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« Nos jeudis de la Perdrix, des soirées profitables »

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°279 - octobre 2015 - page 55

AU DOMAINE DE LA PERDRIX, André et Virginie Gil organisent des soirées associant dégustation, grillades et concert. Ils préparent tout à l'avance pour se consacrer à leurs clients à qui ils parlent de leurs vins.
ANDRÉ GIL prend le temps de rencontrer ses clients pour des conversations à bâtons rompus autour de ses vins.  F. EHRHARD

ANDRÉ GIL prend le temps de rencontrer ses clients pour des conversations à bâtons rompus autour de ses vins. F. EHRHARD

LES CONVIVES PAIENT 12 EUROS au caveau où ils reçoivent un verre pour déguster et un bon pour une assiette de fromage et de charcuterie (ci-dessus).  F. EHRHARD

LES CONVIVES PAIENT 12 EUROS au caveau où ils reçoivent un verre pour déguster et un bon pour une assiette de fromage et de charcuterie (ci-dessus). F. EHRHARD

Celles-ci sont garnies à l'avance (ci-dessus). F. EHRHARD

Celles-ci sont garnies à l'avance (ci-dessus). F. EHRHARD

André prépare aussi de grands barbecues où les clients feront griller la viande qu'ils ont apportée. F. EHRHARD

André prépare aussi de grands barbecues où les clients feront griller la viande qu'ils ont apportée. F. EHRHARD

Les « Jeudis de l'été » du domaine de la Perdrix sont une institution rodée. Depuis six ans, ils séduisent les amateurs de vins et de musique. Ce 27 août, 150 personnes ont réservé leur place pour la soirée qui commence par une dégustation de vins, se poursuit avec un repas de grillades et s'achève par un concert.

Il est 18 h 30, les clients vont bientôt arriver au domaine, à Trouillas, dans les Pyrénées-Orientales. Tout n'est pas encore prêt mais André Gil, le propriétaire, garde son sang-froid. Il prend le temps d'aider les trois musiciens à régler la sono. Sa femme Virginie fait le point sur le nombre de tables avec Valérie, l'une des deux salariés de la propriété. Pendant ce temps, Benjamin, leur fils, et Mathias, le caviste, préparent les verres. Ce matin, l'équipe a pris deux heures pour installer les tables et les chaises devant le chai. Depuis 16 heures, elle prépare les assiettes qui accompagneront la dégustation des vins. Au menu : jambon, chorizo et tome. André, qui a été restaurateur, montre à Mathias comment s'y prendre. « J'ai acheté une trancheuse professionnelle, c'est indispensable pour gagner du temps. Et, avec des tranches d'une épaisseur constante, il est plus facile de maîtriser les quantités et donc les coûts », précise-t-il.

Les clients paient 12 € par adulte. Ce prix comprend l'assiette de charcuterie et de fromages du terroir, les quatre vins de la dégustation, le concert et l'atelier d'art plastique pour les enfants. « C'est un peu juste pour couvrir tous les frais. Nous prévoyons de monter à 15 € en deux ans », note le vigneron. Les premiers clients arrivent, chargés d'une glacière. À l'intérieur : de quoi faire des grillades. En effet, André met des barbecues à leur disposition afin qu'ils puissent dîner avant le concert. « Je ne fournis pas les repas. Chacun apporte sa viande à griller, ses assiettes et ses couverts. C'est plus simple pour moi. »

Le parking se remplit rapidement. Heureusement, il y a de la place. « Il y a six ans, quand nous avons construit notre nouveau chai, nous avons prévu de développer l'accueil », poursuit le viticulteur. Dès le premier été, il a organisé des soirées. « J'apprécie la musique, les vins, les grillades et les discussions entre amis. J'avais envie de partager ces plaisirs avec mes clients », se souvient-il. Le succès a été rapide. Depuis, il ne se dément pas. « Cela nous aide à développer les ventes au caveau, qui représentent aujourd'hui 20 % de nos débouchés. Les acheteurs se souviennent des bons moments passés dans ces soirées et les associent à nos vins. »

Dans le chai, Mathias débouche six bouteilles de chacun des vins prévus pour la dégustation. « J'aime participer à ces soirées, c'est festif et c'est une bonne occasion d'avoir des avis sur notre travail. »

Vers 19 h 45, la plupart des participants sont installés. André prend le micro. Il commente le premier vin, un muscat de Rivesaltes, « vendangé tôt le matin et vinifié après une macération pelliculaire pour capter les arômes floraux ». Puis la dégustation se poursuit avec un muscat sec. Virginie, Valérie et Mathias servent les convives. André explique les deux modes de vinification et donne quelques conseils d'accords des mets avec les vins. « Le muscat sec avec les asperges, c'est excellent », suggère-t-il.

