Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Nouvelle progression de la flavescence dorée

JULIETTE CASSAGNES - La vigne - n°283 - février 2016 - page 32

Les prospections réalisées durant l'automne dernier révèlent la forte dissémination de la flavescence dorée en France. La maladie progresse presque partout excepté en Bourgogne.
PROSPECTION DE VIGNES à La Chapelle-de-Guinchay. La recherche de cep malade est une priorité en Bourgogne. © C. MICHELIN

PROSPECTION DE VIGNES à La Chapelle-de-Guinchay. La recherche de cep malade est une priorité en Bourgogne. © C. MICHELIN

UN VITICULTEUR marque un cep de pinot noir présentant des symptômes suspects de rougissement, à Santenay, en Côte-d'Or. © C. MICHELIN

UN VITICULTEUR marque un cep de pinot noir présentant des symptômes suspects de rougissement, à Santenay, en Côte-d'Or. © C. MICHELIN

Aquitaine

Stabilité à Bordeaux, stupeur à Jurançon

Sur les 29 200 hectares prospectés en 2015 en Aquitaine, environ 44 000 pieds contaminés par la flavescence dorée ont été décelés (et/ou au bois noir), soit 10 % de plus que l'an dernier. Le principal vignoble concerné reste la Gironde où la surface à arracher passe de 8 ha en 2014 à 11 ha en 2015.« En Aquitaine, il y a une légère progression de la maladie entre 2014 et 2015. Sauf dans des secteurs limités, où la progression est marquée », commente Thierry Aumonier, du Sral (Service régional de l'alimentation). C'est le cas à Jurançon, où l'on a découvert des foyers très importants hors du PLO (périmètre de lutte obligatoire). De 200 pieds contaminés en 2014, le vignoble est passé à 3 700 en 2015. Le PLO 2016 sera agrandi pour tenir compte des nouvelles communes touchées.

Bourgogne

L'exception

Le nombre de pieds contaminés en Bourgogne continue de diminuer. C'est le résultat d'une lutte précise et efficace, notamment dans le nord du Mâconnais (Saône-et-Loire), secteur où la maladie était bien présente. Sur l'ensemble de la Bourgogne, en 2015, seuls 17 pieds positifs à la maladie ont été détectés. Pour mémoire, 31 avaient été dénombrés en 2014 et 64 en 2013. « La situation s'améliore très significativement, commente Claude Magnien, du Sral Bourgogne. Cependant, chaque année, nous découvrons de nouvelles communes contaminées, avec des pieds isolés. Cela montre la nécessité de continuer à prospecter les zones indemnes pour ne pas passer à côté de nouveaux foyers. »

Languedoc-Roussillon

Le prix du relâchement

Les résultats de 2015 sont dans la lignée de 2014 : mauvais. La surface de vignes à arracher cette année représente environ 65 hectares, contre 56 l'an passé. 26 hectares se situent dans l'Hérault, 22,5 dans l'Aude, 13,5 dans les Pyrénées-Orientales et 2,7 dans le Gard. Dans ce dernier département, la surface diminue nettement mais le nombre de « petits foyers » progresse. « La maladie est en expansion géographique, commente Christophe Pueyo, du Sral Languedoc-Roussillon. Un phénomène certainement lié à une prospection plus fine : on cherche plus, donc on trouve plus de petits foyers. »

Dans les trois autres départements, où la maladie est installée depuis plusieurs dizaines d'années, il n'est plus question d'assainir le vignoble « mais de maintenir la maladie à un niveau acceptable », ajoute Christophe Pueyo. Sa recrudescence depuis 2009 tient à un « relâchement » dans la lutte rendue compliquée pour « l'immensité du territoire » et dont seulement 20 % des 228 000 ha sont inspectés chaque année.

Midi-Pyrénées

21 000 ceps à arracher

« Tous les départements de la région sont touchés, hormis, peut-être, l'Aveyron », résume Matthieu Nouvel, du Sral Midi-Pyrénées. L'augmentation des surfaces inspectées dans le Tarn, le Gers, la Haute-Garonne et le Tarn-et-Garonne conduisent à la découverte d'un nombre toujours plus important de pieds contaminés. En 2015, 12 000 hectares de vigne ont été prospectés, soit 32 % environ du vignoble régional.

Ces recherches ont conduit à détecter environ 21 000 pieds avec des symptômes de jaunisse et qu'il faut donc arracher. En 2014, environ 9 000 pieds infectés avaient été dénombrés dans ces quatre départements sur 7 000 hectares inspectés. Madiran et Cahors abritent moins de foyers, mais les prospections y sont aussi moins nombreuses.

Paca

Deux fois plus de foyers

La flavescence dorée s'est encore diffusée dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône. Le nombre de parcelles et de pieds touchés a été multiplié par deux par rapport à 2014. Dans les Bouches-du-Rhône, on a compté 9 100 pieds de vignes contaminés dans 211 parcelles, et dans le Vaucluse, 7 500 pieds sur 276 parcelles.

Dans le Var, en revanche, les prospections n'ont rien révélé alors qu'un foyer de 11 pieds avait été découvert en 2014. Des réunions seront organisées entre la Draaf Paca, les professionnels et la Fredon pour analyser les raisons de cette évolution.

