Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Vins sans soufre : comment font-ils ?

Jean-Louis Denois, propriétaire du Domaine de la Borde Longue, à Roquetaillade (Aude) « Je suis extrêmement minutieux »

La vigne - n°278 - septembre 2015 - page 17

Pour Jean-Louis Denois, vinifier sans SO2 c'est revenir aux bonnes pratiques. Soucieux de l'hygiène de son chai et de l'état de son matériel, il s'assure que tout est prêt le jour J.
 © L. LECARPENTIER

© L. LECARPENTIER

D'origine champenoise, Jean-Louis Denois s'est installé à Roquetaillade, dans l'Aude, sur 43 ha. Il s'est lancé dans les vins sans sulfites en 2012, après une rencontre avec l'oenologue Arnaud Immélé, pionnier en la matière. Aujourd'hui, sur l'ensemble de ses cuvées, cinq ne sont jamais sulfitées : deux crémants de limoux blancs, un blanc sec et deux rouges élevés en cuve. L'année dernière, le vigneron a vinifié sans SO2 450 hl sur les 1 500 hl qu'il produit.

Pour Jean-Louis Denois, travailler sans soufre, c'est avant tout réapprendre les gestes oubliés ou négligés à cause des facilités offertes par le SO2. Sa plus grande préoccupation reste l'oxygène. À chaque transfert, il commence par former un petit matelas de CO2 au fond de la cuve de destination. « L'inertage est crucial et ne représente pas une charge importante. » Ensuite, il démarre la pompe, puis ouvre la vanne du bas de la cuve de départ. Il ne connecte le tuyau à la cuve de destination qu'au dernier moment, une fois le tuyau plein pour ne pas y apporter d'air. Le vigneron surveille aussi l'état des joints pour éviter les micro-aspirations d'air. « Nous révisons tout le matériel avant le démarrage des vendanges, et faisons circuler de l'eau dans les tuyaux pour nous assurer de leur étanchéité. »

Au vignoble, il veille à ne pas laisser surmûrir les raisins et les vendange à la main, dans des petites cagettes. « L'année dernière, j'ai déclenché les vendanges des rouges à 12,2 % vol. avec un pH à 3,5. »

En 2012 et 2013, il a essayé les mélanges de Saccharomyces et non-Saccharomyces Primaflora d'AEB. Ces levures s'ajoutent à la vendange fraîche pour empêcher les micro-organismes indésirables de se développer. En fonction de la dose, elles coûtent entre 0,30 et 0,80 €/hl. Malgré de bons résultats, il n'a pas renouvelé l'expérience l'année dernière.

Au chai, c'est pour les blancs tranquilles qu'il se montre le plus vigilant. Ceux-ci sont versés entiers dans le pressoir par gravité et pressés doucement. Ils sont ensuite mis à débourber une nuit avant d'être renvoyés dans une cuve en Inox, dans laquelle ils feront leur fermentation alcoolique puis malolactique.

Pour ses quatre autres cuvées, Jean-Louis Denois a davantage de facilités car « les levures reconsomment de l'oxygène lors de la seconde fermentation en bouteille des crémants, et comme les rouges sont riches en tanins, ils en supportent plus ».

Après la fermentation, le vigneron élève tous ses vins sur lies fines dans des cuves en Inox, « un contenant plus facile à nettoyer ». Puis il les embouteille tôt. « Autour de mars, les températures repassent la barre des 12 °C, ce qui est dangereux pour la stabilité du vin. Il n'y a que deux solutions : refroidir ou filtrer et mettre rapidement en bouteilles. J'ai opté pour la seconde », indique-t-il.

Il fait filtrer ses vins sans soufre sur membrane stérile par un prestataire qui effectue aussitôt la mise en bouteilles inertées à l'azote. La filtration stérile et l'inertage des bouteilles, deux opérations qu'il réserve aux vins sans sulfites, lui coûtent un peu moins de 2,70 €/hl. Le vigneron ne regrette pas cette dépense. « Mieux vaut que le filet de vin qui coule dans la bouteille croise l'azote plutôt que l'air. » Pour le bouchage, il achète des bouchons Diam, un choix de longue date pour l'ensemble de sa gamme.

Ainsi, quelques mois seulement après la fin des fermentations, les cuvées sans soufre sont en bouteilles. « Un élevage court qui me permet d'obtenir des vins soyeux et plus fruités », apprécie-t-il.

Valorisation « Un avantage concurrentiel »

Jean-Louis Denois vend l'ensemble de ses cuvées sans soufre, entre 10 et 15 €, aux cavistes français. En 2013, il a eu du mal à se faire une place, le marché des vins sans sulfites, tout juste émergent, étant déjà saturé par des producteurs historiques. « Les choses ont changé, et aujourd'hui tous demandent des vins sans sulfites. C'est presque devenu un standard. »

Ses surcoûts

- En vinification : entre 0,30 et 0,80 €/hl lorsqu'il utilise Primaflora

- À l'embouteillage : environ 2,70 €/hl pour la mise sous azote et la filtration stérile

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :