Enherber sous le rang c'est possible

On peut enherber la ligne des souches sans perte de rendement ni de vigueur. Mais cette pratique engendre un surcoût lié au temps passé à tondre l'herbe.

Zéro Herbi Viti : tel est le nom d'une vaste étude* menée dans le bassin Adour-Garonne de 2009 à 2013. Son objectif : enherber intégralement les vignes, y compris sous le rang, pour supprimer tout recours aux herbicides. La ligne des souches est alors maintenue propre par des tontes régulières, tout comme l'interrang. Pour cela, il faut s'équiper de tondeuses intercep.

Que faut-il retenir de cette étude réalisée à l'échelle de parcelles entières ? Que dans la plupart des cas, « l'enherbement intégral induit une trop forte concurrence hydrique et azotée vis-à-vis de la vigne. Il s'ensuit une baisse de la vigueur et des rendements qui peut aller jusqu'à 30 % », note Christophe Gaviglio, de l'IFV pôle Sud-Ouest. Pour compenser cet effet, des viticulteurs sont passés au désherbage mécanique un interrang sur deux, en conservant l'enherbement de tous les rangs. « Cela résoud le problème du rendement et de la vigueur. Mais, dans les interrangs travaillés, on ne peut pas passer avec un outil d'entretien du sol équipé de tondeuses interceps. » En effet, le positionnement et le réglage de ces tondeuses sont plus difficiles dans ces interrangs que dans ceux enherbés. Il peut se former une marche entre le cavaillon et l'interrang. Cela nécessite alors un équipement spécifique : un portique monté à l'avant du tracteur avec deux modules de tonte qui travaillent sur le même rang. Autre solution : travailler le côté du cavaillon qui jouxte l'interrang travaillé, et tondre l'autre côté.

L'étude pointe également la lenteur des outils de tonte sous le rang. « Ils progressent de 2 à 3 km/h. En améliorant les réglages, on peut gagner en débit de chantier. Mais, en pratique, les viticulteurs préfèrent aller moins vite pour limiter les risques de blessures », rapporte Christophe Gaviglio.

Autre problème : la gestion des fils releveurs. Ceux-ci ne doivent pas rester au sol au printemps. Sinon, ils se prennent dans la tondeuse. De même, l'épamprage mécanique ou manuel ne peut se pratiquer que si les souches sont bien dégagées. Il faut donc tondre avant. « À noter que des solutions combinant les deux opérations existent sur le marché », rappelle Christophe Gaviglio.

Les experts et les viticulteurs ont aussi remarqué que l'enherbement convient mieux quand il est semé plutôt que spontané. Cela permet de choisir des espèces peu concurrentielles et de réduire la fréquence des tontes. Seul hic, il reste difficile d'effectuer des semis sous le rang à grande échelle faute de matériel adéquat. « Toutefois, en utilisant des éléments du commerce, on peut construire un semoir à moindre coût », assure Christophe Gaviglio.

Sur le plan économique, l'enherbement sous le rang engendre des surcoûts très variables d'une exploitation à l'autre. Ils sont tous liés à la fréquence des tontes, laquelle dépend du seuil de tolérance des viticulteurs vis-à-vis de l'herbe. « Quand la technique est maîtrisée, le surcoût est de l'ordre de 10 %, ce qui reste acceptable », note Christophe Gaviglio.

Se passer d'herbicides, comme on le voit, nécessite une remise en cause profonde des pratiques. Mais rien d'insurmontable, selon l'expert de l'IFV. Des viticulteurs ont déjà adopté l'enherbement intégral. Et lorsqu'il faut suivre un cahier des charges précis, « c'est le technicien qu'il faut convaincre, pour qu'il ne déclasse pas la parcelle sous prétexte qu'il y a de l'herbe sous le rang, alors que les autres paramètres de la qualité du raisin sont au beau fixe », indique Christophe Gaviglio.

(*) Étude menée par l'IFV, les chambres d'agriculture de la Gironde et de la Charente, l'université de Toulouse (Certop, sociologie) et l'école d'ingénieurs de Purpan.