Rhône-Alpes

Le Diois touché pour la première fois

La flavescence dorée vient d'être identifiée dans le Diois pour la première fois. Un foyer touche quatre communes et compte 500 pieds malades. Cette découverte fait bondir Fabien Lombard, président de l'ODG. Il dénonce le « manque de rigueur et de courage » des pépiniéristes, qui refusent de généraliser le trempage à l'eau chaude (TEC). « Faut-il attendre que 100 % du vignoble français soit atteint pour rendre obligatoire cette mesure simple et efficace sur l'ensemble du territoire ? », interroge-t-il.

Mais pour Pierre-Denis Tourette, président du Syndicat des pépiniéristes de la Drôme, le TEC ne permettra pas, à lui seul, d'endiguer la maladie: « La prospection est nécessaire, de même que la lutte contre la cicadelle. La lutte contre la flavescence dorée passe par ces trois moyens. Il faut s'attaquer à tout en même temps. »

Cette année, 100 % du Diois sera donc inspecté, soit 1 600 ha de vignes. « C'est un effort très important qui permettra de faire un état des lieux complet », commente Fabien Lombard. À 70 km à l'est de Die, le secteur de Montélimar vient, lui aussi, d'être révélé positif au phytoplasme pour la première fois en 2015. Un « petit » foyer de cinq ceps sur une parcelle en IGP y a été détecté. Ces nouveaux foyers s'ajoutent à ceux déjà connus, et qui s'étendent dans le sud de la Drôme.

Toujours en Rhône-Alpes, la Savoie reste très fortement contaminée, avec 12 000 pieds malades repérés sur 1 860 parcelles.

Une lutte minutieuse en Bourgogne

Les Bourguignons cherchent depuis 2012 à réduire les traitements insecticides contre la cicadelle de la flavescence dorée. En 2014, en lien avec les services de l'État et la Fredon, ils ont instauré la « conditionnalité » des traitements. Depuis, au lieu des trois applications qu'impose le décret national de lutte obligatoire, les viticulteurs peuvent en effectuer un, deux ou trois, en fonction de l'importance du foyer à combattre et des populations de cicadelles observées durant la saison. Dans les secteurs où des pieds isolés ont été découverts, un à deux traitements seulement sont obligatoires et la zone de traitement a été réduite à un rayon de 500 mètres autour du pied contaminé, et non plus à l'échelle des communes limitrophes. Le génotypage des souches du phytoplasme, enfin, permet d'aller encore plus loin dans l'affinement de cette lutte insecticide (voir encadré p. 33). « Tout cela ne peut fonctionner que si l'on arrache tous les pieds malades et que l'on prospecte 100 % du vignoble tous les ans. Avec la lutte insecticide, ce sont les piliers principaux sur lesquels le plan de lutte est construit », rappelle Jean-Hugues Goisot, de la CAVB. Cette stratégie porte ses fruits. Entre 2014 et 2015, les surfaces traitées ont diminué de 95 % en Côte-d'Or et de 54 % en Saône-et-Loire, tout en découvrant beaucoup moins de nouveaux foyers.

Des souches peu épidémiques

Depuis 2014, l'Inra de Bordeaux procède au génotypage d'échantillons de phytoplasmes de la flavescence dorée.

Il s'agit d'identifier, par des tests génétiques, la souche qui infecte un plant. Pour rappel, les scientifiques ont identifié trois groupes génétiques du phytoplasme en Europe : FD1, FD2 (de loin le plus fréquent en France) et FD3. Dans les trois, il existe des « variants », c'est-à-dire des types génétiquement différents que l'on identifie par génotypage. Or, certains génotypes semblent peu épidémiques. Les Bourguignons ont donc souhaité, en accord avec le Sral, tester une stratégie « zéro traitement » en 2015 pour deux foyers isolés, contaminés par des souches a priori peu infectieuses, l'un situé à Saint-Aubin (Côte-d'Or), l'autre à la Chapelle-de-Guinchay (Saône-et-Loire). En revanche, les mesures prophylactiques ont été maintenues : arrachage des souches contaminées à l'hiver 2015 et prospection à 100 % de la zone à l'automne. Ces prospections n'ont pas donné lieu à de nouvelles découvertes de pieds contaminés. L'expérimentation se poursuivra en 2016.

Le Point de vue de

PASCAL PELISSOU, 50 HECTARES DE VIGNES, À BRENS (TARN)

« Il est possible de s'en sortir »

En 2010, lors d'un passage dans ses vignes, Pascal Pelissou soupçonne la présence d'une dizaine de pieds contaminés par la flavescence dorée sur un îlot de 10 hectares situé en bordure de rivière. « J'ai commencé à m'inquiéter, se souvient-il. En 2011, une prospection plus poussée avec la Fredon confirme le diagnostic : il s'agit bien de la flavescence dorée et une cinquantaine de pieds sont touchés que j'arrache aussitôt. Au fil des ans, j'observe une montée en puissance de la maladie sur cet îlot et ce, malgré l'arrachage systématique de pieds contaminés dès la détection : une centaine en 2012, 150 en 2013 et 200 en 2014. Et cette année, pour la première fois, je connais une baisse de la maladie, avec seulement 40 pieds contaminés. Maintenant, j'espère en venir à bout. On peut s'en sortir. La maladie n'est pas une fatalité, à condition de prendre toutes les mesures nécessaires dès les premiers symptômes : arrachages, prospections et traitements insecticides bien positionnés. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :