Début septembre, le moral des vignerons est au beau fixe. Dans beaucoup de régions les vendanges ont démarré dans d'excellentes conditions. Dans le Beaujolais, les viticulteurs ont donné les premiers coups de sécateurs dès le 24 août. « C'est la deuxième année la plus précoce après 2003, indique Florence Hertaut, de la chambre d'agriculture du Rhône. Le degré potentiel des raisins a progressé de 0,21 point par jour depuis qu'on a démarré les prélèvements le 27 juillet alors qu'en moyenne, depuis 1992, on gagne 0,17° par jour. Et l'état sanitaire est parfait. » Les tout premiers moûts étaient aromatiques et les couleurs très belles.
Même optimisme dans le Bergeracois où la récolte a commencé à la toute fin du mois d'août. « La maturité évolue bien et très vite. Nous avons déjà des sauvignons à 12,2 ou 12,3° potentiels avec des acidités totales autour de 5 g/l et des teneurs en acide malique de 3 g/l. On n'est pas loin de l'équilibre parfait », rapportait le 28 août Damien Le Grelle, le responsable du laboratoire de l'oenocentre Bergerac-Duras. Toutefois, la difficulté était de préserver l'acidité et la fraîcheur des rosés et des blancs. C'était ce paramètre qui déclenchait les vendanges.
En Bourgogne, « les degrés progressent plus vite que la maturité des pellicules. Le dernier week-end d'août, on a noté des degrés potentiels de 12 à 13,3 pour le chardonnay. Les teneurs en acide malique étaient très faibles : 1,5 à 2 g/l. Mais l'acide tartrique était encore présent : 3,5 à 4,5 g/l pour des pH compris entre 3,2 et 3,3 », a indiqué Éric Grandjean, du centre oenologique de Bourgogne. Dans la région, les vendanges ont débuté les 27 et 28 août. Compte tenu de leur faible acidité, les blancs ne seront pas marqués par la fraîcheur. « On sera plutôt sur un profil de fruits mûrs, avec peu de thiols et d'arômes variétaux », précise l'oenologue.
En Champagne, au même moment, tous les voyants étaient au vert : état sanitaire très bon et maturation dynamique. Les viticulteurs ont donc coupé les premiers raisins le 28 août à Montgueux, dans l'Aube. Mais le gros des troupes a démarré après le 2 septembre.
Dans le Languedoc-Roussillon, les machines étaient déjà à l'oeuvre à cette époque. Le plus souvent, la récolte a démarré la dernière semaine d'août. « Les pluies du 13 août ont débloqué la maturation. Les pellicules qui étaient jusque-là très dures sont devenues plus friables », explique Jacques Rousseau de l'ICV. Mais le millésime est marqué par des teneurs en acide malique très faibles : 1 à 1,5 g/l. Une difficulté que l'on retrouve aussi dans les Côtes du Rhône et en Provence. « Nous avons subi des températures supérieures à 35 °C. Cela a brûlé l'acide malique, indique Olivier Roustang, de Rhône oenologie Wine Consulting. On a des valeurs inférieures à 1 g/l. Nous avons même des grenaches blancs qui n'en contiennent pas sur pied. Pour les rouges, les malo risquent de s'enclencher difficilement car les bactéries auront peu de substrat pour se développer. Il faudra peut-être ensemencer. »
Autre difficulté pour les vignobles du Sud-Est : « Tous les cépages mûrissent quasiment en même temps. Les vendanges sont moins étalées que d'habitude », note Thomas Bernard, d'Aix nologie. « On s'oriente vers des vendanges éclairs. Tout devrait être plié entre quinze jours et trois semaines. Pour les caves qui utilisent leurs cuves de vinification plusieurs fois, cela va être compliqué », renchérit Olivier Roustang.
Même constat dans le Languedoc-Roussillon où un autre élément pourrait jouer les trouble-fête : le botrytis. Au 28 août, l'état sanitaire est correct : à peine quelques foyers de pourriture grise. Toutefois, en cas de vent marin, la situation pourrait se dégrader... La surveillance est donc de mise.
Dans le Bordelais aussi on reste vigilant. Si fin août, le millésime s'annonçait prometteur, là encore, les conditions météo seront déterminantes. « Le mois d'août a été relativement pluvieux. Des foyers de botrytis commencent à se développer. C'est un facteur qui pourrait précipiter les vendanges », précise Nicolas Piffre, de l'oenocentre de Saint-Savin. En Alsace, le 31 août, les vendanges n'avaient pas encore débuté officiellement. Mais les degrés évoluaient vite. À noter néanmoins une forte hétérogénéité de la maturité selon les secteurs.
Thierry Beceiro, responsable vignoble à la coopérative Arnaud de Villeneuve, à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) « Des maturités regroupées »
« Nous avons démarré les vendanges de nos muscats secs le 13 août. Pourtant, en juillet, beaucoup de vignerons pensaient vendanger plus tôt car la véraison avait été rapide et homogène sur les muscats petits grains et les syrahs. Par la suite, lors des premiers contrôles de maturité (fin juillet), on a constaté une évolution des degrés plutôt lente, les rendements sur nos cépages précoces étant plus élevés que d'habitude. Du coup, cette année, l'organisation des vendanges risque d'être des plus complexes car nos cépages précoces mûrissent plus lentement et, à l'inverse, nos cépages tardifs évoluent rapidement.
Fin août, l'état sanitaire du vignoble est plus que satisfaisant. La seule crainte, à part les intempéries, reste l'évolution de la troisième génération d'eudémis. Nous avons la certitude que nos vignerons ont intégré les risques et nous restons positifs. Qualitativement, nous estimons que le millésime 2015 sera excellent pour nos blancs et rosés. Pour les rouges, nous avons de grands espoirs d'obtenir de très bons produits. Pour y arriver, le maître mot sera la patience pour laisser mûrir tranquillement les baies. Fin août, nous avons déjà rentré aux alentours de 17 000 hl sur une estimation totale de 90 000 hl.