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VIN

Transferts de vin Les bons tuyaux

MARION BAZREAU - La vigne - n°285 - avril 2016 - page 50

Encore peu présents dans les caves privées, les tuyaux fixes en acier inoxydable investissent les coopératives. Ils allègent le travail et sont plus hygiéniques.
BENJAMIN ANDRIEU seconde Gilles Cutillès à la coop de Talairan (Aude). Ensemble, ils ont eu l'idée de placer un tuyau en Inox entre le haut des cuves extérieures et le chai. ©  M. BAZIREAU

BENJAMIN ANDRIEU seconde Gilles Cutillès à la coop de Talairan (Aude). Ensemble, ils ont eu l'idée de placer un tuyau en Inox entre le haut des cuves extérieures et le chai. © M. BAZIREAU

SÉBASTIEN LACUVE, directeur des Vignerons de la Voie romaine (Aude).

SÉBASTIEN LACUVE, directeur des Vignerons de la Voie romaine (Aude).

AUX VIGNERONS DE LA VOIE ROMAINE, un tuyau fixe et des vannes en Inox desservent les cuves en béton.

AUX VIGNERONS DE LA VOIE ROMAINE, un tuyau fixe et des vannes en Inox desservent les cuves en béton.

Vinifier dans un chai bâti en 1932 n'est pas chose aisée. En huit décennies, la manière de travailler a évolué. Aux Terroirs du Vertige, la coopérative de Talairan, dans l'Aude, la gamme des vins s'est s'étoffée et les mouvements de vins ont augmenté. Les cavistes ont longtemps couru le risque de se prendre les pieds dans l'un des nombreux tuyaux jonchant les allées. Mais, il y a dix ans, le directeur de la cave, Gilles Cutillès, a trouvé la parade en commençant à investir dans de la tuyauterie fixe en acier inoxydable. Une installation faite à tâtons, millésime après millésime, en fonction des retours de ses cavistes. « J'ai eu le déclic lorsque je me suis retrouvé seul au chai durant un été. En plus d'avoir à surveiller là où je mettais les pieds, j'ai compris que transporter des manches souples était pénible. »

Poser cette tuyauterie fixe n'a pas toujours été simple. Les chaudronniers ont dû travailler l'Inox pour qu'il prenne les bons angles, souder des coudes et des vannes, ou encore poser des purges pour évacuer le vin et l'eau de rinçage sur les tuyaux qui n'étaient pas en pente... « Il faut penser à tout. Ainsi, les tuyaux doivent être installés à une certaine hauteur pour éviter de gêner le passage des cavistes et des machines. »

Si l'on travaille à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, cela se complique encore. Aux Terroirs du Vertige, le haut d'une batterie de cuves extérieures arrive à peu près à la même hauteur que le premier étage du chai. Pour relier les deux, la coopérative a fait installer une passerelle avec un escalier entre le chai et ces cuves. Par la suite, Gilles Cutillès et Benjamin Andrieu, son second qui prendra sa succession, ont eu l'idée de placer un tuyau en Inox entre les deux. Depuis, les cavistes n'ont plus à emprunter les escaliers les bras chargés de manches souples lors des transferts de vin.

À l'extérieur, le directeur a aussi fait poser une série de cuves Gimar pour automatiser les fermentations en phase solide. Une fois celles-ci terminées, le vin est soutiré dans des cuves situées dans la cave. À cette fin, le vin passe dans un tuyau en Inox qui relie l'extérieur au chai. À l'intérieur du chai, ce tuyau se divise en deux branches et dessert une rangée de cuves. Avant le transfert, les cavistes raccordent la bonne extrémité à la cuve de réception par une manche souple. Grâce à une vanne à trois voies, ils orientent le vin vers la droite ou la gauche. Et le tour est joué !

