Tutoiement facile, humour décapant et voix qui porte, Philippe Richy est comme un poisson dans l'eau avec ses clients, au Salon des Vignerons indépendants. À le voir présenter ses vins, l'exercice a l'air simple. Son secret : dédramatiser et utiliser une bonne dose de second degré.
Comment abordez-vous le vin face à des néophytes ?
Philippe Richy : Je le fais toujours de manière décontractée, avec des mots simples. En sillonnant les salons de particuliers, je me suis aperçu que si les gens achètent du vin et aiment ça, ils ont très peu de connaissances, même basiques, sur le sujet. Cela ne sert à rien de les noyer sous des explications pointues.
Vous éludez donc les thèmes techniques ?
P. R. : Non, pas forcément. Il faut savoir à qui l'on s'adresse. Si on me pose des questions précises, j'y réponds. L'important, c'est de mettre les gens à l'aise, de leur expliquer notre philosophie. C'est ce qu'ils recherchent quand ils viennent voir un vigneron, ils veulent connaître sa personnalité et celle de ses vins ! Par exemple, j'ai une cuvée en blanc issue d'un assemblage de grenache et de clairette que je travaille en macération pelliculaire. Je leur explique ma démarche : j'estime que les blancs aussi méritent un peu de macération avant de passer au pressoir. Je pense qu'on a autant à tirer d'une peau de raisin blanc que de raisin rouge. En goûtant, ils comprennent pourquoi ce vin a une belle couleur dorée et de la matière.
Que privilégiez-vous dans votre discours ?
P. R. : Le terroir, c'est important pour moi. Pourquoi les gens viennent-ils nous voir sur les salons ? Parce que nous avons tous des racines rurales ! Les citadins ont besoin qu'on leur parle de la terre, de la campagne. Le vigneron leur ouvre les portes de ce monde paysan, en quelque sorte. Au-delà du vin, ce sont des histoires qu'ils veulent.
Vous écrivez que les sulfites sont devenus un sujet de préoccupation. Comment répondre aux inquiétudes des consommateurs ?
P. R. : Les sulfites, personne ne m'en parlait jusqu'à ce qu'on nous oblige à indiquer leur présence sur l'étiquette. Depuis, tout le monde se sent concerné. Cela ne sert à rien de contredire ceux qui se disent allergiques ou intolérants. Mais il est toujours possible de leur expliquer que les sulfites se trouvent partout, dans toute l'industrie agro-alimentaire. Et de les laisser réfléchir...
Comment réagir face à quelqu'un qui n'aime pas le vin qu'on lui fait goûter ?
P. R. : Je commence par lui demander pourquoi. Ainsi, pour l'un de mes pézenas, un client vient de me dire que la finale en bouche le gênait. En réalité, il y a une note de cassis très marquée. Je le lui ai dit. Il m'a confirmé que c'était bien ça. C'est facile pour les vignerons de mettre un mot sur des sensations, mais c'est beaucoup plus compliqué pour le consommateur. Il faut être attentif à leurs expressions et leur donner des pistes pour les aider à comprendre. Il faut dédramatiser la situation et aussi les inciter à développer leur palais. Lorsque quelqu'un vient me dire qu'il n'y connaît rien en vin, j'essaie de prendre les choses avec humour. Je lui fais remarquer qu'il ne dirait jamais une chose pareille en entrant dans une fromagerie ! Pourtant, l'univers des fromages, lui aussi, est compliqué ! On a l'impression que le vin est devenu un produit réservé à une élite. Il faut décomplexer les gens et leur redonner confiance. L'humour est un de mes atouts pour y arriver. Arrêtons de nous prendre au sérieux !
Le Vin décomplexé, par Philippe Richy, éditions Ouest-France, 95 pages, 8,90 euros.
SES 3 CONSEILS
- Être cordial et accueillant sur son stand.
- Aider les visiteurs à déguster les vins. Philippe Richy leur remet une plaquette sur papier glacé, au format A5. Les cuvées y sont présentées sommairement, avec quelques lignes laissées libres pour la prise de note.
- Savoir fixer des limites. « Pour les visites du domaine, il faut savoir dire non. Je préfère recevoir mes clients sur les salons où je suis disponible et à leur écoute. Je me déplace suffisamment en France pour aller à la rencontre de beaucoup d'amateurs ! »