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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Gascogne Un terroir qui s'affirme

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 44

L'IGP Côtes de Gascogne a bien résisté à l'arrivée des vins sans indication géographique avec mention de cépage. La plupart des opérateurs ont joué le jeu et maintenu une IGP de qualité. Aujourd'hui, ils récoltent les fruits de leurs efforts.
JOËL BOUEILH, président de Plaimont Producteurs. © B. DUGROS

JOËL BOUEILH, président de Plaimont Producteurs. © B. DUGROS

NADÈGE ET SYLVAIN FONTAN, vignerons à Noulens (Gers), ont réalisé un gros travail sur la qualité qui s'avère payant. © CAZARAMA

NADÈGE ET SYLVAIN FONTAN, vignerons à Noulens (Gers), ont réalisé un gros travail sur la qualité qui s'avère payant. © CAZARAMA

En 2010, la filière de l'IGP Côtes de Gascogne a vu d'un mauvais oeil l'arrivée des vins de cépages sans indication géographique (VSIG). Elle redoutait de voir de grandes quantités de raisins, auparavant vinifiées en IGP, partir en VSIG. « Au départ, nos inquiétudes se sont vérifiées, reconnaît Alain Desprats, directeur de l'ODG et de la section interprofessionnelle des Côtes de Gascogne. Les deux premières années, nous avons perdu entre 100 000 et 150 000 hl par an. Mais cela n'a pas duré. Depuis, nous avons repris 50 000 hl, pour atteindre environ 800 000 hl en IGP en 2015, dont 740 000 hl en côtes-de-gascogne et 60 000 hl en comté-tolosan. Cela prouve que l'IGP Côtes de Gascogne résiste et qu'elle a une belle notoriété. » De fait, 70 % de ses volumes sont exportés dans cent quarante pays.

« Le bon maintien de l'IGP est important cette année où les vins de France sont considérés comme trop chers, ajoute Bernard Balleton, courtier chez Papelorey et Fils, à Larressingle (Gers). Ces deux dernières années, les prix des VSIG ont grimpé. Du coup, les négociants, nos acheteurs, ont été déréférencés par leurs clients. Heureusement, cela ne s'applique pas aux IGP qui sont demandés et retirés très rapidement. L'IGP est une parade au marché international car elle rappelle le terroir et joue la carte des cépages autochtones. Et l'on est assuré d'avoir une bonne qualité du premier hectolitre au dernier, ce qui n'est pas toujours le cas avec les vins sans IG. »

Le côtes-de-gascogne, l'IGP numéro deux en volume après celle des Pays d'Oc, n'a que trente ans d'existence. « Ce n'est rien comparé au vignoble d'armagnac qui existe depuis sept cents ans, s'exclame Alain Desprats. C'était un défi de produire un nouveau vin sur un vignoble historique, avec ses cépages traditionnels que sont le colombard, l'ugni blanc et le gros manseng. Nous avons réussi à créer un style affirmé, avec des profils aromatiques d'agrumes et de fruits exotiques. »

La Gascogne n'a pas voulu céder aux sirènes des vins de sauvignon ou de chardonnay. Pas plus qu'aux cépages alsaciens. « Notre spécialité, c'est d'assembler au moins deux cépages autochtones, renchérit Alain Bonnet, président de la section interprofessionnelle des Côtes de Gascogne. Nous n'avons jamais été dans une dynamique de monocépage. »

Pour Plaimont Producteurs, une union de coopératives basées à Saint-Mont, la question ne s'est jamais posée. « Nous vendons uniquement des vins liés à l'origine, composés de cépages locaux, explique Joël Boueilh, le président. C'est notre ADN. Quand on propose des vins aromatiques qui plaisent aux consommateurs, on n'a pas peur des VSIG, même avec des mentions de cépages et de millésime. Et nos prix résistent. Nous les avons augmentés en 2013, faute de volumes, et nous les avons maintenus depuis. »

Plaimont Producteurs et la cave de Condom totalisent 40 % des volumes de l'IGP Côtes de Gascogne, soit 28 millions de bouteilles par an, vendues dans trente pays.

Chez Nadège et Sylvain Fontan, les ventes ne faiblissent pas. Installé à Noulens (Gers), ce couple produit 800 000 bouteilles et bag-in-box d'IGP, dont 40 % partent à l'export « Les monocépages sont moins prisés qu'il y a cinq ans. Le consommateur recherche davantage de complexité, ce qu'il trouve dans nos assemblages, analyse Nadège Fontan. Nous effectuons un gros travail sur la qualité, même si le côtes-de-gascogne n'est qu'une IGP. Nous sommes dans un bon rapport qualité-prix, qui convient à un public jeune. Du coup, les prix se maintiennent. »

Vigneron vraqueur à Larroque-sur-l'Osse (Gers), Nicolas Cambos confirme la tendance. « Le côtes-de-gascogne est sur des marchés à belle valeur ajoutée. Les clients sont fidèles pour peu qu'on leur propose des assemblages aromatiques, prêts à être mis en bouteille, et que l'on soit capable de les stocker car les négociants ont besoin de vins toute l'année. C'est sur ces marchés, avec notre identité territoriale, qu'on a de l'avenir. Aujourd'hui, alors que le prix des blancs sans IG baisse, le côtes-de-gascogne résiste très bien. Il y a deux ou trois ans, il n'y avait pas de différence de prix entre un IGP et un bon vin de cépage sans IG. Aujourd'hui, si. »

Le discours diffère légèrement à l'union de coopératives CVG (Caves et Vignobles du Gers). Cette entreprise commercialise 150 000 hl d'IGP Gascogne et Comté-Tolosan, uniquement en vrac. Elle propose aussi bien des vins de cépages que des assemblages. « Nous sentons les clients enclins à valoriser des cépages internationaux (sauvignon, chardonnay, merlot, cabernet-sauvignon) avec l'origine Gascogne, souligne Éric Lanxade, directeur commercial. Tout l'enjeu consiste maintenant à valoriser nos cépages autochtones tels que le colombard ou le gros manseng pour lequel nous avons de fortes ambitions. »

740 000 hl

C'est le volume revendiqué en IGP Côtes de Gascogne en 2015 (production 2014), soit 8,6 % de plus qu'en 2014. Source : ODG

ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...

