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DOSSIER - Vins sans soufre : comment font-ils ?

Éric Texier, vititculteur sur 11 hectares, à Allex (Drôme) « Le suivi microbiologique est primordial »

La vigne - n°278 - septembre 2015 - page 20

En vue de produire du vin sans sulfites ajoutés, Éric Texier a acquis deux microscopes. Ces outils lui permettent, en toute autonomie, de décompter levures et bactéries.

Éric Texier exploite 11 ha, à Allex, dans la Drôme. Il achète également du raisin dans le Mâconnais et dans le sud de la vallée du Rhône. Depuis 2001, tous ses vins sont vinifiés et élevés sans sulfites. En fonction de la qualité du millésime et de l'état sanitaire des raisins, une partie est sulfitée au moment de la mise en bouteilles, l'autre pas. En 2014, il s'est passé du soufre sur 22 500 bouteilles de côtes-du-rhône et de VSIG, soit 169 hl sur les 560 qu'il a produits.

S'il peut se passer du SO2, il ne peut en faire autant de ses deux microscopes, l'un en fluorescence UV et l'autre en lumière visible. Il les a acquis d'occasion pour 20 000 €. Le premier sert à compter et identifier les bactéries mortes ou vivantes, le second à identifier précisément les levures. Durant la vinification, il surveille chaque cuve matin et soir. S'il constate un développement de bactéries en cours de FA, il refroidit la cuve pour les éliminer sans nuire aux levures. « Ceci arrive parfois en fin de FA lorsque le vin contient encore des sucres, mais c'est l'affaire de quelques jours. À 10 °C, les bactéries sont déjà très affaiblies, contrairement aux levures. »

Éric Texier mise beaucoup sur le tri. Il vendange à la main. Certaines années, il prévoit deux seaux : un pour les raisins très sains, destinés aux cuvées sans SO2, et l'autre pour le second choix, dont les vins seront sulfités. Les raisins les moins beaux sont laissés au sol. D'après lui : « Faire du vin sans soufre est inenvisageable quand on vendange à la machine, sauf si on recourt à des produits alternatifs de type lysozymes. Cette enzyme est largement utilisée mais peu l'avouent. »

Le vigneron veille aussi à ne jamais rentrer de raisin à plus de 20 °C. Il n'emploie pas de gaz inertes ou « à peine une bouteille de 50 kg de CO2 par campagne, pour combler les cuves provisoirement en vidange ». Sa vendange rouge est légèrement foulée mais non égrappée et envoyée dans des cuves en béton, plus larges que hautes. Dedans, il place une grille pour bloquer le raisin et, via un remontage, renvoie du jus par-dessus. « Ainsi, le chapeau est en permanence immergé, et nous n'avons pas de problème d'acétate. » Il n'y touche plus, sauf pour de légers remontages d'homogénéisation de la température. Après la FML, qui se déclenche naturellement, il débarrasse les vins sont de leurs lies grossières. « Si le travail a été bien fait en amont, ils n'ont pas besoin de plus. » Le vigneron considère que les élevages longs évitent les mauvaises surprises. « Le temps stabilise le vin en l'appauvrissant en nutriments. » En outre, son chai ne dépasse jamais 14 °C. Un atout. Dès lors, son unique objectif est de limiter les prises d'air.

Au bout d'un an et demi d'élevage, il soutire ses vins pour les homogénéiser et les clarifier. Il décompte une dernière fois les micro-organismes et, si le feu est vert, il embouteille. Déjà limpides, les vins ne sont pas filtrés avant la mise. « Celle-ci est réalisée par un prestataire sensibilisé à nos méthodes, avec une chaîne minutieusement nettoyée et rincée, sans additifs ni inertage. » Éric Texier a testé plusieurs bouchages. « Nous avons, par exemple, essayé les bouchons Diam, mais ils ne convenaient pas à la syrah, entraînant trop de réduction. » Il est donc revenu au liège naturel.

Valorisation « Une plus-value énorme »

Éric Texier vend presque la totalité de ses vins sans sulfites à l'export. Il reconnaît que faire du vin sans soufre lui apporte une plus-value commerciale énorme. « Une certaine clientèle, notamment les Anglo-Saxons, est très sensible à la baisse des intrants. Ces dernières années ont vu l'avènement d'un marché professionnel sur ce segment. Mes clients ne boiront jamais de Mouton Cadet. En plus, ce marché est alimenté par les blogs et les réseaux sociaux. Il suffit d'un article pour se retrouver avec une commande de 3 000 ou 4 000 bouteilles. »

Ses surcoûts

20 000 € pour l'achat de deux microscopes afin de contrôler levures et bactéries.

L'essentiel de l'offre

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