« Finalement, les tuyaux en Inox, c'est un peu comme les télécommandes. On peut faire sans, mais, une fois équipé, on se rend compte que ce n'est pas du luxe car ils facilitent et sécurisent le travail. »

S'ils soulagent les cavistes, les tuyaux fixes sont aussi plus hygiéniques que les manches souples en PVC. Manu Tadin travaille pour Polygoninox, basé à Rivesaltes, et vend de la tuyauterie fixe aux caves des Pyrénées-Orientales. « Les tuyaux en Inox se nettoient facilement à la soude ou à l'eau. Nous soudons l'Inox à chaud et sous azote, ce qui le rend parfaitement lisse. Du coup, on peut également utiliser des balles de raclage pour vidanger à fond les tuyaux », détaille-t-il.

À 60 km de Talairan, les Vignerons de la Voie romaine et du Cabardès, à Villesèquelande (Aude), travaillent sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée, ils ont accès aux trappes basses des cuves en béton de 400 hl. Au 1er étage, se trouvent les trappes du haut de ces cuves et celles du bas des cuves de 300 hl. Enfin, au 2e étage, se trouvent les trappes supérieures des cuves de 300 hl.

Pour faciliter la tâche des cavistes lorsqu'ils doivent transférer du vin d'un étage à l'autre, Sébastien Lacuve, directeur de la cave, a fait poser un réseau de tuyauterie dans les murs et le long des cuves. Ne reste plus qu'à raccorder la cuve de départ à ce réseau par une courte manche souple. Puis faire de même avec la cuve d'arrivée et ouvrir les bonnes vannes pour relier les deux cuves.

Le système est déjà bien abouti, mais le directeur ne compte pas s'arrêter là. « Les cavistes me font régulièrement des suggestions, et chaque millésime s'accompagne d'une petite amélioration. Cette année, nous allons détruire les murets qui entourent le sommet des cuves en béton au dernier étage pour faciliter la circulation. Nous allons aussi rehausser les tuyaux fixes afin de les placer à hauteur d'homme. Ils n'auront plus à se baisser pour y raccorder les manches. »

Dehors, un nouvel atelier de vinification est en construction. Là, Sébastien Lacuve a fait empiler plusieurs cuves de vinification en rouge. Toujours à la recherche d'un meilleur confort, il a demandé que de nombreux tuyaux en Inox verticaux permettent de passer de l'une à l'autre sans difficulté. Il y en a déjà tellement qu'il a fallu les numéroter !

À chaque vin son Inox

L'acier inoxydable se compose de divers alliages. Il contient plus de 50 % de fer, mais également un minimum de 10,5 % de chrome, pour éviter la corrosion, de carbone (moins de 1,2 %) et d'autres métaux tels que le nickel ou le molybdène, dans différentes proportions. Le nickel assure la stabilité et la solidité de l'acier, quand le chrome et le molybdène améliorent sa résistance à la rouille. En oenologie, on utilise principalement quatre types d'Inox : l'Inox 304 pour le vin rouge, le 304L (« L » pour « Low Carbon »), le plus utilisé, convient à tous les vins. Les Inox 316 et 3016L comportent davantage de molybdène et offrent une meilleure tenue à la rouille. Ils sont recommandés pour les milieux agressifs comme les bords de mer.

Des prix volatils

C'est Jean-Charles Palloure, gérant d'Aude Œnologie, qui a réalisé les installations de tuyauterie fixe aux Terroirs du Vertige et chez les Vignerons de la Voie romaine et du Cabardès. « Sur de la tuyauterie fixe, c'est la main-d'oeuvre qui coûte le plus cher. En fonction de la facilité du chantier, de la hauteur des installations ou de la pose de coudes, il faut compter entre 60 et 70 € par mètre linéaire de tuyauterie posée. L'Inox compte pour moins de 10 % dans le budget », explique-t-il. En revanche, le cours de l'Inox pèse lourd dans le prix d'achat d'une cuve. Ainsi, alors qu'il n'inaugurera son nouveau site de vinification qu'aux prochaines vendanges, Sébastien Lacuve, directeur des Vignerons de la voie Romaine, a passé ses commandes il y a déjà huit mois car les cours étaient bas. Le prix de l'Inox dépend avant tout de ses matières premières. L'Inox 304L se vend autour de 3 € le kilo. Les fluctuations des prix du nickel, surtout produit en Russie et au Canada, et du molybdène sont déterminantes dans le coût final de l'acier.

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