Il marque ensuite une pause au cours de laquelle il prend le temps de passer à chaque table pour discuter en toute simplicité avec ses hôtes. Il s'enquiert si tout se passe bien et prend des nouvelles de ceux qu'il connaît déjà.

« C'est important d'être disponible, et à l'écoute de leurs remarques sur nos vins. Cela nous aide à progresser », note-t-il. Patrick et Mireille, deux habitués, l'interpellent. « Je ne connaissais pas votre muscat sec. Il est délicieux, je le boirais volontiers avec un melon », lance Patrick. « Oui, c'est une bonne idée. Et, avec le roquefort, le muscat de Rivesaltes se marie très bien », complète André.

La dégustation se poursuit par la découverte d'un rosé puis d'un rouge, boisé grâce à des copeaux. Avec ses tanins souples et ses notes épicées, le Corto est le vin phare du domaine. Labellisé en IGP Côtes catalanes, il associe 80 % de syrah et 20 % de carignan. « J'en achète régulièrement. À 7 € le col, il est très abordable, bien moins cher qu'un bordeaux d'une qualité équivalente », estime Patrick.

Chaque jeudi, André renouvelle le thème de la dégustation. Les semaines précédentes, il a présenté des rosés de saignée et de presse en expliquant ce qui les distingue, ou encore des vins boisés par des copeaux ou par l'élevage dans des barriques de chêne et d'acacia, pour faire apprécier les différences gustatives. « Je cherche à donner des informations sans ennuyer. Il y a des gens curieux et d'autres moins », constate-t-il.

Pendant que les convives finissent de déguster, André prépare les barbecues. Le charbon de bois est déjà installé, il ne reste qu'à lancer le feu. En dix minutes, la braise est prête. Il retourne alors au micro pour inviter les participants à aller faire griller leur viande. Autour des grills, les conversations vont bon train. Parfois, André s'en mêle. Il reste toujours à la disposition de ses visiteurs, veillant à leurs besoins.

« C'est la première fois que je viens, souligne Frédéric. Le muscat sec m'a beaucoup plu. Il est très parfumé et différent de celui que j'achète d'habitude. » À la table voisine, Mélanie est venue avec des amis et de la famille. « La formule est originale, je ne la connaissais pas. C'est sympa, mais il faudrait mieux caler la dégustation des vins avec les mets offerts dans l'assiette », relève-t-elle. Ses deux enfants ont participé à l'atelier et rapportent leurs chefs-d'oeuvre à table. « Quelle bonne idée, cet atelier ! »

Plus loin, Laure, Nathalie et Jasna sont des habituées qui viennent depuis plusieurs années. « La première fois, c'est un ami amateur de vins qui m'a entraînée. C'est ici que j'ai appris à déguster et à apprécier les vins », commente Jasna. Mais la musique a aussi son importance. « Il y a de bons groupes, de styles variés, et une ambiance bon enfant. Autour des grillades les gens se lient facilement, c'est convivial », apprécie Nathalie.

Pendant que les convives finissent de dîner, Mathias commence à ranger le chai. Dehors, André nettoie les tables devant les grills. Puis il annonce le concert et cède le micro aux musiciens. À eux de chauffer le public !

Depuis le début de la soirée, ni lui ni sa femme ne se sont posés un seul moment. « Nous sommes là pour veiller au bien-être de chacun, vérifier que tout va bien », explique Virginie. La soirée se finira avant minuit. Le lendemain, il faudra finir de ranger. Pour André, « c'est fatigant. Mais nous apprécions la musique et l'ambiance. C'est une bonne façon de profiter de l'été sans être en vacances ».

C'est surtout une façon d'enrichir le fichier des clients du domaine. Plus de 4 000 noms y figurent désormais, parmi lesquels de nombreux touristes. Certains reviennent tous les ans car ils ont une résidence secondaire dans le Roussillon. D'autres achètent par correspondance les vins qu'ils ont découverts lors de leurs vacances. « Nous avons créé une boutique sur Internet, elle représente déjà 10 % de nos ventes », note André. Quant aux retombées, elles varient d'une soirée à l'autre. Les participants achètent entre deux et six bouteilles par table pour accompagner leur repas. Ils rapportent aussi des cartons chez eux.

