiteli, temjanika et belan (nom donné au grenache), en blanc. « Je privilégie ces variétés pour le haut de gamme afin d'avoir des vins ayant une identité », affirme Philippe Cambie, l'oenologue de Tikves.

Au domaine Popova Kula, situé au sud, à Demir Kapija, les rouges comptent pour la moitié des 600 000 l produits. « Nous avons vingt-deux vins de 3,30 à 8,30 €/col. Certains sont issus de cépages peu cultivés ailleurs, comme le prokupac et le stanushina, ce qui représente un atout commercial », affirme son propriétaire, Jordan Trajkov, par ailleurs banquier. L'exploitation comprend également un hôtel-restaurant. « La proximité de l'autoroute Belgrade-Athènes nous amène une clientèle à 70 % étrangère », témoigne Lazar Petrov, le directeur.

En effet, l'oenotourisme se développe. Ezimit a ainsi un projet similaire, comme Tikves qui accueille déjà dix mille touristes par an dans sa winery où un restaurant a été ouvert. Quant au Château Kamnik, il s'est doté d'une salle pour organiser des cours de dégustation et sur les accords mets-vins. Un bon moyen pour les exploitations macédoniennes d'accroître leur notoriété à l'étranger via les touristes visitant le pays.

Exportations : un besoin vital

Le marché national étant restreint et largement contrôlé par les ex-coopératives Tikves et Stobi, les domaines macédoniens doivent vendre à l'étranger. Ezimit réalise ainsi 99 % de ses ventes à l'export. « Dont 75-80 % en Croatie où nous sommes la marque leader », précise Filip Blazeski, son directeur. « Mais notre pays a peu de moyen pour faire la promotion de nos vins, c'est un handicap », estime Lazar Petrov, le directeur de Popova Kula. Les Balkans constituent donc encore le principal débouché, devant la Pologne, l'Allemagne et la Scandinavie. L'accroissement de la qualité permet toutefois aux producteurs macédoniens de pénétrer de nouveaux marchés en Asie, Grande-Bretagne et Amérique du Nord. « L'arrivée de Philippe Cambie nous a ouvert de nouvelles portes », déclare Aleksandar Ristovski, responsable oenotourisme chez Tikves, qui écoule la moitié de sa production à l'étranger. Autre solution pour se faire connaître : participer à des concours internationaux, ce que fait un nombre croissant de domaines.

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