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VIN

Embouteillage Un piège à oxygène

MARION BAZIREAU - La vigne - n°279 - octobre 2015 - page 54

Un contacteur à membrane permet d'éliminer l'oxygène dissous dans les vins puis de réajuster leur teneur en gaz carbonique, le tout juste avant la mise. Un embouteilleur à façon s'est laissé tenter par ce nouvel outil.
DE GAUCHE À DROITE, FRANCOIS RIGAIL ET NICOLAS POURTAUD, les inventeurs de Pervélys, ont convaincu le prestataire Denis Legras. © M. BAZIREAU

DE GAUCHE À DROITE, FRANCOIS RIGAIL ET NICOLAS POURTAUD, les inventeurs de Pervélys, ont convaincu le prestataire Denis Legras. © M. BAZIREAU

Depuis quelques mois deux jeunes ingénieurs sillonnent les routes de France. François Rigail et Nicolas Pourtaud dirigent Ymélia, une entreprise héraultaise d'ingénierie viticole. Ils vont à la rencontre de prestataires d'embouteillage pour présenter leur nouveauté : Pervélys, un contacteur à membrane. La technique, utilisée depuis quelques années pour désalcooliser, permet aujourd'hui de désoxygéner et de décarbonater ou carbonater un vin, juste avant sa mise en bouteilles.

Le 21 juillet, les deux compères se sont arrêtés sur le site de conditionnement du château Puech-Haut, à Lunel (Hérault), pour l'embouteillage de quelques centaines d'hectolitres de rosé. Ils y ont retrouvé Denis Legras, prestataire embouteilleur, et Mathieu Ciampi, maître de chai du domaine. En quelques minutes, ils ont installé Pervélys devant le camion d'embouteillage, juste avant la palette de filtration reliée à la tireuse. Une fois l'appareil en marche, et pendant qu'une dizaine d'employés s'affairait dans le camion, ils ont pu prendre leur petit-déjeuner... car le système est entièrement automatisé.

Nicolas Pourtaud, ingénieur oenologue, explique le process : « Le vin est envoyé à l'extérieur d'une membrane tubulaire hydrophobe constituée de fibres poreuses, dont l'intérieur est mis sous vide. Du fait de la différence de pression entre les deux faces, l'oxygène, le gaz carbonique et l'azote dissous traversent la membrane. »

D'après Inter Rhône, le rendement de désoxygénation du vin peut atteindre 92 %. « Dans le même temps, on peut renvoyer du CO2 à l'intérieur de la membrane. En réglant la pression, on définit la quantité qui repasse dans le vin. » Il suffit de taper la valeur cible sur l'écran tactile de Pervélys. En un seul passage, le vin est donc désoxygéné et réajusté en CO2. De plus, le système s'adapte aux fluctuations de débits et aux arrêts de la chaîne de tirage, sans modifier les doses de gaz administrées. En sortie de membrane, un analyseur de CO2 Anton Paar permet de vérifier les teneurs en gaz dissous.

François Rigail, ingénieur en automatisation, ajoute que « l'on peut également utiliser Pervélys dans d'autres situations, lors d'un transfert entre deux cuves ou du dépotage d'un camion, par exemple, à condition que le vin soit filtré au minimum à 50 µm ».

Mathieu Ciampi est heureux du bon déroulement des opérations. C'est Denis Legras qui lui a proposé l'expérience. « L'idée nous a tout de suite plu car nous cherchons à réduire notre sulfitage. À la mise, nos vins contiennent en moyenne 30 à 35 mg/l de SO2 libre. En éliminant l'oxygène lors du tirage, nous espérons diviser ces teneurs par deux. » Pour que le vin garde fraîcheur et vivacité, il a choisi de réajuster le CO2 à 1 100 mg/l. Et pour assurer une protection totale contre l'oxydation, les bouteilles ont été balayées à l'azote juste après le tirage.

En fin de journée, les techniciens ont simplement rincé la machine à l'eau chaude. D'après Nicolas Pourtaud, « le nettoyage chimique n'est indispensable qu'une fois par semaine ».

Pervélys est vendu entre 60 000 et 150 000 euros. Seules les grosses structures trouveront donc un intérêt à investir : négociants, centres de conditionnement ou prestataires de services. Conquis, Denis Legras projette d'équiper un de ses camions. Il rentabilisera son investissement sur la durée en refacturant le nouveau service à ses clients à hauteur de 3 centime la bouteille. Pour l'heure, outre Ymélia, deux entreprises s'intéressent aux contacteurs membranaires, Inoxpa et Michaël Paetzold. Ce dernier a d'ailleurs un projet sur la gestion des gaz dissous (projet MO2VE 2014-2018), en partenariat avec d'autres fournisseurs et plusieurs structures de recherche (Diam, Seguin Moreau, ISVV, Inra...).

D'autres solutions pour désoxygéner

- Le stripping : c'est la désoxygénation du vin lors d'un transfert, en sortie de pompe, à l'aide d'un injecteur de gaz neutre (azote ou CO2) et d'un diffuseur en Inox fritté. Le diffuseur provoque l'apparition de microbulles qui entraînent avec elles l'oxygène présent en excès. Des essais d'Inter Rhône ont montré que le stripping élimine jusqu'à 85 % de l'oxygène dissous avec une consommation d'azote de l'ordre de 0,5 à 1 litre par litre de vin. La longueur de tuyau après injection doit être supérieure à 25 m car l'efficacité du système est liée au temps de contact gaz/vin. Une désoxygénation statique est également possible mais ne permet d'éliminer que 20 % de l'oxygène dissous. Ici, deux solutions : injecter un gaz neutre dans la cuve, en passant une canne avec un embout fritté par la vanne du bas ou en lestant un fritté dans le fond d'une cuve.

- La désoxygénation par éjecteur : à l'inverse du stripping, c'est le vin qui est injecté dans le gaz.

Cette technique est efficace mais peu répandue. Le vin passe par une buse et accélère avant d'entrer en contact avec le gaz neutre. L'émulsion créée est de nouveau accélérée dans un cylindre de transfert. Puis le vin traverse un cône de diffusion et retrouve une vitesse proche de sa vitesse initiale.

- D'autres systèmes existent chez plusieurs fournisseurs. Entre autres applications, ils permettent de désoxygéner, décarbonater ou carbonater. C'est le cas de Parsec avec Evo 1000 et de Michael Paetzold avec De(O2)S.

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