Ce 27 août, les ventes n'ont atteint que 110 cols pour 700 € de chiffre d'affaires. « C'est une petite soirée de fin d'été. Il reste surtout une clientèle locale qui s'approvisionne au fil de l'année. Les jeudis précédents, les touristes ont fait le plein avant de repartir. Nous avons vendu plus », constate Virginie. « Nous avons déjà fait plus de 3 000 € de chiffre d'affaires en une soirée. C'est l'équivalent d'un petit salon, sans le déplacement », souligne André.

Le domaine en chiffres

André et Virginie Gil sont installés à Trouillas, dans les Pyrénées-Orientales. Avec 35 ha de vignes en production, ils vinifient en moyenne 1 000 hl et commercialisent 110 000 cols. Leur gamme comprend des côtes-du-roussillon, du muscat de Rivesaltes et du rivesaltes, ainsi que des IGP Côtes catalanes. « Nous vendons 20 % au caveau, 10 % par Internet, 35 % dans le circuit traditionnel et 35 % à l'export », précise Virginie Gil. Au caveau, les prix TTC vont de 5,20 à 22 €/col. Sur le web, les tarifs démarrent à 8 € TTC/col et montent jusqu'à 24,50 €/col, par carton de six. « C'est au-dessus de 8 €/col que la marge devient correcte. Nous avons besoin de nous développer dans cette gamme de prix pour amortir les gros investissements que nous avons faits. »

LES CONSEILS D'ANDRÉ POUR RÉUSSIR VOTRE SOIRÉE CONCERT-DÉGUSTATION

- Invitez vos clients à venir avec leur pique-nique. « Si vous sous-traitez les repas dans votre offre, vous ne pouvez pas couvrir les frais en restant à un prix accessible. Et si vous cuisinez vous-même, il y a beaucoup de contraintes à respecter », note André.

- Occupez les enfants pour qu'ils ne courent pas partout. Les parents comme les autres adultes profitent ainsi tranquillement de leur soirée.

- Équipez-vous. Le domaine de la Perdrix a acheté une trancheuse et une laveuse de verres. « Ces outils indispensables s'achètent d'occasion, autour de 1 000 € chacun. Tables et chaises peuvent aussi être trouvées à moindre coût sur un site comme Le Bon Coin. »

- Préparez tout à l'avance. Rien ne doit manquer au dernier moment, et chacun doit savoir ce qu'il a à faire. « Je ne veux pas devoir courir devant les clients. J'ai besoin de rester disponible pour échanger avec eux. »

- Ne cherchez pas à accueillir trop de monde. « Avec notre personnel et notre matériel, 150 personnes, c'est suffisant. Au-delà, il faudrait faire appel à des prestataires, ce serait moins convivial. »

- Pensez à communiquer. « Pour faire connaître nos soirées, nous envoyons un mail à tous nos clients chaque semaine. Le bouche-à-oreille fait le reste. Nous utilisons un logiciel de mailing professionnel qui nous permet d'avoir de beaux visuels et d'ajouter des pièces jointes. Les gens peuvent ainsi regarder une vidéo des musiciens que nous invitons. Pour réserver, ils n'ont qu'à cliquer sur un lien », détaille André. Une page Facebook annonce aussi le programme de l'été, et les offices du tourisme relaient l'information.

- N'oubliez pas la sécurité.

Le domaine de la Perdrix s'est équipé d'extincteurs et d'un dispositif d'urgence pour couper l'électricité sur la scène. « Nous avons aussi souscrit une assurance pour l'accueil du public, qui nous coûte 380 € par an », note Virginie.

Une occupation pour les enfants

Ce jeudi, 24 enfants sont accueillis par Nathalie qui va les initier au modelage de l'argile. « Ils adorent ! Et cela permet aux parents de profiter sereinement de la soirée », note-t-elle. Ces jeudis attirent aussi bien de jeunes adultes que des retraités. « Les trentenaires d'aujourd'hui assureront le renouvellement de notre clientèle. Ils ont des enfants, je dois prévoir des activités pour les occuper », relève André, qui annonce le début de l'atelier d'arts plastiques au micro. « N'oubliez quand même pas de récupérer vos enfants avant de partir », lance-t-il avec humour.

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