- Le travail sur la charte encadrant la conduite du vignoble a été mis en sommeil, suite aux petites récoltes de 2013 et 2014, alors que les responsables de l'IGP Côtes de Gascogne y réfléchissent depuis plusieurs années. « Nous devons différencier les vignes destinées au VSIG et celles en Côtes de Gascogne, souligne Bernard Bonnet, président de la section interprofessionnelle Gascogne. Nous voulons que des parcelles soient clairement déterminées à l'avance afin de ne pas faire des choix a posteriori, liés au hasard et à la météo. Nous devons être draconiens pour rassurer l'aval. » La charte prévoit notamment une limite de rendement de 100 hl/ha en IGP. Il est question que les vignerons l'adoptent sur la base du volontariat.

ÇA MARCHE AUSSI... À GAILLAC

Cédric Carcenac, président de l'ODG de l'AOC Gaillac.

Cédric Carcenac, président de l'ODG de l'AOC Gaillac.

- L'ODG Gaillac veut monter ses vins en gamme en misant sur la typicité des cépages autochtones. Pour cela, il a déposé auprès de l'Inao un projet de modification du cahier des charges de l'AOC Gaillac rouge. « L'idée est de rendre obligatoire l'emploi de 70 % de cépages autochtones que sont le braucol, le duras, la syrah et le prunelard, et de n'autoriser que 30 % de cépages extérieurs (merlot, cabernet, gamay...), au lieu de 50 % aujourd'hui, explique Cédric Carcenac, vigneron à Montans, dans le Tarn, et président de l'ODG de Gaillac. Les rendements seraient, eux, limités à 55 hl/ha. Nous voulons aussi permettre aux vins monocépages faisant appel à un cépage autochtone - excepté la syrah - de prendre place au sein de l'appellation. Cela rendrait, par exemple, possible la vente de très bonnes cuvées de braucol sous AOC et non comme des IGP. » Début 2016, une commission d'enquête de l'Inao se penchera sur l'intégration du prunelard dans l'AOC.

- La filière voudrait hiérarchiser ses crus dans un deuxième temps.

ÇA MARCHE AUSSI... À FRONTON

- En juin dernier, un vin de Fronton (Haute-Garonne) a été désigné parmi trente-cinq lauréats des Decanter World Wine Awards par le magazine américain Decanter. Il s'agit du Château Bouissel 2011, vin bio élaboré à base de négrette, de malbec et de syrah par Anne-Marie et Pierre Selle. La propriété compte 21 ha de vignes et produit 10 000 bouteilles par an. « Jean-Luc Petirenaud a évoqué ce prix dans un reportage sur France 3. Cela nous a permis de vendre notre cuvée 2011 beaucoup plus rapidement que d'habitude, reconnaît Anne-Marie Selle. Nous avons eu plus de visites au domaine et plus de monde sur notre stand à la fête Saveurs et Senteurs de Fronton, fin août. Nous avons aussi retrouvé des clients à l'export qui avaient besoin d'être rassurés. Maintenant, tout le monde attend le millésime 2012, mais nous ne voulons pas précipiter les choses. » La Maison des vins de Fronton en a profité pour communiquer sur cette récompense par un affichage sur seize panneaux Decaux de 2 m², à l'aéroport de Toulouse-Blagnac où passent sept millions de passagers par an. « C'était l'occasion de mettre un beau coup de projecteur sur l'appellation et sur la négrette », se réjouit Benjamin Piccoli, directeur de la Maison des vins.

ÇA MARCHE AUSSI... À CAHORS

F. Drougard, J. Roche (ex-propriétaire de Croze de Pys) et F. Coirault, créateurs de V et Fruits. © UIVC

F. Drougard, J. Roche (ex-propriétaire de Croze de Pys) et F. Coirault, créateurs de V et Fruits. © UIVC

- Des investisseurs redécouvrent la région. « À Cahors, des investisseurs s'intéressent au vignoble, à ses terroirs d'une grande diversité et au malbec, cépage international, explique Jérémy Arnaud, directeur marketing de l'interprofession (UIVC). Ils sont attirés par la nouvelle image des vins et par leur repositionnement progressif en prix. Sur les 21 700 ha de l'AOC, 7 000 ont été diagnostiqués comme ayant un grand potentiel, dont 2 500 propres à produire de très grands vins. » Les derniers a avoir investi sont François Drougard et Fabien Coirault, créateurs de l'entreprise V et Fruits, spécialisée dans les vins aromatisés. En juin, ils ont racheté le domaine Croze de Pys et ses 50 ha en AOP Cahors. « Nous voulons vendre la totalité de la production en bouteilles (400 000 cols), alors que 40 % partaient en vrac auparavant, confie François Drougard. Nous sommes en contact avec deux mille points de vente en direct. Par ailleurs, nous achetons d'autres terres dans le Lot pour planter des vignes pour de l'IGP et des vins de cépage. » Les Argentins, grands spécialistes du malbec, s'intéressent aussi au vignoble et font actuellement des visites en vue d'acheter des exploitations. Une bonne nouvelle lorsqu'on sait que 25 % des vignerons cherchent un acquéreur car ils n'ont pas de repreneur au sein de leur famille.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :